Aïcha Henriette Ndiaye, révélations sur la dame qui a formé Arial Mendy et Frank Kanouté

mercredi 25 novembre 2020 • 1342 lectures • 1 commentaires

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Aïcha Henriette Ndiaye, révélations sur la dame qui a formé Arial Mendy et Frank Kanouté

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Footballeuse, entraîneuse, instructrice Caf, dénicheuse de pépites, Aïcha Henriette Ndiaye a donné sa vie au foot.  Découverte ! 

Quand elle déchire la ville avec sa puissante moto kawasaki z800, au milieu de la dangereuse circulation, dreadlocks au vent, les garçons dégustent, les filles se déballonnent et les mémés ne s’empêchent de déblatérer avec des phrases genre : «garçon manqué…» Aïcha Henriette Ndiaye ne passe pas inaperçue à Ziguinchor. Dans le monde du football sénégalais non plus. L’ancienne capitaine de l’équipe nationale de football féminin du Sénégal (2002-2005) est au Sénégal ce que Corinne Diacre (sélectionneuse de l’équipe de France féminine de football) est au pays de Marianne.

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Footballeuse internationale qui a mis prématurément fin à sa carrière, progressivement après le traumatisme de sa vie causé par la perte de 27 gamins de son école de football dans le naufrage du bateau le Joola un 26 septembre 2002, Aïcha Henriette est devenue entraîneuse. Elle est aussi une dénicheuse de talents dans le sud du Sénégal pour l’académie Diambars de Saly.

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La quarantaine, cette dame de fer, courageuse à toute épreuve, a suivi un parcours de vie à jamais lié au foot. L’Observateur passe à la loupe la trajectoire peu banale de la pionnière dans la pratique du foot féminin au Sénégal, la première dame à coacher des mecs et première Sénégalaise à être promue instructrice par la Confédération africaine de football. 


Descendante de Ibrahima Diallo, plus connu sous le nom d’Ibou Diallo, premier président de l’Assemblée de la Casamance et 1er député-maire de Sédhiou, Aïcha Henriette Ndiaye est née à Ziguinchor. Mais c’est à Dakar où son père a été affecté qu’elle a chopé le virus du foot. Au début, c’était juste un simple plaisir de taper dans le ballon, lors des cours d’éducation physique, au camps Pol Lapeyre, appelé aujourd’hui caserne Général Mame Bounama Fall de Ouakam. Sa famille déménage à Yoff où la plage lui offre un cadre d’expression pendant 8 ans. Au retour, en 1990, dans son Ziguinchor natal, Aïcha s’inscrit à l’école de football Ado, à Santhiaba. Parallèlement, elle se met au volley-ball (elle a été double championne du Sénégal) et à l’athlétisme. Mais comme elle était faite pour le foot, Aïcha a été enrôlée par un club gambien. En deux saisons, elle suscite l’envie de la Gambie de la naturaliser en 2001, mais elle n’a voulu pour rien au monde changer de nationalité sportive et est rentrée au Sénégal en 2001.


«Elle a toujours attiré les projecteurs»


Son talent force le respect. Joueuse à tout faire, la polyvalente Aïcha évolue à tous les postes. Sauf gardien de but. «Je jouais milieu de terrain, excentrée, en défense…j’étais polyvalente et j’avais vraiment de l’énergie pour être partout dans un terrain», admet la capitaine de la première équipe nationale de foot féminin du Sénégal coachée à l’époque par Abdou Salam Lam. Aïcha a porté aussi les couleurs des équipes féminines les plus cotées. Elle a gagné la coupe du Sénégal et le championnat avec Gazelles, équipe de la municipalité de Dakar, avant de rejoindre les Aigles de la Médina. Avec cette équipe, elle a gagné la coupe du Sénégal et le championnat pour ensuite s’expatrier en Gambie. Au retour, elle a déposé ses valises chez les Sirènes de Grand-Yoff (elle a gagné coupe et championnat). «Aïcha était une joueuse agréable à regarder parce qu’elle a du charisme et du talent à revendre. Quand elle est dans le terrain, c’est toujours une cheffe naturelle qui impose le respect et la méfiance à l’adversaire. Elle a du caractère et aime le beau jeu. Elle se déporte avec la balle jusque sur les flancs pour malmener l’adversaire et offrir du spectacle au public. Elle a toujours attiré les projecteurs», témoigne Mame Ndioba Sarr, ancienne coéquipière de Aïcha chez les Sirènes.


Après une carrière de joueuse bien remplie, Aïcha a eu la chance de préparer sa reconversion. «Je travaillais en même temps à Enda-Tiers-Monde. Et j’ai eu beaucoup d’opportunités. Grâce au directeur, Jacques Bugnicourt (cofondateur et secrétaire exécutif de ENDA jusqu’en 2002), je suis partie en France passer mon diplôme d’initiatrice socioéducative polyvalente. J’ai eu la même année mon diplôme d’initiateur (entraîneur) et le grade d’arbitre de district.»


Le naufrage du Joola, le début de la  fin de sa carrière


Le pied à l’étrier, elle crée en 2000 une école de football à Ouakam et la baptise «Gaucher Paye», ancien formateur à la Jeanne d’Arc de Dakar, actuellement dans l’encadrement de Diambars. Mais c’est dans son Ziguinchor natal qu’elle va véritablement réussir dans le projet de la formation. Et encore son projet à failli tomber à l’eau en 2002, quand 27 membres de son école de football ont disparu en mer dans le drame du bateau le Joola. 18 ans après, elle en parle trémolos dans la voix. «On était invité à un tournoi à Fatick. Mais on n’avait pas les moyens de louer un bus pour prendre la route. A l’époque, j’étais encore footballeuse et capitaine de l’équipe nationale. Je suis partie voir le commandant Guèye qui nous a fait une réduction sur les tickets du bateau le Joola. On a payé 5 000 FCfa aller-retour par personne. J’étais à Dakar où j’attendais mes gamins qui ont embarqué à bord du bateau à Ziguinchor. Une fois à Dakar, on devait rallier Fatick pour participer au tournoi de Mamadou Diarra, un ancien colonel des Douanes. Hélas ! Mes 26 gamins et un membre du staff sont restés dans l’eau… », raconte Aïcha Henriette Ndiaye. Ce drame lui a, un moment, enlevé toute envie de jouer au foot. «Après ce drame, à chaque fois que je voyais des enfants jouer au foot, j’avais les larmes aux yeux, c’est comme ça que j’ai perdu l’amour de jouer petit à petit, jusqu’au jour où j’ai arrêté ma carrière prématurément, parce que je pouvais encore jouer», dit-elle.


Folle du beau jeu de Johan Cruyff 


Le bateau le Joola lui a enlevé le goût de jouer au foot, mais ne la détournera pas de son destin footeux. Car pendant qu’elle était joueuse, Aïcha Henriette anticipait sur sa reconversion. «Je suis partie en France en 2002 pour avoir un diplôme de formateur-éducateur», confie la native de Ziguinchor. Embarquée dans le métier d’entraîneur sans être influencée, Aïcha Henriette Ndiaye est tombée raide dingue du style Johan Cruyff, pionnier libéral-libertaire du football spectacle et moderne, père spirituel de Pep Guardiola. «En 2006, grâce à Saer Seck (président de l’académie Diambars), je suis allée faire un stage en Hollande. C’est là-bas que j’ai su réellement qui est Johan Cruyff. Et depuis j’essaie de m’inspirer de lui». Rentrée de Hollande avec la philosophie du beau jeu de Johan Cruyff, la fille aux dreadlocks décide de casser les codes et d’aller entraîner des garçons, dans le bouillant championnat populaire. Elle est partie dans le mouvement Navétane, d’abord chez elle à Belfort (Ziguinchor), coacher les cadets. Puis à Dakar, pour coacher l’équipe sénior de Diamalaye (2007) qu’elle qualifie en finale, niveau jamais atteint en 25 ans. Mais c’est quand elle s’est retrouvée sur le banc de l’Olympique de Ngor (2006-2007), qu’elle fera monter en première division qu’elle a commencé à se faire prendre au sérieux. «Jusque-là, on me sous-estimait. J’ai repris une équipe de Navétane, Grand Médine que j’ai amenée en phases nationales». 


Elle est également passée sur les bancs de l’ASC Panthère des Parcelles Assainies, les Gazelles de la municipalité de Dakar, avant de rentrer à Ziguinchor prendre l’équipe masculine senior de Zig Inter qui était en National 1. En 2017, elle a pris l’équipe féminine du Casa Sports battue en finale de championnat par les Amazones de Grand-Yoff. «Elle a très vite développé des qualités d’entraîneur. Joueuse, elle était une meneuse, elle n’aimait pas perdre. Elle avait du caractère, elle jouait et coachait en même temps. Ça ne me surprend pas qu’elle soit entraîneur aujourd’hui», avoue l’ancienne coéquipière en équipe nationale, Mame Ndioba Sarr.


Pape Laye Gaye, ancien entraîneur de l’équipe nationale U20 de football féminin, connaît bien Aïcha Henriette Ndiaye, pour l’avoir eue comme joueuse et pour avoir fait d’elle son assistante sur le banc. «Elle a été une joueuse modèle, une fille qui a du caractère. Sur le terrain, elle montrait la voie à ses coéquipières. Elle était une battante sur le terrain et en dehors, elle encadrait les filles. Aujourd’hui, ça ne me surprend pas de la voir à ce niveau. Après sa carrière de footballeuse, elle est devenue entraîneur et nous avons travaillé ensemble sur le banc de la sélection féminine U20. On avait commencé avec les U17. Elle peut aller loin. Elle a une forte personnalité, ce qui est très important pour réussir dans ce métier. Elle a les qualités pour s’imposer en tant qu'entraineur», confie le directeur technique des Sirènes de Grand-Yoff.


Le jour où j’ai sauté un mur pour mettre la main sur Moussa Wagué


Titulaire de la licence C sénégalaise en 2009, de la licence B de la Caf en 2012 et instructrice Caf depuis janvier 2020, Aïcha se tisse sa toile d’araignée sans tambour ni trompette. Elle peut aussi se targuer d’avoir appris le foot à certains joueurs devenus aujourd’hui des internationaux. «J’ai formé Elimane Frank Kanouté (milieu de terrain du Cercle de Bruges convoqué en équipe nationale lors de la double confrontation avec la Guinée-Bissau) dans mon école de football à Ziguinchor. Arial Mendy m’appelle maman, parce que c’est moi qui lui ai appris le foot à bas-âge. Il est venu dans mon école de football à l’âge de 7 ans, avec son frère, Romain Mendy de même père qui était gardien de but. J’ai aussi formé Assane Niasse Baldé qui évolue au Portugal (Leça) et qui a pris la nationalité bissau-guinéenne. La liste est longue, j’ai formé d’autres joueurs qui sont encore jeunes, qui sont dans les équipes nationales des petites catégories». Aïcha est également dénicheuse de pépites dans le sud du Sénégal pour le compte de l’académie Diambars. «C’est moi qui ai amené Arial Mendy et Moussa Wagué qui, lui, était de l’école de football de Habib Badji, faire les tests à Diambars. Arial Mendy a été retenu, Moussa Wagué a été recalé, parce qu’il était très petit. Quand je suis allée chercher Moussa Wagué à Bignona pour les tests, j’ai failli ne pas le trouver. J’ai sauté le mur du Cem René Coly de Bignona à 7 h. Il n’y était pas parce qu’il était parti jouer un tournoi avec des amis. C’est aux Hlm de Bignona que je l’ai trouvé pour l’acheminer faire les tests de Diambars auxquels il n’a pas réussi. Par la suite, il y a eu les tests de l’académie Aspire, je l’y ai amené et il a réussi. Aujourd’hui, je sillonne le sud du pays à la recherche de pépites», raconte la fille qui a tout donné au foot. 


IDRISSA SANE (envoyé spécial à Ziguinchor)

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Publié par

Namory BARRY

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