Avis de tempête sur le pétrole sénégalais : les grosses révélations du Dr Momar Samb, ingénieur-géologue

mercredi 1 septembre 2021 • 1918 lectures • 1 commentaires

Économie 2 ans Taille

Avis de tempête sur le pétrole sénégalais : les grosses révélations du Dr Momar Samb, ingénieur-géologue

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Docteur ès Sciences géologiques et économiste, Momar Samb n’est pas convaincu par les résultats révélés pour l’exploitation du champ pétrolier de Sangomar. Dans cet entretien réalisé via mail, l’ingénieur-géologue renseigne que les recettes escomptées dans ce projet ne pourront pas rembourser les investissements à cause des incertitudes qui pèsent sur les réserves de Sangomar. Il soutient que les réservoirs du champ de Sangomar ne montrent pas une existence de gisement de classe mondiale. 

Après les découvertes pétrolières et gazières au large des côtes sénégalaises, les premières productions sont attendues en 2023. Quelle lecture faites-vous de ces grands projets auxquels le Sénégal est associé avec des majors du pétrole ?
Je suis perplexe sur ces annonces de date d’exploitation en 2023, du fait que le développement du champ pétrolier de Sangomar n’est qu’à la phase 1 sur 3 du projet. Sur ces questions, je donnerai mon avis que sur les découvertes de Sangomar jugées «de classe mondiale» faites par les compagnies Cairn Energy (société anglaise), Far (société australienne) et Conocophililps (société américaine) qui ont d’ailleurs tous quitté le navire (Joint-venture avec Petrosen, la société des Pétroles du Sénégal). Woodside (société australienne), la dernière arrivée, a racheté (exerçant son droit de préemption) les parts des «découvreurs» (Cairn, Conocophililps et Far) de ce lac de pétrole et devient l’opérateur principal du gisement de Sangomar. Comme disait l’autre, nous avons la valse à deux et à deux temps Woodside (82%) et Petrosen (18%). Hormis BP (British Petroleum) opérateur du champ de Saint-Louis et dernier des majors (Séniors) avec une dette de 51 milliards de FCfa, toutes les compagnies sont des "Juniors". 
Le projet de développement de Sangomar avec Woodside qui veut déjà vendre 50% de ses parts et qui a des résultats financiers (2019 et 2020) montrant un défaut de trésorerie, une augmentation de sa dette, une baisse de la valeur de l’entreprise et une forte valeur de capitalisation, me paraît très lourd pour ce Joint-venture à deux avec investissement estimés à 5,85 milliards de Dollars US (environ 3 240 milliards de FCfa). 

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Les découvertes pétrolières et gazières annoncées placent le Sénégal dans la catégorie des gisements de classe mondiale. Etes-vous de cet avis ? 
A mon humble avis, les réserves estimées à partir de 11 forages sont énormes et exagérées dans le bloc de Sangomar. Elles correspondraient à un lac de 40 km de longueur, 10 Km de largeur et de 15 m de hauteur de pétrole. Cela est peu probable dans le bassin du Sénégal (parties Onshore et Offshore) configuré par les mouvements tectoniques qui ont conduit au morcèlement, à la fracturation de la Pangée et à l’ouverture de l’Océan Atlantique. Cela ne montre pas une existence de gisement de «classe mondiale», mais plutôt des réservoirs lenticulaires de sables, sables argileux et de turbidités, dispersés et à faibles accumulations d’hydrocarbures.

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En tant que géologue de formation, êtes-vous convaincu que la structure du bassin sédimentaire du Sénégal peut renfermer des gisements de classe mondiale ? 
Je ne suis pas convaincu parce que les surfaces fermées des blocs à réservoirs sont petites et ne montrent pas une existence de gisements de «classe mondiale». La structure géologique est en compartiments (SEN1, FAN, CAYAR, TERANGA) tous parallèles à la côte et aux failles orientées Nord-Sud (NS) et entrecoupés par d’autres failles orientées Ouest-Est (WE). La structure géologique révèle plutôt l’existence de réservoirs lenticulaires de sables, sables argileux et de turbidités, éparpillés et à faibles accumulations d’hydrocarbures. Les tests de débits de production des puits ne témoignent pas de l’existence de gisement de classe mondiale.
Quelle est la configuration d'une structure qui peut renfermer un gisement qualifié de «classe mondiale» ?
Un gisement est qualifié de classe mondiale, si la structure anticlinale avec une surface fermée est comprise entre 1 350 Km2 à 8 400 Km2, comme les gisements de Hassi Messaoud en Algérie, le gisement Burgan au Koweït, les gisements Ahgadjari en Iran et Ghawar en Arabie Saoudite. Par contre, le bloc pétrolier de Sangomar a une surface fermée de moins de 400 Km2. 


Quelle est la durée requise pour la rentabilité d’un gisement de pétrole offshore ?
Les tests de production de 11 puits du gisement de Sangomar montrent des débits faibles de 4 000 barils/jour. Ce paramètre a conduit à l’opération projetée de réaliser plus 25 puits de production et près de 20 puits d’assistance pour augmenter les débits (récupération secondaire) afin d’avoir une production critique de 100 000 barils/jour.
Il faut noter que le projet d'exploitation de Sangomar offshore profond commence avec une récupération secondaire. Il est inconcevable que se réalise une assistance secondaire pour la sortie du premier baril d’un gisement de classe mondiale.
Les coûts de forages offshore (loin de la côte, en mer) sont plus élevés que les forages onshore (sur la côte, terre), les coûts de la construction du Fpso (Flotting Production Storage et Outloading), les coûts des installations sous terrestres et sous marines, l’évolution du taux de change flottant du Dollar Us, l’incertitude sur le prix du baril de pétrole en 2024 ou 2025 laissent présager (s’il y a exploitation et si ces réserves annoncées existent) à une faible rentabilité et une longue durée de retour sur investissement. La durée et le taux de rentabilité seront actualisés quand tous ces lourds investissements seront réalisés.


De grands investissements ont été effectués pour rentabiliser les gisements de Sangomar et Saint-Louis. Pensez-vous que les recettes escomptées pourront rembourser les investissements ?
Je pense que les lourds investissements sur ce secteur très capitaliste, à haute technologie, à forte main-d’œuvre étrangère généreront une faible valeur retenue dans le pays. Si les coûts ne sont pas maîtrisés, les réserves récupérables (35%) non certifiées et le prix du baril à la baisse, alors ce sera la débâcle économique. Mais prions pour que cela n’arrive pas à notre pays.
 
Croyez-vous que le type de contrat signé par les autorités sénégalaises (Contrat de partage de production) est adapté à notre économie qui vise l’émergence en 2035 ?
Le type de contrat signé par les autorités sénégalaises (Contrat de partage de production) n’est pas adapté pour nos économies qui sont à la recherche de croissance pour répondre à l’augmentation de leurs populations et de leurs besoins. Ce modèle de contrat devrait être repensé pour la maîtrise technique des ressources naturelles minérales et énergétiques, la structuration de la Joint-venture, les répartitions, les participations aux stades «Operational planning et Control planning». Les opérations se passent en haute mer avec un Fpso chargé pour livrer sa cargaison aux points de vente étrangers. 


Que faut-il faire exactement pour tirer profit de ces découvertes pétrolières et gazières ? 
Au Sénégal, des réserves de pétrole et de gaz sont toujours annoncées et non vérifiées et rien n’est produit. Beaucoup de sociétés minières nationales créées depuis belle lurette (Miferso, Sabodala, Tourbes des Niayes, Phosphates de Tobène, de Matam, Marbres du Sénégal Oriental, Petrosen et autres) n’ont pas contribué au Produit intérieur brut (Pib) du Sénégal pour l'équilibre de notre balance commerciale. Pour tirer profit des découvertes, il faudrait une logique d’actions scientifique, économique, industrielle et sociale.
FALLOU FAYE

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Publié par

Namory BARRY

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