Dans les coulisses des castings sauvages des téléfilms sénégalais

samedi 28 novembre 2020 • 868 lectures • 1 commentaires

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Dans les coulisses des castings sauvages des téléfilms sénégalais

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En l’espace de quelques années, le métier d’acteur est devenu très prisé. Avec l’avènement de Maisons de production et de films Made-In-Galsen, la tendance dans le septième art est aux castings sauvages. Seulement, si pour les producteurs, l’objectif est de dénicher des perles rares, des visages singuliers ou des talents bruts, pour les aspirants, les motivations sont tout autre…

Poussée d’acnés sur le visage, elle sort à peine de l’adolescence… Comme une boule d’énergie, la donzelle déborde d’énergie. Moulée dans un jean boy-friend et un haut crop-top, Nafissa (nom d’emprunt) a quitté aux aurores sa maison dans la lointaine banlieue dakaroise pour venir participer au casting sauvage organisé par la Maison de production «Marodi». La longue file qu’elle y a trouvée n’a pas l’air de lui flanquer la frousse, encore moins de la démoraliser. Ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles et connectés à son téléphone, l’aident à passer le temps. A l’image de cette jeune fille, ils sont près de 5 000 personnes qui ont voulu vivre de près la magie du cinéma, samedi dernier à Blaise Senghor. Venus des quatre coins de la capitale et certains, des régions les plus reculées, ils ont tenté le tout pour le tout pour avoir une chance de décrocher leur premier rôle ou, qui sait, le rôle de leur vie. «Marodi» qui entendait dénicher des pépites dans cette marée humaine, s’est retrouvé contraint de reporter le casting, car le dispositif sécuritaire sur place ne pouvait pas contenir tout ce beau-monde. Nafissa, un peu déçue, n’en est pas pour autant dégoûtée. Elle retentera sa chance au premier casting sauvage qui se présentera à elle. Convaincue qu’on ne sait jamais ce qui peut se produire dans l’industrie cinématographique, sa philosophie est qu’il ne faut jamais baisser les bras. Faire carrière dans le cinéma, au-delà du rêve qu’elle caresse depuis sa tendre enfance, est pour elle une véritable obsession. La demoiselle en est à sa énième tentative pour intégrer une série télévisée. Elle n’a pas fait les Beaux-Arts et n’a pas été non plus formée sur le tard. Tout de même, Nafissa croit en son potentiel et en son génie qui l’ont, à plusieurs reprises, poussé à sécher les bancs de l’école. Les castings sauvages qui n’exigent presque aucune autre case à cocher, sont alors le meilleur moyen d’arriver à ses fins…  

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Passion

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Dans cette même foulée, ils sont nombreux à avoir tout lâché pour écumer ces auditions. Celles-ci sont généralement pilotées par des directeurs de casting qui servent de cerbères aux producteurs, à qui ils dégotent des talents à l’état pur. Tout commence par une affiche, une annonce et le but est de trouver un visage, un regard particulier, une présence singulière. A côté des commodités qu’offrent les castings sauvages, il y a également les castings classiques où il faut nécessairement remplir certaines conditions. En plus d’une expérience ou d’un diplôme certifiant l’apprentissage dans le domaine, les mensurations, le sexe, l’âge limite, le niveau d’études entrent souvent en compte. Last but not least, l’apparence et le charme sont des critères majeurs dans cet univers où le culte de la beauté est monnaie courante. Cependant, derrière ce voile glamour, se cache une tout autre réalité. Les postulants à ces séances d’écrémage doivent pouvoir faire jouer leurs carnets d’adresse pour enter dans les bonnes grâces des réalisateurs, metteurs en scène et autres scénaristes qui dictent les codes cinématographiques. Dans bien des cas, l’entregent sera un atout tout aussi important que le talent. Si les moins téméraires plient vite bagage devant la tâche ardue, d’autres plus solides, s’agrippent vaille que vaille au mince fil qui leur reste. Les castings sauvages sont ainsi leur seul espoir, face à leur envie de réussir à intégrer l’écrin féerique du grand écran…


Tremplin


Pour d’autres qui participent à ce genre de casting, l’intrigue est  ailleurs. Ils ne sont pas seulement fascinés par le monde du cinéma, mais ils sont beaucoup plus attirés par la célébrité. Etre reconnu à tout prix, c’est l’envers du décor dans cette compétition effrénée, cette course au succès où se croisent gros sous, jeux de séduction et pouvoirs. Certains ne reculent devant rien pour voir les rideaux levés et les projecteurs braqués sur eux. Ce faisant, il leur serait plus loisible de mettre en lumière leurs sombres desseins. Faire partie de l’écosystème mondain, avoir leurs couverts à la table du gotha dakarois, cœur battant du show-biz sénégalais. Un tremplin pour grimper plus rapidement sur l’échelle sociale. D’autres opportunités dans le monde des affaires comme des contrats publicitaires, des tournages de clip, des défilés, des représentations de marques et même de l’animation-télé sont principalement les débouchés sur lesquels, aboutit leur «influence» à l’écran. Et pour celles qui ont un physique attrayant et un joli minois à faire valoir, cela passe parfois par des épousailles avec d’autres célébrités comme les footballeurs ou hommes d’affaires bien nantis. Les actrices Soumboulou, Racky Aïdara de la troupe «Soleil Levant», Katy Chimère Diaw, Lissa, Ndèye Diallo de «Un Café avec…» et récemment Daba Ndiaye de la série «Vip Sangsé», ont rencontré leurs époux grâce à leurs rôles qu’elles ont incarnés dans différents téléfilms. A coup sûr, elles font des émules dans le sens où beaucoup de jeunes-filles aimeraient avoir la même vie qu’elles. Il n’est donc pas étonnant que les castings sauvages soient bondés de personnes. A ceux-là, s’ajoutent ceux qui, par dépit ou en désespoir de cause, arpentent les marches du Cinéma comme un raccourci pour pouvoir gagner leur vie décemment. Ils n’ont pas nécessairement vocation à être des acteurs, mais estiment que c’est un moyen de se remplir les poches, de changer de statut. Malheureusement, le chemin n’est pas sans embûches…


L’ŒIL DU SOCIOLOGUE DJIBY DIAKHATE : «C’est un raccourci pour accéder à des ressources, à un emploi même s’il est temporaire»


«Il y a plusieurs facteurs qui pourraient expliquer l’intérêt que les jeunes ont pour les téléfilms et les théâtres. La première est qu’aujourd’hui, les grands acteurs du théâtre ou des téléfilms sénégalais se sont imposés au niveau de l’espace publique comme de véritables modèles. On parle d’eux, ils sont invités à de grandes séances. Ils font même de la publicité pour certains produits. Et en conséquence, on considère qu’ils en sont arrivés à un certain niveau appréciable de réussite sociale. Donc, pour beaucoup de jeunes, ces acteurs sont considérés comme des modèles de réussite. Et ils voudraient les ressembler. La deuxième chose est que beaucoup de jeunes ont de la peine à trouver un emploi. Ils peinent à avoir certaines reconnaissances communautaires. Ces jeunes ont de la peine à accéder à certaines ressources. Et donc, en étant acteur, il y a un raccourci. Car, en l’espace d’un entretien qui ne dure même pas une heure, vous avez la porte ouverte au paradis pour certains d’entre eux. C’est un raccourci pour accéder à des ressources, à un emploi même s’il est temporaire. Il y a surtout, cette reconnaissance communautaire qui semble être importante pour ces candidats, plus que tout autre chose. Les jeunes participent également à ces castings à cause des pressions de la communauté. La communauté met la pression sur certains en leur faisant croire qu’ils peuvent réussir dans ce secteur, parce qu’ils ont une certaine beauté ou un élan de comédien. Donc, pour éviter ce genre de situations, il faudrait mettre l’accent sur la formation. Il existe des établissements de formation au métier du théâtre et du cinéma. Ces écoles devraient être beaucoup plus ouvertes au grand public à travers des formations certifiées destinées à des jeunes qui sont dans les quartiers et qui s’intéressent à ce métier. Les Associations sportives et culturelles peuvent avoir des groupes théâtraux. Il faut que le ministre de la Culture développe le théâtre populaire. Sinon on crée des surconcentrations inutiles au niveau des Maisons de production. Et c’est une situation difficile.»


MASSAMBA NDOUR, DIRECTEUR GENERAL DE «MARODI» : «Nous misons sur les castings sauvages pour dénicher des talents bruts aptes à porter nos produits»


C’est lui qui se cache derrière la production des séries les plus suivies du petit écran. Massamba Ndour, Directeur général de «Maraodi», lève ici le mystère qui entoure l’engouement autour des castings sauvages qu’il organise souvent…


Qu’est-ce qui explique que la Maison de poduction que vous dirigez, mise autant sur les castings sauvages ?


A vrai dire, si vous regardez nos dernières productions comme lors de «Ninki-Nanka» ou «Karma», vous verrez qu’il y a pas mal d’acteurs reconnus du public et qui ont eu à faire leurs armes dans le cinéma. Je peux citer Rokhaya Niang, Ibrahima Mbaye Tché, Ndèye Mour ou encore Diéwo. Maintenant, s’agissant des séries, il faut dire que ce sont des marques que nous faisons porter à des acteurs. C’est la raison pour laquelle, nous préférons prendre de nouvelles têtes comme Amy Léa, Ndèye Marie ou Maï, actrices dans la série «Karma». Plutôt que de prendre des acteurs qui ont eu à incarner d’autres rôles, car ils seront déjà identifiés à d’autres produits. Aujourd’hui, lorsque nous organisons un casting sauvage avec plus de mille personnes, forcément de nouveaux talents vont en sortir. A Marodi, quand on écrit un scénario, il y a des talents que nous ne pouvons pas voir. On imagine juste un personnage, en se disant qu’elle devrait ressembler à ça. Et après un casting, on a mieux que ce que l’on imaginait. C’est cela la matière première et qui explique le succès des séries de «Marodi». Je prends l’exemple de Ngor dans la série «Adja», il ne faisait pas partie des personnages que nous cherchions. Et quand on l’a vu lors d’un casting, nous étions obligés de le prendre, car nous étions certains, qu’il allait faire un carton. 


Après l’étape des sélections, y a-t-il un travail à faire pour mieux «apprivoiser» ces talents bruts ?


Quand on prend un talent brut, soit on le forme, soit on le laisse exprimer son talent naturellement. Une série, c’est le reflet de la réalité. Donc, les téléspectateurs, en regardant les acteurs, doivent se dirent qu’ils ne jouent pas, mais vivent les séquences. Tandis qu’avec les personnes expérimentées, surtout celles qui font du théâtre, on sent nettement qu’elles interprètent un rôle et on est moins touché. Contrairement aux novices du mileu. Lorsqu’elles pleurent ou rigolent, on le ressent pleinement. C’est l’une des raisons qui nous poussent à piocher parmi pour les nouvelles têtes. 


Si vos motivations sont claires, quelles sont, selon vous, celles de ces jeunes qui se ruent vers ce genre de casting ?


Il y a plusieurs explications à cet engouement. Certains y ont vu du désespoir, mais à «Marodi», on pense le contraire. C’est de l’espoir, car on sait que lorsqu’on a du talent, ça va finir par payer et on se donne les moyens d’y arriver. C’est ce qui explique que des jeunes se soient levés au petit matin pour espérer avoir une place parmi des milliers d’autres candidats. Le premier casting que nous avions organisé en été de 2017, il y avait 700 personnes et nous ne nous attendions pas à avoir autant de monde. Au dernier casting, il y avait environ 5 000 personnes. Cela prouve que les gens sont conscients que le Cinéma paye. Il n’y a pas de parti prix, ni de copinage, il suffit juste d’avoir du talent, on te prend et tu es payé normalement comme un salarié, en sus de la visibilité. Cela devient un métier pour certaines personnes. Elles s’en sortent bien et voient s’ouvrir d’autres portes pour elles. Pour certains, c’est avant tout une passion, un rêve enfoui. Il faut le dire, nous avons réussi à créer des stars en l’espace de 2 ou 3 trois, car nos séries ont une forte audience. Ces jeunes savent que, s’ils jouent chez nous, ils peuvent atteindre leurs objectifs plus facilement. 


Au-delà du fait que cela donne des opportunités, ne peut-on pas dire que, pour les femmes, c’est aussi un moyen de trouver des prétendants nantis ?


Si on regarde nos séries en commençant par «Pod et Marichou», la plupart des filles se sont mariées après trois ou quatre saisons. Sur ce point, nous veillons scrupuleusement aux profils que nous sélectionnons. Ce sont des filles qui travaillent dur et qui sont guidés par la réussite à la sueur de leur front. Pour la plupart, on ne les entendra jamais dans le «bad buzz». Certaines personnes qui cherchent ce genre de raccourcis ou qui cherchent juste à se faire voir, ne peuvent pas faire carrière chez nous. Dans «Maîtresse d’un homme marié», les femmes qui y jouent sont des personnes abouties et qui ont des métiers. Elles parlent très bien. Ces personnes ne sont pas là pour trouver un mari. Pour «Karma», les filles travaillent tous. Ndèye Marie fait des études pour devenir Génie civil, Virginie, elle, est en Terminale. Nous évitons de prendre des filles qui sont obnubilées par la gloire. D’ailleurs, généralement nous rencontrons leurs parents. Le succès monte rapidement à la tête. Nous n’allons pas prendre des filles qui vont aller à Dubaï pour une tournée et ne viendront pas.   


Quelque part, est-ce que cela ne vous coûte-t-il pas moins cher de payer des débutants ?


Dans toutes nos séries, il y a des professionnels que nous payons bien. Le même sort est aussi réservé aux débutants. Autrement, nos collaborations n’allaient pas autant durer. Nous faisons du sérieux. C’est une grande entreprise. Nos séries sont affichées partout dans les métros à Paris. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’acteurs qui sont sortis de ces castings sauvages. Je peux prendre le cas de Doudou et de Mamy dans la série «Adja», de Lamine dans «Karma» qui a décroché une grosse campagne avec Tigo, de Sarah dans «Pod et Marichou»…


MAME KHADY DIOUF ALIAS MAMY DE LA SERIE «ADJA» : Beauté «sauvage»


Dénichée lors d’un fameux casting sauvage, Mame Khady Diouf, plus connue sous le nom de Mamy, est l’une des actrices phares de la série à succès «Adja». Un rôle qui, au-delà de la notoriété, lui a apporté bien plus… 


Au timbre de sa voix, on devine aisément qu’elle est timide et introvertie. Faire carrière dans le cinéma n’a jamais été son dada. Mame Khady Diouf suivait quelquefois les séries qui passaient à la télévision sans jamais penser qu’elle se retrouverait derrière la caméra pour interpréter un rôle. Aujourd’hui, à 26 ans, elle se positionne comme l’une des valeurs sûres du septième art et y trouve son compte. Elle y est de plein pied. Actrice de la série télévisée «Adja», elle y joue Mamy, l’aînée de la famille Sène, d’une beauté longiline, écorce ébène. Très proche de sa mère Keisha Khadija Dème alias Adja, Mame Khady Diouf est aussi, dans la série, le prototype d’une jeune femme réfléchie et posée. Un rôle qui l’a propulsée au-devant de la scène et permis de faire éclore le talent qui sommeillait en elle, sans qu’elle ne le sache. Tout est parti d’un casting sauvage auquel elle a participé par le plus grand des hasards, sous l’influence d’une de ses cousines qui, par contre, voulait évoluer dans ce milieu. «Un jour, en regardant une scène dans la série ‘’Pod et Marichou’’, celle où il y avait des frans maçons, j’ai dit à ma mère en rigolant que je me voyais bien jouer ce rôle. Ma cousine m’a alors prise au mot et m’a persusadée de participer au casting de «Marodi». C’était à Blaise Senghor. Lorsque nous sommes arrivées, j’ai tout de suite dit que je n’avais aucune chance avec tout le monde qu’il y avait. Au moment de passer les auditions, j’avais tellement le trac que j’ai pensé à m’éclipser, mais c’était sans compter avec l’insistance de ma cousine. On m’a alors demandé d’interpréter une femme cougar. Sur le coup, j’étais très sceptique, mais je m’y suis collée. A ma grande surprise, on m’a rappelée quelque temps après, pour m’informer que je faisais partie de ceux qui avaient été retenus pour le casting final à l’issue duquel, j’ai été choisie pour être Mamy», confie l’étudiante en Droit. Elle prépariat d’ailleurs un Master, lorsque les choses se sont enchaînées pour elle. A l’université où elle était inscrite, la fréquence des cours lui laissait largement la lattitude de faire autre chose. C’est sur ces entrefaites qu’elle a tenté sa chance et réussit son entrée en matière. Une aubaine pour la jolie nymphe au charme étincelant qui, en un temps record, a réussi à imposer sa personnalité et à se faire un nom. Une notoriété qui lui a ouvert des portes dans le monde de la publicité. «Grace à la série ‘’Adja’’, j’ai réussi à avoir, au-delà des connaissances sur le plan humain, beaucoup de followers sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram», confesse-t-elle. Toujours pimpante, elle est devenue, au fil du temps, une star incontournable dans le domaine et a décroché plusieurs contrats avec des stylistes, des sociétés d’électronique, des marques… «La marque de beauté française ‘Yves Rocher’ m’a contactée. Et, il était question pour moi de tester leurs produits et d’en parler avec ma communauté», fait-elle savoir, caressant l’ambition de lancer sa propre marque. Un rêve d’enfance qu’elle compte bien réaliser, à côté de ses prochains rôles au Cinéma. En attendant, elle trinque à son «succès» et aux castings sauvages !


Aïcha Goudiaby et Maria D. Thiam

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Publié par

Namory BARRY

admin

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