CAN-2021 : Seny Dieng, l’histoire jamais racontée 

mercredi 12 janvier 2022 • 3848 lectures • 1 commentaires

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CAN-2021 : Seny Dieng, l’histoire jamais racontée 

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Inconnu du grand public il y a moins d’un an, Seny Dieng a connu une ascension fulgurante en Equipe nationale. Mais avant d’être titulaire avec le Sénégal à la CAN 2021 au Cameroun, le gardien de 27 ans a fait des sacrifices et traversé des épreuves qui lui ont forgé un moral d’acier. 

Le rêve d’une vie. Pour sa première participation à une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations, Seny Timothy Dieng s’est retrouvé dans la peau d’un titulaire. Troisième dans la hiérarchie des portiers en sélection, derrière le titulaire Edouard Mendy et sa doublure Alfred Gomis, il a démarré le match face au Zimbabwe, lundi à Bafoussam. Une première historique marquée par une victoire au bout du temps additionnel, avec un penalty de Sadio Mané (1-0). Après la rencontre, sa fierté se lisait sur son visage en zone mixte : «J’ai essayé de dérouler mon jeu comme je le fais chaque fois que je suis sur le terrain. Je savais que je pouvais le faire et cela a marché. Ce n’était pas facile, mais on a mérité la victoire. On a gagné et c’était le plus important. Il faut continuer ainsi.» Une satisfaction venue auréoler une longue attente.
Avant d’être sous le feu des projecteurs au Cameroun, le portier de 27 ans a fréquenté la Tanière, il y a huit ans. En 2014, il avait été convoqué par Aliou Cissé pour un match amical disputé par la sélection A’ face à la Colombie (2-2), à Buenos Aires (Argentine). Mais sur cette rencontre, l’entraîneur de la sélection olympique à l’époque l’avait laissé sur le banc. Son père, Oumar Dieng, joint au téléphone par L’Observateur, s’en souvient comme si c’était hier : «Ma fierté a commencé à partir de cette date et ce qui arrive maintenant ne fait que compléter ce qui avait été déjà débuté.» Il pouvait difficilement en être autrement pour le néo international qui a très tôt montré son attachement à son pays d’origine. «Seny a toujours eu le contact avec le Sénégal. Depuis l’âge de 3 ans, je l’amenais au pays. Je suis mouride et on se rendait souvent à Touba pour le Magal. On visitait beaucoup d’endroits et j’en profitais pour lui montrer ce que je faisais», raconte Oumar Dieng.

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La fête de Korité à Bène Tally et son premier voyage à Touba
Issu de l’union d’un père sénégalais natif de Bene Tally, parti du Sénégal à 20 ans, en 1987, avant de s’installer en Suisse après avoir «bourlingué partout en Europe», et d’une mère suissesse, Seny est le troisième enfant d’une famille de quatre filles et trois frères. Avec ses parents, il a visité pour la première fois le Sénégal, lorsqu’il avait «entre 4 et 5 ans». «On était venus en vacances de trois mois. C’était pendant la fête de Korité. Comme tout père sénégalais, je lui avais acheté de nouveaux habits et on était à Bène Tally. Nous sommes allés faire la prière avec mes frères et mes neveux. Le soir, quand je lui avais demandé ce qui lui avait le plus fait plaisir de la journée, il m’avait répondu que c’était le moment où on s’était tous rendus à la prière. Plusieurs années plus tard, je lui avais encore posé la question et il m’avait servi la même réponse.» Plongé dans ses souvenirs, Oumar Dieng rappelle une anecdote : «Lors d’un voyage à Touba pour le Magal, il avait eu la malaria (paludisme) en cours de route et c’était très difficile pour lui. J’étais très inquiet, mais il me rassurait. Le lendemain de notre arrivée, comme par miracle, il ne ressentait plus rien. On était logés chez mon marabout et il s’était très vite intégré. Les enfants «Mbacké Mbacké» venaient me regarder et il leur donnait parfois des coups. (Rires). Il a fini par se faire beaucoup d’amis.» 
Amoureux du ballon depuis son enfance, Seny Dieng a commencé le football à 4 ans, avant d’avoir 6 ou 7 ans, «l’âge normal». «J’avais une connaissance dans le milieu qui lui a permis de commencer très tôt parce qu’il était précoce, confie son père. Il a commencé au FC Wedikon FC de Zurich avant d’aller au Red Star (Suisse), à Grenchen et ensuite à Grasshopper Zurich où il était deuxième gardien. C’est là-bas que sa révolte a commencé. Malgré ses performances, il n’a jamais eu la chance d’être mis en valeur. Il décide de quitter la Suisse et d’aller à Duisbourg (Allemagne). Il était arrivé en fin de saison et n’avait pu éviter la relégation du club.» Loin d’être découragé par cette première expérience chaotique loin de son pays et sa famille, il prend une décision radicale qui va changer sa vie et le cours de sa carrière de footballeur. En 2016, sans prévenir personne, il part tout seul en Angleterre. Aujourd’hui encore, son père est marqué par cet épisode : «C’est un garçon qui a un moral de fer, ce qui n’est pas évident pour un jeune né en Suisse avec tous les privilèges. Il ne manquait de rien, mais voulait être un joueur professionnel. Il m’a dit : «Papa, je veux gagner ma vie en jouant au foot.» 

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Un diplôme en banque, assurance et professeur de sport
«Au début, avec sa maman, on n’était pas tout à fait d’accord. On craignait aussi pour son avenir, parce que tout peut arriver dans le football. Tout le monde veut devenir footballeur professionnel, mais très peu de gens y arrivent et on ne voulait pas qu’il rate sa vie.» En protecteurs, ses parents l’inscrivent à Zurich dans une académie qui exigeait de ses pensionnaires de bons résultats scolaires pour continuer à jouer au football. «Il devait avoir son diplôme pour assurer son avenir, ce qu’il a fait. Après sa sortie, il était libre de faire son choix. Il a eu un diplôme qui peut déboucher sur beaucoup d’opportunités. Il peut travailler comme professeur de sport, dans une société d’assurance, en banque, etc.»


Sa galère à ses débuts en Angleterre, en 8è division
Comme tout jeune footballeur qui veut réaliser son rêve, Seny s’est confronté à «beaucoup de difficultés» et a «subi le racisme» en Angleterre. «Il était seul, en plus d’être un métis. Cela l’a affecté, mais il a assumé. C’est ce qui l’a forgé à devenir un homme. On ne lui a jamais fait de cadeau et il a tout obtenu sans l’aide de personne. Il est très sérieux, discipliné et travailleur. Il ne lâche rien et a un mental de fer. Il ne se laisse impressionner par rien ni personne. Il est très serein.» En Angleterre, il débute en 8è division et fréquente plusieurs clubs avant de tomber dans l’œil des recruteurs des Queens Park Rangers, en 2017. «Mais il n’était pas le premier choix parce qu’il y avait un entraîneur qui ne comptait pas sur lui. Il a été prêté plusieurs fois, notamment en première division écossaise (Dundee FC). Steven Gerrard voulait absolument l’avoir dans son équipe (Rangers). Mais il ne voulait pas le recruter comme premier choix et il (Seny) avait décliné. Dans sa tête, il n’était plus question de jouer le deuxième rôle, parce qu’il avait acquis de l’expérience et prouvé ses qualités. Il préférait aller en deuxième division plutôt que de cirer le banc. Il a eu des opportunités pour aller dans de grands clubs, mais cela ne sert à rien si c’est pour être sur le banc.»


Joueur de champ, Tony Sylva lui a donné envie d’être gardien de but
Le natif de Zurich n’a pas toujours voulu s’illustrer dans les cages. «Avant d’être gardien, il a été un joueur de champ, confie son père. Il a joué comme latéral droit, libéro, stoppeur, numéro 6 et attaquant. Quand il jouait attaquant, il mettait trois à quatre buts par match. J’ai été vraiment surpris quand il a décidé de devenir gardien de but. Cela m’a déçu parce que c’est ce qui a retardé son évolution.» A l’origine de son choix, il y a eu «l’influence» des «Lions». Lors de l’épopée du Sénégal à la Coupe du Monde 2002, il tombe sous le charme des parades de l’ancien portier de l’Equipe nationale, Tony Sylva. «A partir de là, le virus de gardien de but l’a piqué. Il a décidé de changer de poste pour lui ressembler, et plus tard, à Steve Mandanda. On avait trouvé un grand poster de Tony Sylva dans un journal de Zurich et il l’a accroché dans sa chambre pendant des années.» Vingt ans plus tard, il côtoie son idole, devenu son préparateur en Equipe nationale.


Kalidou Cissokho, ancien gardien des Lions : «Il dégage sérénité et confiance»


«Contre le Zimbabwe, Seyni Dieng a fait un match plein. Je pense qu’il a appris de ses erreurs lors du match contre l’Eswatini. Je suis convaincu qu’il s’est référé à ce match là pour rectifier ses erreurs, les difficultés qu’il avait lors de son premier match avec les Lions. Face au Zimbabwe, Seyni Dieng a été présent du début à la fin. Il a été présent sur toutes les balles et était très concentré. Actuellement, il est difficile de dire que tel est le gardien numéro 1, tel est le deuxième etc. tous les trois se valent. C’est vrai qu’on ne suit pas trop Seyni Dieng avec son club, mais sa prestation face au Zimbabwe est à l’image de ses matchs en club.  Il a prouvé qu’il a sa place en équipe nationale, il a montré qu’on peut compter sur lui. Dans le match on l’a vu essayer d’organiser, de parler à ses joueurs, replacer ses défenseurs, pousser l’équipe vers l’avant, le tout dans une concentration absolue. J’oserai même faire de lui l’homme du match contre le Zimbabwe. Il a fait un match calme, il avait beaucoup de sérénité, beaucoup de confiance. Il était vraiment dans le coup. Il vient, à mon avis, de bousculer la hiérarchie établie jusque-là. Entre son premier match contre l’Eswatini et celui face au Zimbabwe, il a véritablement évolué dans le jeu au pied, dans la confiance et tout. Parmi les 22 acteurs du match Sénégal-Zimbabwe, Seyni Dieng était, à mon avis, le plus concentré sur son sujet. Il a pris le match en main, sachant que son équipe avait une défense un peu affaiblie. Il savait qu’il devait rester concentré du début à la fin et c’est ce qu’il a fait.» 


Idrissa Sané et Ousmane Diop (Envoyés spéciaux)

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Publié par

Namory BARRY

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