Diourbel : Le maître coranique, les talibés enchaînés par son fils et les 19 interpellations

Le saccage des locaux du tribunal de grande instance de Diourbel a été évité de justesse par les éléments du commissariat central de Diourbel, sous la houlette du commandant du corps urbain, Lieutenant Ousmane Diop. Ce dernier avait fait une reconnaissance des lieux, la veille, afin de mettre un dispositif pouvant empêcher l’accès à de fauteurs de trouble. Hier, très tôt le matin, la principale voie d’accès au tribunal de grande instance qu’est la route nationale n°3 (RN3), ainsi que l’unique rue s’ouvrant à la devanture des locaux de ce tribunal niché au sous quartier Texaco sis au quartier Cheikh Anta Mbacké ont été barrées. Les entrées bien filtrées, seuls les plaignants d’une affaire inscrite au rôle franchissaient les barrières afin d’accéder à la salle d’audience. Et plus de trente policiers du Commissariat central de Diourbel et du poste de police de Gouye Mbinde à Touba étaient aux aguets pour que le procès du maître coranique, Ibrahima Dieng, puisse se tenir sans perturbation. En tête de peloton, le président du tribunal de grande instance, Pape Mohamed Diop ainsi que ses assesseurs, Pape Djabel Ndir et Mamadou Diène. Ils sont suivis du substitut du procureur, Farba Ngom et du greffier pour l’ouverture de l’audience vers 10 heures. Appelé à la barre des flagrants délits, le maître coranique, Ibrahima Dieng nie avoir enchaîné et violenté ses élèves M. Ndao et A. Cissé. Percé sur son mètre 80, vêtu d’une tunique bleue, l’écorce ébène, ce maître coranique déclare : «J’étais malade et je me suis absenté du daara plus d’une semaine.» Agé de 39 ans, marié à 3 épouses et père de 4 enfants, le maître coranique reconnaît avoir eu recours à cette pratique. «J’ai une fois enchaîné deux de mes élèves qui avaient fugué, O. Ndiaye et K. Fall et c’était sur la demande de leurs parents», déclare Ibrahima Dieng. Qui poursuit : «Cela n’a duré que deux jours et depuis, j’ai abandonné cette pratique parce que c’est inhumain.» Des allégations confortées par le père de l’une des victimes. «J’étais venu rendre visite à mon enfant et il se trouve qu’il avait fugué. Conscient qu’il pouvait se perdre dans la nature, j’avais demandé à son maître coranique de l’enchainer», déclare Cheikh Cissé. Papa de O. Ndiaye, Momar renchérit : «Je sais qu’il fuguait, mais je ne savais qu’il était enchaîné. Et si c’est le cas, certainement, c’est pour l’empêcher de récidiver.»

Les faits actuels ont eu lieu au courant de ce mois. En date du 15 janvier. Pendant plus d’une semaine, les élèves coraniques, K. Fall et O. Ndiaye de l’école coranique du sieur Ibrahima Dieng font l’objet de tortures pour avoir tenté de fuguer. Ils ont été entravés aux pieds et leurs chaînes cadenassées. C’est dans cette situation qu’une patrouille de gendarmerie est tombée sur eux à proximité du rond-point de Gossas par les éléments de l’unité. Interpellés sur leur situation, ils ont accusé leur maître coranique du nom de M. L. Dieng. Sur les lieux, Ibrahima Dieng dit que le nommé M. L. Dieng était parti pour une destination inconnue. Conduit à l’unité et interpellé sur la situation des enfants, Ibrahima Dieng déclare qu’il est le responsable du dahra. Mais alité depuis plusieurs jours, il ignorait, selon lui, la situation dans laquelle vivaient les enfants. Les talibés, K. Fall et O. Ndiaye, respectivement âgés de 6 et 9 ans, marchaient difficilement. La chaîne accrochée à leurs membres était tellement serrée que leurs membres commençaient à enfler. Des blessures superficielles et cutanées causées par la pression de la chaîne étaient visibles. Le substitut du procureur, Farba Ngom, a requis 2 ans contre le maître coranique. Mes El Hadji Malick Diouf et Moustapha Ndiaye ont plaidé pour sa relaxe.
Absent au moment des faits, il est condamné par le tribunal pour des faits antérieurs concernant les délits de violences et voies de fait sur ses élèves M. Ndao et A. Cissé, à 2 ans, dont 15 jours ferme. Il sera relaxé pour les faits qui lui ont valu ce procès.

6 des 19 interpellés face au procureur aujourd’hui
Cependant, alors que le procès se déroulait tranquillement dans la salle d’audience, des affrontements ont eu lieu sur  la RN3 entre manifestants et policiers. Chef des opérations, Lieutenant Ousmane Diop indique : «Nous avons interpellé 19 individus, dont des enfants mineurs. Le principal meneur de ces échauffourées, répondant au nom de Tahirou Gaye, changeait constamment d’habits pour ne pas être identifié.» Une source proche de cette affaire souligne que 6 de ces 19 seront présentés au procureur aujourd’hui.
SAËR SY