Saleh, trajectoire d’un Mahmoud politique qui souffle à l'oreille du Président

lundi 9 novembre 2020 • 1767 lectures • 2 commentaires

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Saleh, trajectoire d’un Mahmoud politique qui souffle à l\'oreille du Président

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Stratège politique hors-pair, Mahmoud Saleh, le nouveau Directeur de cabinet du chef de l’Etat, est considéré comme le jardinier controversé des rêves politiques de Macky Sall. Itinéraire d’un Trotskiste revendiqué.

Le témoignage n’est qu'à un pas de l'enjouement excessif de l’inimitié. Il campe le caractère supposé sombre de l’homme politique Mahmoud Saleh, tout frais Directeur de cabinet du président de la République, et sa prétendue influence sur les décisions du chef de l’Etat, Macky Sall. «Tout ce qui se passe actuellement au sein de la majorité, c’est lui, explique, furax, un haut responsable de «Macky2012». Le retour de Idrissa Seck aux affaires, la défenestration de Mimi Touré du Conseil économique, social et environnemental (Cese), les limogeages de Amadou Bâ, Makhtar Cissé et Aly Gouille Ndiaye du gouvernement, il est au cœur de tout ce qui se fait au Palais. Il a l’oreille du Président et c’est lui qui échafaude les schémas de promotion politique, trace les pires desseins de rupture. C’est un grand comploteur qui ne vit que d’influence, un rentier de la tension.» Un animal politique, adepte du Trotskisme, qui abhorre l’argent – qu’il aurait démystifié - et ne s’épanouit que dans l’adversité et la pratique souterraine de moyens ingénieux, généralement jugés malhonnêtes par ses pourfendeurs, pour parvenir à ses fins.

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Polémique sur ses diplômes

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Directeur de cabinet politique du chef de l’Etat jusqu’au remaniement du 1er novembre dernier, Mahmoud Saleh porte l’image d’un torpilleur en mission commandée qui a comme feuille de route l'expérimentation et la mise en pratique du nouveau projet politique de Macky Sall accusé de vouloir briguer un troisième mandat. Une proximité avec le patron de la majorité présidentielle qui expliquerait sa promotion comme Directeur de cabinet du président de la République. Sans les diplômes requis ? Une nomination qui a soulevé des vagues et le voile de mystère qui entoure les relations Macky-Saleh.


Selon certains observateurs, le décret de Macky Sall viole la loi qui dispose qu’un Directeur de cabinet doit être un fonctionnaire de la hiérarchie A. Mahmoud Saleh n’aurait pas terminé ses études en sociologie en France, précisément à l’Université de Bordeaux. Mais pour Abdou Aziz Sow, ami d’enfance de Saleh, il faut éviter ces types de débat, car les meilleurs dans ce monde, on ne les juge pas à partir d’un diplôme universitaire. «C’est assez marrant qu’aujourd’hui à son âge, plus de 65 ans, on essaie de le juger à l’aune de sa formation académique ou d’un diplôme universitaire, c’est très réducteur, à mon avis. Les plus grands syndicalistes dans le monde n’ont pas fait un jour de banc à l’université. Il a eu du mérite en arrivant à ce niveau et cette position. Il a été dans le département de sociologie de l’Université de Bordeaux et il a bien assimilé ce qu’il y a appris, en plus de l’apprentissage de la vie pratique au niveau des combats d’étudiants. On nous a appris à être techniquement compétent et politiquement conscient, et il en apporte la preuve aujourd’hui.»


Ancien ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement sous Wade, Abdou Aziz Sow confie que Mahmoud Saleh a très tôt compris que dans la vie, le politique décide. «Si on décide de se cacher derrière, de faire ses formations et de revenir pour travailler, le politique peut te mettre un sens interdit, à travers une décision, et t’empêcher d’arriver là où tu veux. Donc il faut être de ceux qui demain, vont décider techniquement et politiquement.» Et politiquement, Mahmoud Saleh a un curriculum vitae (CV) qui pèse lourd. Une carrière militante entamée depuis l’Université de Dakar. «Il a été dans le syndicalisme étudiant à Dakar au sein de l’Association générale des étudiants sénégalais (Ages), témoigne un de ses camarades d’infortune. Ce sont eux qui ont fait les mouvements du début des années 70, qui ont conduit à une grève où il y a eu 642 exclus de l’Université de Dakar en 1972. Il a poursuivi le militantisme en France, à l’Association des étudiants sénégalais en France et à la Fédération des étudiants d’Afrique noire. Rentré au Sénégal à la fin des années 70, il a été membre de la direction de la Ligue communiste des travailleurs et a participé à la bataille pour la naissance de nombreuses centrales syndicales autonomes.» Ministre conseiller de l’ancien président Abdoulaye Wade, Mahmoud Saleh chemine aux côtés du président Macky Sall depuis que ce dernier a été chassé du Pds.


«Plus qu’un membre fondateur de l’Apr»


Mahmoud Saleh a longtemps baigné dans la mare politique. Ses compagnons (ra)content son odyssée militante, son pedigree de bête politique. «A la fin des années 80, nous étions membres du Mouvement pour le socialisme et la démocratie, qui était la fusion entre la Ligue communiste des travailleurs (Lct) et le Mouvement démocratique populaire de Mamadou Dia. Séparés de Mamadou Dia en 89, nous avons fondé l’Union pour le socialisme et la démocratie (Usd), et à la fin des années 90, nous avons collaboré avec le courant du renouveau démocratique du Ps, pour créer l’Union pour le renouveau démocratique avec Djibo Ka. Après les élections de 2000, c’est la séparation avec Djibo Ka et la création de l’Union pour le renouveau démocratique Front pour l’alternance (Urd/Fal).» Saleh a également créé en 2006, le Nouveau Parti (NP), avant d’être nommé ministre-conseiller par le président Wade. Il le quittera en 2010 pour rejoindre Macky Sall et l’Apr. Considéré comme un membre fondateur du parti du chef de l’Etat, Mahmoud Saleh serait même plus que ça, à en croire un de ses camarades dans la politique. «A partir de 2009, il a participé à l’affrontement entre Macky Sall et la direction du Pds, pour créer Dekkal ngor, avant de rentrer dans la direction de l’Apr. Il est plus qu’un membre fondateur de l’Apr, car quand nous étions à l’Urd, il avait lancé l’Alliance pour la défense de la République, entre 2003 et 2004, qui est précurseur des principes fondateurs de l’Apr.»


«Politiquement bien armé, techniquement bien formé»


Partout où il est passé, le Dircab du chef de l’Etat a traîné la réputation d’un fin stratège politique. Manipulateur, conspirateur, il n’a pas bonne presse auprès de certains. Mais pour son ami, Abdou Aziz Sow, Saleh et ceux qu’on appelait la bande des trotskistes ont toujours combattu avec comme seule arme l’argumentation. «On le considère ainsi parce qu’il a une très forte base idéologique, forgée dans le militantisme et l’application de méthodes assez simples, croit-il savoir. Il est très logique dans son approche, ce n’est pas qu’il soit prêt à tout, mais il est prêt à tout pour faire valoir ses idées et ses convictions. Politiquement, on peut dire qu’il est féroce, mais ça c’est le cas de tous ceux qui ont des idées et qui sont prêts à les défendre jusqu’au bout.» Suivant M. Sow, c’est quand on est ultra minoritaire dans un groupe et qu’on réussit par ses arguments et ses approches, à gagner la majorité, qu’on est ainsi catalogué. Taxé de faucon du palais, Mahmoud Saleh serait même le cerveau à l’origine de la plupart des stratégies politiques et à la tête du laboratoire politique du Président Macky Sall. Ce que certains responsables de l’Apr ne voient pas d’un bon œil. Mais pour le porte-parole adjoint du parti présidentiel, Abdou Mbow, c’est trop dire et lui donner un peu trop d’importance. «Que c’est lui qui est derrière les stratégies du président Sall, c’est trop dire, parce que le président est le leader de notre parti, les décisions lui reviennent de droit, et c’est quelqu’un qui sait prendre ses responsabilités. Mais il faut reconnaître à Saleh que sur le plan politique, c’est quelqu’un qui sait faire bouger les choses, je lui reconnais aussi un engagement et une loyauté sans faille. Quand il est dans une cause, il y va jusqu’au bout. Il n’a pas peur des critiques, des invectives ou des attaques. Il a marqué l’évolution de notre parti politique.» Le premier Vice-président de l’Assemblée nationale admet cependant que l’homme est un stratège politique hors pair. Abdou Aziz Sow en rajoute une couche. «Il arrive à détecter ce que certains veulent cacher, il en a la formation et il l’a expérimenté, ce n’est pas seulement de la théorie, mais de la pratique. Il est politiquement bien armé, techniquement très bien formé, et il est dans une permanence de défense de ses idées, qui ne sont pas ses intérêts personnels.» Son passage au sein de la société Africa Mer, en tant que commercial, aura aussi servi à Mahmoud Saleh. Un de ses amis : «Il faut être fin stratège pour percer dans le milieu du poisson, il faut aussi être fin stratège pour percer à la Fédération des étudiants d’Afrique noire. Donc son itinéraire personnel, son expérience professionnelle, et aussi l’expérience du syndicalisme étudiant lui ont valu des connaissances stratégiques aguerries et éprouvées.»


«L’affrontement ne cesse que quand il est victorieux»


Toutefois, d’après ses proches, Mahmoud Saleh est loin de l’image que les gens ont de lui. L’ancien ministre Abdou Aziz Sow : «C’est un homme très famille, chez lui, on peut y aller à n’importe quelle heure de la journée, je pense que même s’il a des agents de sécurité, ils doivent sûrement se casser la tête, parce qu’il est en permanence avec ses amis. Il est très sensible et sentimental, même si les gens le dépeignent assez désagréable, ce que je lis souvent dans la presse est contraire à l’image de celui que je connais.» Abdou Mbow, qui lui témoigne des capacités d’ouverture et de rassembleur, retient de lui un épisode particulier. «Quelques jours avant les évènements du 23 juin 2011, alors que je venais de sortir d’une garde à vue au commissariat de Grand-Yoff, il m’a dit ‘’Abdou, il faut t’armer de courage, ceux qui sont pressés ne verront pas Macky Sall à la tête du pays, mais nous allons l’installer à la tête du pays tôt ou tard.’’ Cela m’a marqué et je l’ai retenu.» Une prophétie qui s’est réalisée le 25 mars 2012. Pour Abdou Mbow, Saleh est un homme très sociable et doté de grandes qualités humaines, une personne simple, qui a gardé ses amis d’enfance qu’il retrouve fréquemment les dimanches au ‘’grand-place’’. Mais une personne «un peu trop politique parfois», estime le porte-parole adjoint de l’Apr qui ne considère cela comme un défaut. «Il est d’un grand apport auprès du président de la République». 


Son compagnon politique le décrit également comme une personne d’un commerce agréable, «un bon pote». Mais qui a le sang chaud. «Il n’a pas de sang ndiago, mais c’est un vrai ndiago, rit-il. Avec lui, un affrontement ne cesse que quand il est victorieux, tant qu’il ne gagne pas, l’affrontement n’est pas terminé. Avec l’âge, il s’est un peu adouci, a acquis la résilience et l’acceptation des coups durs, mais il garde son opiniâtreté et son obstination.» Pour cet ami de Saleh, il est difficile de parler de son compagnon sur le plan personnel. «En fait, il y a une dissolution de la vie personnelle dans la vie militante, une dictature du militantisme sur la vie personnelle, qui dissout aussi bien vos qualités que vos défauts. D’ailleurs, ce que nos épouses et nos enfants nous reprochent souvent, c’est qu’un militant, c’est un mauvais mari et un mauvais père de famille.» Dans sa vie, il y a un épisode que Mahmoud Saleh n’oubliera pas de sitôt, et c’est lors des événements sénégalo-mauritaniens de 1989. «Avec son teint clair, on l’a confondu à un maure et on a failli l’égorger», s’esclaffe son ami. C’est pas drôle !


ADAMA DIENG

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Publié par

Namory BARRY

admin

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