Le Sénégal entre le marteau du virus et l’enclume d’une économie à genoux

mercredi 30 décembre 2020 • 519 lectures • 1 commentaires

Politique 3 ans Taille

Le Sénégal entre le marteau du virus et l’enclume d’une économie à genoux

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Le constat est alarmant. La seconde vague de coronavirus fait des ravages, même si un appel au respect des mesures barrières est fait tous les jours, par le ministère de la Santé et de l’action sociale. Ne faudrait-il pas aller vers des mesures plus corsées ?

La situation du Coronavirus dans le pays va de mal en pis. La courbe épidémique de la maladie ne faiblit pas. Aussi rude que soit le plan de riposte au Covid-19, la deuxième vague n’en finit pas de faire des victimes. Pour la journée d’hier, mardi 29 décembre 2020, le Sénégal a enregistré 78 nouveaux cas positifs au coronavirus, cinq nouveaux décès et 37 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation. Le respect des mesures barrières édictées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms) ne semble plus suffire pour contrer le virus. L’énième appel du chef de l’Etat hier, à l’inauguration du nouveau service des Maladies infectieuses et tropicales (Smit) de Fann (Dakar), est révélateur de la gravité de la situation. Macky Sall : «À tous ceux qui continuent d’ignorer les gestes barrières, de négliger le port correct du masque, de ne pas observer la distanciation physique, et pire, de nier l’existence même de la Covid-19, je voudrais dire ceci : vous-vous mettez en danger, et vous mettez les autres en danger. Pensez aux morts et à leurs familles endeuillées, pensez aux malades et à leur souffrance, pensez aux guéris qui gardent encore dans leur chair les séquelles de cette terrible maladie. Je renouvelle mon appel à la vigilance et à la responsabilité de tous pour le respect strict des gestes barrières, le port correct du masque, le lavage fréquent des mains, la distanciation physique et la restriction des déplacements et rassemblements non essentiels.» Un nouveau message pour freiner la nouvelle vague meurtrière du coronavirus.

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«Pas toujours évident de mettre certaines mesures restrictives dans un pays où l’économie est déjà à plat»

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Au vu de l’évolution de la pandémie, de nouvelles mesures devraient certainement être prises. Mais lesquelles ? Ne faudrait-il pas resserrer plus fortement la vis de pression sur les populations, dont le relâchement n’est plus à démontrer ? Dr Khadidiatou Mbaye Diallo, Médecin infectiologue, responsable du centre de traitement des épidémies de Fann, estime que ce n’est pas une mince affaire. «Les experts vont donner leur avis, mais le dernier mot revient à l’Etat. Ce n’est pas toujours évident de mettre certaines mesures restrictives dans un pays où l’économie est déjà à plat, mais à la longue, il va falloir y arriver avec des mesures plus corsées», avoue-t-elle. D’après son diagnostic, il n’y a pas mille solutions pour renverser la courbe épidémique. «Si on avait respecté les mesures barrières, on n’aurait pas besoin de corser les mesures, insiste-t-elle. Avec les mesures barrières, on avait d’excellents résultats. Il n’y a pas de secret, il y aura une baisse de cette courbe, si elles sont respectées. Le problème, c’est que les gens n’y croient plus. Il y a même qui se disent qu’on est en train d’inventer les cas pour pouvoir amener le vaccin.» Une certaine forme de désinformation qui fait que le respect des mesures barrières est reléguée au second plan et qui constitue le gros du problème, selon l’infectiologue en service à l’université Assane Seck de Ziguinchor et l’hôpital de la Paix de la même localité, Pr Noël Magloire Manga. «Le problème, c’est au niveau du respect des mesures barrières. On n’a pas mis un seuil de respect des mesures barrières efficace. Ça ne marche pas. C’est comme si on te demande de prendre un médicament à telle dose et tu le prends en dix fois moins que celle prescrite, forcément tu n’auras pas les résultats escomptés. Si on se base sur des résultats obtenus dans des pays où les gens ont vraiment le sens du civisme, du respect des prescriptions de l’Etat, de la société avec parfois une tendance spontanée à respecter certaines prescriptions qui se sont avérées efficaces, on aurait eu de meilleurs résultats que ceux que nous avons aujourd’hui. On ne peut pas dire que les mesures barrières ne marchent pas en elles-mêmes, mais c’est dans leur respect que nous pêchons. Nous payons le tribut de notre difficulté à respecter les mesures barrières.» Plus catégorique, le Pr Manga pense qu’il faut aller vers une contrainte qui amènera les populations à respecter ces mesures barrières. «Je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de la vaccination. Même s’il faut parler de vaccination. Il faudra aller crescendo vers les mesures de restriction qui iront des sanctions pour ceux qui ne portent pas de masque et qui ne respectent pas les mesures barrières, aux restrictions des déplacements, même si ce n’est pas tout le temps, une restriction totale des rassemblements, jusqu’à ce qu’on puisse obtenir des résultats.»


«Une semaine de restriction pour que les gens puissent comprendre que la situation est très sérieuse»


Dans cette lutte contre le coronavirus, deux situations s’opposent. D’un côté, il y a la propagation de la maladie, mais d’un autre, il y a une économie à genoux, étouffée par la première vague et son lot de catastrophes. Dès lors, ce qu’il faudrait, selon le Pr Manga, c’est de trouver le juste milieu entre la nécessité de renverser la courbe épidémique et le besoin de remettre sur les rails l’économie sénégalaise. Pr Manga : «Ce qui est certain, c’est que sur le plan du respect des mesures barrières, nous pêchons. Il nous faut une prise de conscience de tous les Sénégalais. J’aurai même donné une petite semaine de restriction, même si ce n’est pas totale, mais de restriction assez nette pour que les gens puissent comprendre que la situation est devenue très sérieuse. Au rythme où on va, à un moment, on risque de se retrouver dans une situation similaire à la première vague. J’ai vu la courbe épidémique et on est vraiment en train de monter et d’arriver au sommet atteint au cours de la première vague et ce sera difficile à gérer. Le personnel médical est durement éprouvé, notre économie a été durement éprouvée et notre système sanitaire en lui-même est durement éprouvé, notre capacité à encaisser le choc de cette vague ne sera pas la même, si je crois en la capacité du personnel à pouvoir faire face jusqu’à y laisser la vie. Mais, je pense qu’il faut vraiment, pour éviter d’en arriver-là, que nous puissions prendre conscience de la gravité de la situation, en adoptant les mesures de résilience nécessaires pour véritablement renverser la courbe de l’épidémie.» 


«Il y a un retard de diagnostic et de recours aux soins»


A côté du non-respect des mesures barrières, il y a selon le Dr Khadidiatou Mbaye Diallo, le fait que même le personnel soignant ne teste plus. «On voit des malades qui vont dans des structures sanitaires et un test ne leur est même pas proposé. Ce sont ces mêmes patients qui rentrent chez eux avec un traitement symptomatique, mais qui vont s’aggraver et qui reviennent dans les structures. Il y a un retard de diagnostic. C’est un problème. Il y a un retard de diagnostic et de recours aux soins. Cela amène des cas graves. C’est là où le bât blesse. Si le personnel soignant pense à cette pandémie pour proposer le test et si la communication est bonne, c’est-à-dire que les patients vont très tôt à l’hôpital, avec le respect des mesures barrières, on peut avoir de bons résultats», affirme l’infectiologue, qui, dans la même veine, appelle à une prise de conscience individuelle. «Il faut une bonne communication, estime Dr Khadidiatou Mbaye Diallo. Il faut que la population s’approprie cette lutte et pour cela, il faut un engagement communautaire. La communication doit se faire au niveau de la communauté.»


CODOU BADIANE

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Publié par

Namory BARRY

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