Détection de contaminants dans les produits alimentaires : Les Sénégalais en danger de mort

vendredi 25 septembre 2020 • 450 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

Détection de contaminants dans les produits alimentaires : Les Sénégalais en danger de mort

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Pour renforcer la sécurité alimentaire et lutter contre la contamination des produits consommables à l’aflatoxine, la mycotoxine ou la biotoxine, le Sénégal consolide la capacité de ses laboratoires. Ainsi, 10 groupes d'antimicrobiens vétérinaires et de résidus de pesticides ainsi que des mycotoxines dans l’arachide, le lait, la viande, les œufs, le poisson, le miel, les céréales et les aliments pour animaux sont testés. Et, les résultats sont alarmants.

La menace est réelle. Le danger permanent. Personne ou presque n’est à l’abri du péril. Ils agissent en interne et tuent à petit feu. Fortement présents dans nos plats, le goûter des enfants, les résidus et contaminants alimentaires tels que l’aflatoxine, la mycotoxine, la biotoxine, entre autres, sont une menace réelle de santé publique. Réputées cancérigènes, ces substances ont détruit des vies, brisé des familles. Pour limiter la menace et éviter de probables intoxications à l’aflatoxine, le Sénégal bénéficie, grâce à l’appui de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (Fao), d’un projet d’amélioration de la sécurité alimentaire. Le projet vise le renforcement des capacités des laboratoires d'analyse des résidus de médicaments vétérinaires et des contaminants dans les aliments. Il devrait renforcer la confiance des consommateurs et des marchés et rendre les exportations de produits agricoles et alimentaires du pays plus compétitives.

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L'Agence internationale de l'énergie atomique et la Fao ont formé dix experts dans quatre laboratoires nationaux pour cibler une gamme de résidus et de contaminants dans les aliments qui pourraient entraîner des risques pour la santé des consommateurs. Le personnel du laboratoire a reçu des protocoles de validation des méthodes et une formation sur l'incertitude des mesures analytiques, les tests de compétence et l'analyse des données. Pour le chef du Laboratoire de contrôle des médicaments vétérinaires (Lacomev) de l'Ecole inter-Etats des sciences et médecine vétérinaires (Eismv) de Dakar, Dr Assiongbon Teko-Agbo, l’externalisation des tests analytiques était lourde et prenait du temps. «Avant la mise en place de nos capacités analytiques avancées, nous étions gravement entravés et avons dû envoyer des scientifiques transportant plusieurs échantillons alimentaires à l'étranger dans des laboratoires de pays comme le Maroc et la France, pour tester les risques alimentaires», a-t-il expliqué.

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Le projet a permis de fournir du matériel permettant d’identifier les dangers liés à ces substances, y compris un dosage des récepteurs radioélectriques et un spectromètre de masse en tandem de chromatographie liquide, ainsi qu’une formation sur leur utilisation. L'Aiea a également fourni des systèmes de gestion des informations de laboratoire et des consommables au Sénégal. 


Grâce au projet, Lacomev s'est vu confier la responsabilité du Programme national de surveillance des résidus de produits aquacoles. Un autre laboratoire du projet, l'Institut de technologie alimentaire (Ita), a été approuvé ISO 17025 par le Comité d'accréditation français (Cofrac) pour l'analyse des aflatoxines. La méthode de dosage des récepteurs radio teste plus de 10 groupes d'antimicrobiens vétérinaires et de résidus de pesticides ainsi que des mycotoxines dans le lait, la viande, les œufs, le poisson, le miel, les céréales et les aliments pour animaux.


 


BABACAR BEYE, CHEF DU LABORATOIRE DE MYCOTOXINE DE L’INSTITUT DE TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE : «Ce poison peut aboutir à un cancer du foie»


Chef du laboratoire de mycotoxine de l’Institut de technologie alimentaire (Ita), Babacar Bèye revient, dans cet entretien accordé à L’Observateur, sur les causes et les dangers de l’aflatoxine. Il renseigne que cette substance toxique est présente dans beaucoup d’aliments.


Quel est l’objectif du projet de renforcement des capacités des laboratoires ?


Depuis 2006, notre laboratoire s’était engagé dans une démarche qualité, mais c’est en 2014 qu’on s’est orienté vers son accréditation. Elle a été obtenue en 2017-2018. L’accréditation est une reconnaissance par un organisme tierce de la compétence du laboratoire. Une fois accrédité, tous les résultats d’analyses portent son logo. Le laboratoire de l'Institut de technologie alimentaire (Ita) a été approuvé ISO 17025 par le Comité d'accréditation français (Cofrac) pour l'analyse des aflatoxines. Une fois accrédité, tous les résultats qui sortent de ce laboratoire ne peuvent faire l’objet de contestation.


Aujourd’hui, quels sont les résidus et contaminants qu’on retrouve dans nos produits alimentaires ? 


En général, on regroupe ces substances sous forme de contaminants naturels. Ce sont des résidus qu’on retrouve toujours dans nos denrées et les seuls paramètres qui contrôlent leur production restent la température et l’humidité. Par exemple, en mangeant des cacahuètes, on retrouve souvent des graines amères. Cela est dû à un organisme présent dans cette graine d’arachide qu’on appelle Aspergillus flavus. Et cet Aspergillus flavus produit l’aflatoxine qui est une mycotoxine, un poison dangereux pour la santé. Dans le long terme, ce poison peut aboutir à un cancer du foie. Au Sénégal, on cible principalement l’arachide. Mais l’aflatoxine est présente dans plusieurs denrées, comme les céréales, les noix et les épices. Ce sont des contaminants naturels. Par exemple, les moisissures constituées de filaments verdâtres qu’on retrouve sur le pain sont aussi des aflatoxines. Donc, on les retrouve presque un peu partout. Mais le grand problème, c’est que les aflatoxines ne sont pas détruites par la cuisson. En chauffant ou cuisinant, on arrive à détruire certaines bactéries, mais par contre, pour les aflatoxines, on ne peut pas les détruire par la chaleur. Elles résistent à la chaleur. Ce qui veut dire qu’on peut les retrouver dans les plats comme le «Maafé, le Mbaxalou Saloum», toutes les sauces et recettes à base de pâte d’arachide. Le problème, c’est que la pâte d’arachide vendue dans les marchés, lors de sa transformation, les graines suspectes ne sont pas souvent enlevées. C’est pourquoi, l’Ita participe à encadrer les femmes transformatrices d’arachide pour leur inculquer les bonnes pratiques. L’aflatoxine est retrouvée aussi dans l’huile brute d’arachide non raffinée (huile Séggal) et qui est vendue dans le marché. Elle est retrouvée aussi dans les pâtes à tartiner (chocolat à base de cacahuète). Le lait produit par les animaux aussi peut être contaminé. Si l’animal consomme des tourteaux contaminés, il produit du lait contaminé à l’aflatoxine M1. Ce lait en poudre ou caillé est également impropre à la consommation. 


Vous avez dit que l’aflatoxine résiste à la chaleur. Qu’est-ce qu’il faut faire pour éviter qu’elle se retrouve dans nos aliments ?


Pour le moment, le seul levier sur lequel on peut agir, c’est le triage. Lors de nos formations, nous indiquons aux femmes les graines suspectes à écarter.


Quelles sont les graines suspectes ? 


Ce sont les graines moisies, les graines percées ou trouées et les graines immatures. Beaucoup de personnes aiment prendre ces graines immatures, vendues dans de petits sachets dans la rue, avec du thé ou seules. Les gens soutiennent que ces graines d’arachide immatures sont sucrées. Mais normalement, on ne retrouve pas de sucre dans l’arachide. Donc, si la graine est sucrée, c’est qu’elle est suspecte à la contamination à l’aflatoxine.


Comment est produite l’aflatoxine dans la graine ? 


L’aflatoxine est produite dans l’arachide quand la graine est soumise à un stress hydrique. S’il y a manque d’eau, la graine se protège en produisant de l’aflatoxine. C’est cette immaturité-là qui est favorable à la production d’aflatoxine. Il faut donc les écarter pour éviter tout risque de contamination et travailler avec les bonnes graines saines. On retrouve également l’aflatoxine dans le riz, le mil, le maïs et les autres céréales. En Afrique centrale et de l’Est où les gens ont une forte consommation de maïs, en 2017-2018, une contamination à l’aflatoxine avait causé une vingtaine de morts au Kenya qui avaient consommé du maïs fortement contaminé. Cependant, il y a deux types d’intoxication à l’aflatoxine : l’intoxication aiguë et l’intoxication chronique. 


Quelle est la quantité d’aflatoxine qu’il faut consommer pour être intoxiqué ? 


Consommer un lot d’arachide ou de maïs fortement contaminé en un temps record peut conduire à la mort immédiate. Ce sont des phénomènes de santé publique. C’est pourquoi en Europe, il y a des réglementations, des normes à ne pas dépasser. En Occident, la limite d’aflatoxine totale ne doit pas dépasser 4 microgrammes par kilo. Tous les produits qui dépassent 4 microgrammes par kilo sont considérés comme cancérigènes. En Afrique, on accepte jusqu’à 15 microgrammes par kilo. Mais malheureusement, on se retrouve avec des taux de 30 à 40 microgrammes par kilo. Et dans le chocolat à base de cacahuète, on se retrouve souvent avec des taux fortement élevés.


Quelles sont les conséquences de la consommation de ces produits ? 


Actuellement, c’est un problème de santé publique avec des cancers prématurés. On retrouve chez beaucoup de jeunes des cancers du foie. Et dans le Bassin arachidier, là où la consommation d’arachide est élevée, on note une forte mortalité liée à l’aflatoxine. Cependant, une étude est en train d’être menée pour faire la corrélation entre la mortalité et la consommation d’aliments contaminés à l’aflatoxine.


FALLOU FAYE

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Publié par

Namory BARRY

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