Crise sanitaire : Les 19 mois de Covid racontés par le Pr Seydi et Cie

vendredi 22 octobre 2021 • 1182 lectures • 1 commentaires

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Crise sanitaire : Les 19 mois de Covid racontés par le Pr Seydi et Cie

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Le combat a été rude. Sans répit, sans quartier. Après avoir enregistré son premier cas positif au Covid-19 le 2 mars 2020, le Sénégal s’est engagé dans une guerre sanitaire contre ce minus qui a bouleversé les habitudes de toute la planète, semé mort et désolation dans tous les pays. En première ligne de cette bataille de libération… contre le Coronavirus, il y avait bien évident, comme partout ailleurs, l’armée des blouses blanches.

Ces hommes et femmes, qui ont fait le serment de «préserver la santé dans tous ses éléments», ont testé, soigné, veillé… les malades. Mais aussi pleuré les morts. De jour comme de nuit.  Presque 20 mois après, le Sénégal s’est retrouvé, mardi dernier, avec «Zéro Cas», un chiffre qui atteste de l’efficacité de la lutte et de l’expérience des troupes engagées sur le terrain. Pour raconter ces moments qui ont marqué la vie de toute la Nation, L’Observateur est parti à la rencontre de 3 des chefs des unités tactiques qui ont participé à déjouer les plans macabres du virus. 
 
LAMINE BARA GAYE, DIRECTEUR DU SNEIPS : «La perte des identités remarquables nationales sans hommage a été des moments difficiles»
«Après près de 19 mois de lutte contre le Covid-19, le Sénégal a mobilisé beaucoup de ressources humaines et d’énormes moyens financiers et techniques. Ce qui nous a permis de faire de grandes avancées dans la lutte contre la pandémie du Covid-19. Ainsi, les points saillants du succès ont été l’œuvre de tout le peuple sénégalais. En premier lieu, il y a eu la volonté politique de l'autorité, son Excellence le Président de la République Macky Sall, qui a posé des actes forts, notamment la concertation nationale avec toutes les forces vives de la Nation. Il y a ensuite l'assistance en vivres aux populations pour gérer les périodes difficiles de l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu. Il y a également la volonté et l’engagement des autorités de doter gratuitement les citoyens de vaccins anti-Covid-19. L'achat des vaccins sur un marché mondial en tension et l'envoi de la flotte nationale Air Sénégal international pour aller les acheminer au pays ont été déterminants dans la lutte. Les efforts colossaux déployés aussi au niveau du budget national pour entretenir les Centres de traitement des épidémies (Cte) et la sensibilisation ont été déterminants dans la lutte également. 
Cependant, durant cette période de lutte, les moments les plus difficiles ont été la perte de toutes ces identités remarquables nationales sans que la Nation ne puisse leur rendre un hommage mérité. C’est l’exemple de Pape Diouf, de Babacar Touré, Mansour Cama et tant d'autres figures emblématiques du pays. Durant ces 19 mois de lutte, nous avons souvent passé des journées longues comme des nuits blanches. Et des anecdotes, oui, il y en a avec des agents de santé contaminés par le virus, des familles séparées et j'en passe. Mais l’engagement, la détermination et la solidarité de tout un chacun, pour arriver à bout de cette maladie, ont été notre force. Et pour la première fois, nous avons atteint le zéro cas. On prie et remercie le Bon Dieu, la bataille est loin d'être finie. Personnellement, j'ai pris service au Service national de l'éducation et de l'information pour la santé (Sneips), en pleine crise, et j'ai constaté de visu les efforts surhumains déployés par le ministre de la Santé et l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, qui a vécu des moments difficiles presque séparés des siens... Je remercie tout le personnel médical, particulièrement les agents de mon service, le Sneips.»

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DR ALIOUNE BADARA LY, DIRECTEUR DU COUS : «Les décès des agents de santé à la retraite, mais continuant de servir leur pays»
LE COMBAT. «En tant que médecin épidémiologiste, expert en gestion des interventions d’urgence sanitaire impliquées dès le début dans la riposte, la survenue de la Covid-19 a été à la fois exaltante, riche en leçons apprises, mais aussi assez stressante et éprouvante, vu sa persistance depuis le début du mois de mars 2020, donc depuis bientôt 20 mois, comme vous le dites. Elle a été exaltante parce qu’une pandémie est un évènement rare, qui s’accompagne souvent d’une certaine peur et d’une certaine angoisse. Elle représente un défi qu’il faut de toute façon relever. Il n’y a pas d’autres alternatives. Elle a permis de mettre en pratique des années de préparation contre des urgences de santé publique majeure. Ce qui a été du reste à la base de la création du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous) en décembre 2014, dans un contexte où la maladie à virus Ebola était présente dans la sous-région. Elle a permis de mettre en place une équipe pluridisciplinaire et multisectorielle, appelée groupe opérationnel au Cous qui s’est, dès le 3 mars 2020, mise au travail de façon solidaire et très professionnelle. Nous avons beaucoup appris également, le Covid-19 étant une nouvelle maladie. Ces leçons apprises nous ont permis d’adapter continuellement nos stratégies et nos procédures opérationnelles normalisées de manière à toujours garder une longueur d’avance sur l’évolution épidémiologique de la maladie que nous analysions quotidiennement. Parmi les leçons apprises, nous avons retenu l’importance d’un fort leadership à tous les niveaux. Nous avons pu compter sur celui de monsieur le président de la République et sur celui de monsieur le ministre de la Santé et de l’action qui a su gérer, de façon remarquable, toutes ses équipes et tous services pour faire face au Covid-19, du niveau central au niveau opérationnel. 
Elle a été stressante et physiquement éprouvante parce que tout un chacun est exposé à la maladie, peut la contracter sans savoir, a priori quelle forme clinique on allait développer dans ce cas. Lutter contre lea Covid-19 est très prenante, les leviers sur lesquels agir étant nombreux. Je peux citer la surveillance, y compris celle de tous les points d’entrée, les  laboratoires avec une stratégie de décentralisation des tests diagnostiques par PCR, la prise en charge des cas avec l’installation continue de nouveaux centres de traitement et leur mise aux normes requises, la communication sur le risque et l’engagement communautaire pour encourager le respect des mesures barrières et l’implication forte des leaders communautaires, par exemple, la prévention pour le contrôle des infections pour limiter contre les risques de contamination du personnel de santé…  C’est parce que nous avons agi efficacement sur tous ces leviers que nous avons pu obtenir les résultats que nous avons eus dans le cadre de la riposte en ne nous décourageant pas, malgré les trois vagues successives que notre pays a connues jusqu’à maintenant. Pour me résumer, expérience riche et très enrichissant professionnellement et techniquement.»
MOMENTS DIFFICILES. «Il y en a eu beaucoup. Au début de la riposte contre la pandémie dans notre pays en mars-avril 2020, je ne peux pas ne pas évoquer les mesures fortes prises par les autorités étatiques pour contenir la maladie et interrompre sa transmission au sein des communautés. Je pense en particulier à l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu et à la limitation ou l’interdiction des déplacements interurbains, l’interdiction des rassemblements, le confinement des personnes positives dans des sites dédiés etc. Ces mesures ont été difficiles parfois pour les populations, mais utiles. Elles ont permis de ralentir l’évolution de la maladie et de permettre au système de santé de consolider sa préparation pour mieux faire face à la maladie. 
L’autre moment marquant a été sans contexte la survenue de la troisième vague liée au très infectieux variant Delta qui a mis le système de santé sous forte pression. Mais, malgré cette forte pression, nous avons pu relever le défi avec l’engagement total de tous les acteurs de santé. A ce niveau, je voudrais magnifier le rôle des régions médicales et des districts sanitaires sous la houlette des Gouverneurs et des Préfets au sein des comités de gestion des épidémies. Je dois dire que certaines stratégies devenues nationales grâce à l’élaboration de procédures opérationnelles par le Cous, validée par le Cnge, ont été initiées par les régions et les districts. Je peux citer la prise en charge à domicile et la mise en place de ce qu’on appelle aujourd’hui des «zones tampons» au niveau des centres de santé. Je n’oublie pas non plus l’implication du secteur privé de la santé dans la riposte contre le Covid-19, que ce soient les cliniques ou les laboratoires, à Dakar ou dans les régions (…)
Les cas les plus difficiles ? C’est malheureusement tous les décès liés au Covid-19, survenus dans notre pays, surtout ceux des agents de santé en activité ou étant à la retraite, mais continuant de servir leur pays en restant actifs. J’en profite pour prier Dieu le Tout-Puissant de les accueillir au Paradis. Il y a eu aussi les fortes tensions sur les lits de réanimation qui nous imposent de travailler à les augmenter. Le ministère y travaille (…).
Beaucoup de journées ont été longues à Dakar ou dans les régions, puisque notre travail nécessite beaucoup d’activités de terrain pour des formations ou des supervisions. Mais les journées les plus longues ont été celles vécues pendant la troisième vague, après notre nomination comme Directeur. Pendant cette phase, nous avons dû tenir des réunions nocturnes, à partir de 21 heures, sous la présidence du ministre ou d’un membre de son Cabinet pour examiner et ajuster notre réponse. Le lendemain, il fallait être au bureau pour la réunion quotidienne du groupe opérationnel qui se tient à 8 heures.»

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PR MOUSSA SEYDI, CHEF DU SERVICE DES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES DE L’HOPITAL FANN : «La mort des Sdf, de Pape Diouf…»
Comment sommes-nous arrivés, en début de semaine, à obtenir zéro cas de contamination, presque 20 mois après le premier cas et plus de 1 500 morts ? 
D’abord, il faut préciser que la maladie est toujours là. Nous ne devons pas baisser les bras, ni crier à la victoire. Ensuite, les populations doivent aller se faire vacciner pour réduire au maximum le nombre de cas sévères et critiques. Revenant brièvement sur les luttes qui ont été menées jusqu’à nos jours, je peux dire que l’unité nationale durant la première phase a beaucoup contribué aux résultats obtenus aujourd’hui. Car, l’Etat, les chefs religieux, la société civile…étaient sur la même ligne. Il s’y ajoute que l’expertise que nous avons eue également avec la maladie à virus Ebola, nous a permis de mieux affronter la maladie. L’engagement du président de la République, Macky Sall, au-delà de ce que nous espérions, a été salutaire. Je n’oublie évidemment pas le ministère de la Santé et de l’action sociale, qui est le maître d’œuvre ainsi que ses directions, les autres ministères, tous les praticiens du Sénégal, les leaders religieux, les artistes, les médias et la population sénégalaise dans son ensemble. La capacité d’adaptation face à une nouvelle situation a été aussi déterminante sur le plan clinique. Nous avons réussi à encadrer un personnel pour gérer de nouveaux malades avant l’ouverture des Cte.
Est-ce que vous pouvez nous dire les moments qui vous ont marqués depuis le début de la maladie ?
L’annonce du premier cas de Covid-19 le 2 mars 2020, en plein Conseil présidentiel, a été un fait marquant. Une rencontre au cours de laquelle, j’ai parlé de ce que je savais de la maladie que j’étais en train de suivre dans les autres pays. Et j’avais pris l’engagement en disant au Chef de l’Etat que le Service des maladies infectieuses et tropicales (Smit) que je dirige, peut prendre en charge les malades. C’était avant l’ouverture des Cte. Et la mort de Pape Diouf, première victime de la pandémie, nous a très affectés. Et beaucoup de personnes ont perdu la vie par la suite, ce que vraiment nous ne souhaitions pas et nous avions fait de notre mieux pour sauver le maximum de vie. C’est pourquoi, l’arrivée des premiers vaccins constitue aussi un évènement majeur dans la lutte contre le Covid-19. Il faut savoir que la fin et la poussée de chaque épidémie sont marquantes.
Quels ont été les cas difficiles à gérer ?
Les cas les plus difficiles à gérer sont les malades avec des comorbidités. Des cas pour lesquels, nous n’étions pas immédiatement outillés pour faire face. Par exemple, les insuffisants rénaux, des cas de Covid-19, avec grossesse, des patients avec urgence chirurgicale, des cas avec toute une famille hospitalisée, des cas de Sans domicile fixe (Sdf) et des jeunes qui sont décédés de Covid-19, alors qu’ils ne présentaient pas de comorbidités.
Quelles sont les perspectives de la lutte aujourd’hui ?
Le Covid-19 a été à l’origine de l’amélioration de la coopération au niveau mondial. Bien vrai que des mesures n’ont pas été prises très tôt après la découverte du premier cas à Wuhan, en Chine. Les résultats de la lutte sont en train de se voir. Mais, on connaît le rôle que le vaccin a joué dans l’épidémie. Donc, la perspective de lutte doit être centrée sur la vaccination.
FALLOU FAYE, AICHA FALL, MAMADOU SECK

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Publié par

Namory BARRY

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