Dr Alpha Amadou Sall : «Il ne faut pas exclure une 4e vague»

mardi 14 septembre 2021 • 1410 lectures • 1 commentaires

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Dr Alpha Amadou Sall : «Il ne faut pas exclure une 4e vague»

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L’Institut Pasteur de Dakar (IDP) et la Mutuelle panafricaine de gestion des risques (ARC) ont signé hier, un accord de partenariat pour soutenir les capacités régionales de surveillance épidémiologique et de réponse aux épidémies, destiné aux Etats membres de l’Union africaine. Accroché en marge de la cérémonie, l’Administrateur général de l’IPD, Dr Alpha Amadou Sall, s’est prêté aux questions de L’Observateur.

Il revient sur le travail mené par l’IPD en matière de lutte contre le Coronavirus, les vaccins qui pourraient être disponibles en Afrique en 2022, les mesures prises pour faire face à une éventuelle quatrième vague du Covid au Sénégal…

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Vous venez de signer un partenariat avec la mutuelle panafricaine de gestion des risques (ARC), de quoi s’agit-il exactement ?
Ce partenariat a une importance particulière pour plusieurs raisons. D’abord, c’est entre deux institutions africaines qui ont une vision et un alignement dans leur vision, qui permet de prendre en charge les fléaux en Afrique. Et dans ces fléaux, nous avons une complémentarité de compétences. La Mutuelle panafricaine des risques (ARC) a développé une réelle expertise dans l’anticipation, la planification et la prise en charge des risques liés à la sécheresse et au climat. L’Institut Pasteur a la même expertise dans les épidémies et déploie, depuis plusieurs décennies, son savoir faire dans la lutte contre les épidémies dans le monde et en Afrique. La pandémie nous a réunis autour de l’idée qu’il faut anticiper sur les épidémies et appuyer les pays dans les différents volets de la planification et de la réponse, et c’est ce que nous allons faire ensemble. Le deuxième volet important, c’est que nous avons des mandats de l’Union africaine et de notre gouvernement, d’avoir une approche africaine dans notre démarche, et ce partenariat va nous permettre de le faire, sur les fièvres hémorragiques, dans le domaine du renforcement de la surveillance, de la formation et dans la mise en place d’un centre africain de résilience aux épidémies. Ce partenariat est d’autant plus intéressant et important que nous entrons, après plusieurs années, dans une phase de l’épidémie du Covid qui demande à ce que l’ensemble des pays se projettent pour être dans une dynamique de contenir et de finir cette épidémie, et ensuite être dans une dynamique de relance. Nous faisons face à cette épidémie et il est très clair qu’aucune institution à elle seule ne peut faire face à ce genre de défi, et l’avantage qu’on a, en travaillant avec l’ARC, c’est de profiter de l’ensemble de l’expérience qu’ils ont déjà démontré en matière de planification et de lutte contre de grands fléaux. Cet accord va leur permettre d’étendre toute cette expérience au volet des épidémies, et va nous permettre de profiter de cette expérience dans le domaine des catastrophes naturelles pour renforcer la nôtre. A travers cette synergie, nous allons pouvoir bâtir un partenariat où tout le monde sera gagnant, surtout nos populations et les institutions qui nous ont mandatés.

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Est-ce qu’il y a un budget mis en place ou alors comment allez-vous financer les activités ?
Le défi du financement relève d’abord à se mettre ensemble pour identifier les priorités et dire vers quoi va aller ce financement, parce que tout financement a besoin d’avoir un impact. Nous l’abordons de la meilleure manière qui soit en ayant une démarche d’anticipation, et c’est dans ce domaine que nous essayons, à travers nos expertises complémentaires, d’anticiper, de planifier et de répondre. Ce qu’on a retenu, c’est de définir des groupes de travail qui vont commencer dès demain (aujourd’hui mardi, Ndlr), à définir pour chacun des éléments que nous avons décidé de prendre en charge, une approche budgétaire et une feuille de route qui devraient être disponibles, d’ici à la semaine prochaine pour aller vers une mise en œuvre. 


A votre avis, sur quel point les pays africains devraient s’entendre et combiner leurs forces pour pouvoir barrer la route à cette pandémie ?
Je pense qu’aujourd’hui, le sentiment qu’on a, c’est que cette pandémie, nous allons en sortir, en nous focalisant sur trois paramètres au moins. Le premier c’est la vaccination, le second ce sont les variants et la troisième chose c’est la vitesse à laquelle nous allons faire cela. Et tout ceci dans un esprit de coopération. Aujourd’hui, la plupart des pays font face à un peu moins de sévérité dans une certaine mesure, parce qu’une large partie de la population a été vaccinée. Donc d’une part, nous devons avoir des vaccins, et d’autre part, les déployer. L’Afrique est aujourd’hui le continent avec le moins de vaccins au monde, et c’est lié au fait que la plupart des vaccins qui existent dans le monde ne nous sont pas accessibles parce que nous n’avons pas de production locale. Nous n’avons pas les moyens de produire les vaccins et nous n’avons pas de vaccins. C’est pourquoi l’IPD et ses partenaires comme l’ARC et d’autres, se sont lancés dans le renforcement de la production africaine, et avec nos collaborateurs et nos partenaires, nous travaillons actuellement à rendre disponibles les vaccins en Afrique dès 2022.   
Justement des partenaires se sont joints à l’IPD pour la mise en place d’une usine de fabrication de vaccins anti-Covid, où en êtes-vous à l’heure actuelle ?
Ce que je peux vous dire c’est que le projet avance très bien, il avance vite, et on essaie de les avoir le plus tôt possible en 2022. C’est un projet qui a différents domaines de travail, les ressources humaines, la réglementation, la construction de l’infrastructure, la technologie, les vaccins… et dans chacun de ces différents éléments, nous avons fait de gros progrès. Par rapport à la construction par exemple, nous avons très bien avancé, et nous sommes optimistes que nous allons être dans les délais. Nous sommes dans un processus d’accélération, et nous avons un partenaire de taille qui va nous aider dans cette démarche. Il y a une dynamique collective qu’il faut avoir, mais aussi cette intelligence collective. Faire des vaccins c’est une chose, mais il est encore plus important de les déployer, de savoir comment les pays doivent l’utiliser, et c’est là où nos expertises complémentaires et notre intelligence collective sont importantes pour être engagées avant que le vaccin ne soit là. Nous avons demandé à nos équipes de se mettre au travail dès demain pour faire ce travail de préparation, de planification pour les épidémies en général, et donc de prendre en compte la dimension vaccin Covid.


De nouveaux variants ont été découverts à travers le monde. Avez-vous fait des activités de séquençage afin d’en détecter et prévenir une éventuelle quatrième vague d’infections au Sénégal ?
Depuis le début de l’épidémie en mars 2020, l’IPD a mis en place un système pour tester les variants. Le premier variant qui a été détecté ici est celui appelé D614G, c’était le tout premier bien avant le variant anglais et les autres. Donc c’est un travail que l’on fait en permanence, et aujourd’hui nous surveillons dans les différentes régions du Sénégal les différents virus qui circulent, et ce qu’on a vu récemment c’est que le variant Delta a pris le dessus sur l’ensemble des variants et c’est un élément important. Maintenant, à côté de ce Delta, il y a toute une série de souches qu’on analyse et qui aujourd’hui, ne sont pas à des niveaux que nous pensons qu’il y a lieu de s’inquiéter. Mais nous surveillons cela avec beaucoup de vigilance. 
Y a-t-il un risque réel d’une quatrième vague de Covid au Sénégal ?
On ne peut pas l’exclure, il faut se préparer à toute éventualité. Le Covid nous a montré que chaque fois qu’il y a eu des vagues ailleurs, elles ont eu des retentissements dans nos pays. Donc on peut imaginer, étant donné la situation dans les autres pays, que cela peut arriver en Afrique. Donc, on se prépare en conséquence. Le Covid nous a habitués à évoluer en vagues.  Dans notre fonctionnement, nous sommes toujours dans une dynamique de prévoir, tant que nous n’aurons pas atteint le niveau d’immunité suffisant, qu’il peut y avoir des vagues supplémentaires. Si vous voyez qu’on s’active pour avoir des vaccins rapidement, à mettre en place des tests rapides et à faire de la planification, c’est que nous sommes déjà dans la dynamique de dire ce qui va se passer en cas de quatrième ou cinquième vague. Et nous faisons tout ce qu’il faut pour être prêts à ce moment-là. 
D’après votre expérience de virologue, pensez-vous que le virus a assez vécu pour finir par s’éteindre tout seul ou alors il devient plus fort ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Cela fait 25 ans que je travaille dans les épidémies, et s’il y a une seule leçon que j’ai retenue, c’est qu’il ne faut jamais faire de prédictions en matière d’épidémie. Cela étant dit, nous avons vu un tel niveau de diffusion de ce virus qu’il faut s’attendre à ce qu’on puisse avoir un scénario où il s’éteindra comme on l’a vu avec le Sars-Cov1, mais il faut aussi préparer le scénario où il pourrait devenir une endémie. Ce que m’a appris mon expérience de travail dans la santé publique, c’est qu’il faut planifier pour le pire et s’attendre au meilleur. Il faut prévoir les deux scénarii, et planifier que peut-être le Covid va un jour ‘’s’endémiser’’, mais que peut-être avec un niveau de vaccination et de mobilisation nécessaires, on serait amenés à ne plus le voir. 


Dans le cadre de l’initiative Diatropix, l’IPD a pu produire des tests de diagnostic rapide, est-ce que cela a permis d’améliorer l’évaluation des données ?
Le fait de mettre à disposition des tests de diagnostic rapide a eu trois impacts. D’abord on a une détection précoce, et quand les gens sont détectés au niveau du site où ils sont reçus, ils peuvent tout de suite être mis sous traitement, et cela permet d’améliorer la possibilité d’aller vers une rémission plus rapide. Ensuite les laboratoires qui recevaient et qui transportaient ces informations reçoivent moins de prélèvements pour faire ce type de travail, ça permet d’aller plus vite dans tout ce qui est résultats. Enfin grâce à ce système, on arrive à réduire la question de l’accès, et les gens peuvent être évacués rapidement quand ils sont malades et font face à une situation sévère. Et selon les retours qu’on a avec les structures de santé et les groupes avec lesquels on travaille, ils apprécient le test et son coût modique, raison pour laquelle il nous faut continuer de développer. Jusqu’à présent, on a eu des demandes du secteur public, mais compte tenu de la situation de la pandémie, un certain nombre de structures privées, pour leurs besoins et parce qu’elles disposent d’un personnel médical pour le faire, ont aussi pu bénéficier de ces tests rapides.
Combien de tests l’IPD a réalisé depuis le début de la pandémie ?
Nous avons réalisé 583 310 tests, dont 55 538 confirmés.
ADAMA DIENG

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Publié par

Namory BARRY

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