Enquête sur la maternité après la ménopause

lundi 1 février 2021 • 17007 lectures • 1 commentaires

Enquêtes 3 ans Taille

Enquête sur la maternité après la ménopause

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Enfanter est le rêve de toute femme. Malheureusement, de nos jours, à cause de facteurs conjecturels, nombreuses sont les femmes qui retardent de plus en plus l’échéance. Jusqu’à atteindre l’étape fatidique de la ménopause. Mais heureusement, rien n’est encore perdu pour ces femmes grâce aux techniques de la Procréation médicalement assistée (Pma), en l’occurrence le don d’ovocytes. Une pratique pas encore autorisée au Sénégal, mais sur laquelle le législateur gagnerait à se pencher.   

Depuis leur mariage en 2010, Fanta* et Abdou n’avaient qu’un rêve : fonder une famille. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. «J'étais censée revenir de ma lune de miel enceinte. C'était ça notre plan. Je savais qu’Abdou serait un papa génial. Mais je n'arrivais pas à tomber enceinte. Les années qui ont suivi ont été très difficiles pour nous. Notre mariage en a souffert», témoigne Fanta. Le couple entame une procédure de Procréation médicalement assistée (Pma) qui lui coûtera beaucoup d’argent et beaucoup de larmes. Après trois fécondations in vitro qui se sont toutes soldées par un échec, Fanta apprend en 2020 qu’elle est ménopausée. «Le verdict du médecin a été sans équivoque et m’a fait l’effet d’un coup de massue. A 47 ans, je souffrais de ménopause précoce après avoir essayé pendant près de 10 ans d’avoir des enfants sans succès. Abdou et moi avons alors décidé d'être famille d'accueil pour offrir à des enfants l'amour dont ils avaient besoin.» Les années passent, Fanta et Abdou se sont faits à l’idée qu’ils n’auront jamais un enfant à eux. Mais à 50 ans, une lueur d’espoir illumine la vie du couple. «Au hasard d’une recherche sur Internet, je découvre qu’il m’est bien possible d’enfanter. J’ai consulté mon gynécologue qui a conforté mes espoirs. Même si la procréation par la fécondation in vitro n’a pas été couronnée de succès pour mon cas, j’avais un autre recours.» Le don d’ovocytes s’est présenté à Fanta comme une bénédiction. Mais son vœu bute contre son illégalité au Sénégal. Toutefois, son médecin la rassure sur le fait que c’est bien possible de le faire dans certains pays de la sous-région. Fanta ne boude pas son plaisir et entame aussitôt la procédure. Aujourd’hui, la quinqua peut espérer voir son rêve de devenir mère se matérialiser là-bas, en Côte d’Ivoire. Grâce à la technique du don d’ovocytes.

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2 500 000 FCfa pour enfanter
«Cette technique est révolutionnaire», s’extasie Eugénie*. En fait de technique, le don d’ovocytes consiste, pour une femme ménopausée, à recevoir les ovocytes ou ovules d’une donneuse anonyme afin de pouvoir procréer. Ces ovules seront fécondés avec le sperme du mari et implantés aussitôt dans l’utérus de la femme receveuse. A 51 ans, Eugénie a eu recours à cette méthode pour enfanter. Pour la dame, fonctionnaire dans une Ong de la place et toujours pas mère, cette méthode était la seule alternative. «Pendant près de 30 ans, je n’avais de vie que pour ma carrière. Je ne me suis jamais arrêtée. Je me suis donnée à fond dans mon travail sans compter.» Les années passent. A 40 ans, Eugénie se décide enfin à se poser et à fonder une famille. Elle croise le chemin de Paul. Tous deux quarantenaires et désireux de se caser, le mariage est scellé au bout d’un an. Mais le bébé tant attendu tarde à pointer le bout de son nez. Les multiples consultations et les traitements n’y feront rien. Epuisée, à bout de souffle, Eugénie confie son désespoir à son médecin traitant. «Mon époux tenait tellement à avoir un enfant que j’étais désespérée. En plus, étant l’aîné d’une famille très conservatrice, cette dernière l’enquiquinait pour des questions d’héritiers. Pour ma part, j’étais sous la menace continuelle d’une co-épouse. Il me fallait donner un héritier à mon mari pour ne pas ruiner mon ménage. Comme au Sénégal, je ne connaissais que la Fiv comme méthode de procréation médicalement assistées, je ne voyais pas un autre recours.» Son médecin lui tendra une perche. Un jour de consultation, l’homme de l’art lui explique que le don d’ovocytes se présente comme une alternative pour les femmes ménopausées. Son cas à elle. Eugénie adhère avec le soutien de son mari. «Sa réaction m’a beaucoup surprise. Je m’attendais à un refus, mais il a adhéré dès le début et m’a toujours accompagnée dans ce processus, car autant que moi, il tenait à avoir un héritier.» Et à sauver leur couple. Le couple Thiam entame la procédure qui lui coûtera 2 500 000 FCfa. Et au bout de deux ans de stress, d’angoisse et de déception, le miracle survient. «Ce n’était pas évident à mon âge de supporter une grossesse. J’ai effectué toute la procédure et l’ovocyte, une fois fécondé avec le sperme de mon mari, a été implanté dans mon utérus au bout de 5 jours.» Après un premier échec, la deuxième tentative sera la bonne. Les tests effectués au bout de 15 jours prouvent que l’opération a été une réussite. Eugénie est bien enceinte. Le bonheur, mais au bout de deux mois, Eugénie se sent mal, gonflée, nauséeuse et fatiguée. Et craint même de rencontrer des complications. Pour la rassurer, son médecin l’invite à faire une échographie de contrôle au bout de trois mois. «Le médecin regardait le moniteur en passant la sonde sur mon ventre quand soudain, il me dit : ‘’Vous êtes en parfaite santé, mais regardez ça !’’ J'ai levé la tête vers l'écran et j'ai pu voir pas un, mais deux bébés qui se développaient dans mon ventre. J'ai demandé : ‘’Ce sont les miens ?’’ J'ai pleuré parce que je n'aurais jamais pensé que ça m'arriverait ! J'étais enceinte de trois mois et demi de jumeaux ! J’étais heureuse, mais j’avais tellement peur.» De retour à la maison, Eugénie retrouve son mari, rongé par l’angoisse d’une mauvaise nouvelle. «J'ai murmuré : ‘’Tout va bien. J'ai deux bébés dans le ventre !’’ Il a juré tout ce qu'il pouvait, il était fou de joie.» Quelques mois plus tard, Eugénie donnait naissance à des jumeaux en parfaite santé. «Aujourd’hui, ils ont 6 ans. Mais, j’avoue que ce n’est pas toujours évident de les présenter comme mes enfants. La première fois que je me suis rendue en consultation chez mon gynéco pour les lui présenter, des patientes, dans la salle d’attente, m’ont demandé s’il s’agissait de mes petits-enfants. Aujourd’hui, je fais fi des commentaires et je profite à fond de mes trésors comme j’affectionne à les appeler», pouffe Eugénie, aujourd’hui, maman accomplie et comblée. 

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«Le recours au don d’ovocytes m’a sauvée»
Dieliya*, elle, a dû son recours aux dons d’ovocytes à la réticence de son mari. Elle explique : «Nous nous sommes mariés à des âges assez avancés. J’avais 42 ans et lui 45.» Après un an de mariage sans enfants, malgré une vie de couple épanouie, le couple est déclaré infertile. Le ciel est tombé sur la tête de Dieliya. Les différents traitements n’y feront rien. Alors qu’elle sombre dans la déprime, son mari, lui, fait fi de sa détresse et refuse de se soumettre aux traitements. «Cela a tout bloqué.» Les années passent. La ménopause guette Dieliya à grands pas. Mais à ses 45 ans, Dieliya décide de prendre son destin en main et fixe un ultimatum à son époux. C’était soit se faire traiter ou le divorce. «J’étais à bout. Entre les mesquineries de ma belle-famille qui m’accusait d’être inféconde et la réticence de mon mari, la goutte a fini par déborder. Tous les examens médicaux ont démontré que j’étais encore capable d’enfanter, mais face à la non-coopération de mon mari, il était difficile de cerner le problème et d’y trouver une solution.» Après plusieurs rencontres avec le médecin traitant de Dieliya, le mari se plie et accepte de faire un spermogramme. Le résultat est sans équivoque. Le mari souffrait d’une anomalie du sperme due à des facteurs liés à sa vie professionnelle. «Mon mari travaille dans une plateforme pétrolière et son travail est très stressant. Il a des horaires impossibles et nous n’avions presque pas de vie de famille. Le médecin nous a révélé que le stress, l’angoisse continuelle et un régime alimentaire déséquilibré avaient fortement altéré la qualité de son sperme. Le problème se situait à son niveau et non au mien.» Le mari abdique et se plie au traitement, mais trop tard. Entre-temps, on diagnostique à Dieliya une ménopause précoce à …45 ans. «J’espérais encore avoir 5 ans devant moi.» Le désenchantement fut la phase la plus cruelle. Dieliya baisse les bras et renonce à son rêve de pouponner. La mort dans l’âme et de la rancœur en travers de la gorge pour son époux. Pour la sauver et la tirer de sa dépression, son mari, rongé par la culpabilité, entame les démarches pour lui offrir le bonheur d’être mère. «A mon insu, il a pris l’attache de mon médecin traitant pour connaître la démarche à suivre afin de nous permettre d’être parents. Comme je souffrais de ménopause précoce, le don d’ovocytes se présentait comme la seule alternative.» Au début, incrédule, le mari se braque puis finit par abdiquer face à l’insistance de son épouse. «C’était inespéré. A part le don de sperme que beaucoup de Sénégalais refusent catégoriquement, les FIV et autres, je ne savais pas qu’une telle formule existait.» Le couple entame la procédure et, coup de chance, la première tentative sera la bonne. Dieliya repart du Burkina avec une grossesse et, neuf mois plus tard, donne naissance à un garçon. «Je n’arrive toujours pas à y croire. Le recours au don d’ovocytes m’a sauvée. Ce bébé m’a sauvée. C’est un vrai miracle», ne cesse-t-elle de répéter en jetant un regard attendri au garçonnet poupon dont le gazouillis enchante, aujourd’hui, la maison et leur vie. Un miracle, peut-être pas, mais un joli coup de pouce du destin, assurément.


DOCTEUR GERARD CALIXTE FAYEMI, GYNECOLOGUE ET SPECIALISTE DE LA PROCREATION MEDICALEMENT ASSISTEE  : «Le taux de réussite des dons d’ovocytes est de 45%»


Don d’ovocytes - «Un don d'ovocytes est un acte fait par une donneuse consistant à fournir en général plusieurs ovocytes (cellules précurseurs des ovules). C'est la plupart du temps pour une autre personne (receveuse) ou couple qui désire avoir un enfant dans le cadre d'une Procréation médicalement assistée (PMA, en particulier un transfert d'embryon). Dans le cas d'un don d'ovocytes destinés à la Pma, les ovocytes seront fertilisés en laboratoire, puis fécondés in vitro, avant d'être implantés (transfert d'embryon) dans l'utérus de la receveuse. Il y a trois principes pour le don : il est gratuit, volontaire et anonyme. Ce sont des principes fondamentaux.»
Légalisation au Sénégal - «Pour des raisons éthiques, sociales et religieuses, le don de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) n’est pas autorisé au Sénégal, alors qu’il y a une forte demande. Durant l’adoption de la loi n°2015-22 du 8 décembre 2015, il figurait dans le projet de loi, mais il a été rejeté en son article 5 : «La présente loi ne s’applique pas à la greffe de cellules souches hématopoïétiques, mésenchymateuses ou immunitaires, ni aux organes et cellules de la reproduction.» Par contre, il y a des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Togo, le Burkina et le Cameroun qui l’ont autorisé. Le Bénin est le premier pays à légiférer sur cette question. Mais je ne sais pas si c’est parce que chez eux il y a un vide juridique ou pas. Il faut signaler cependant que les femmes accèdent plus facilement aux dons d’ovocytes qu’aux dons de spermes. Le besoin du don est une réalité au Sénégal parce que les femmes prennent de l’âge, parce qu’elles se consultent assez tard et on sait que, du point de vue fertilité, la qualité de la fertilité chez la femme diminue à partir de 35 ans. Cela s’accélère sur la fourchette 35-38 ans. La conception devient vraiment difficile à partir de 38 ans parce qu’il y a une baisse de la réserve ovarienne (le potentiel folliculaire qui leur reste). On a beaucoup de difficultés à trouver des moyens de créer chez les femmes de plus de 40 ans une procréation naturelle. Souvent on est obligé de passer par des méthodes d’aides médicales à la procréation. Vu l’âge, le terrain, les difficultés de concevoir par ces méthodes sont réelles et ensuite les résultats sont assez décevants. Les chances de succès sont de l’ordre de 3 à 8% et ces méthodes sont très onéreuses. Ce que nous proposons comme alternative pour les femmes qui ont besoin de dons d’ovocytes, c’est la préservation de la fertilité. Avant d’avoir recours aux dons d’ovocytes, beaucoup de femmes anticipent. Elles se font stimuler par des techniques simples afin de recueillir leurs ovocytes qui seront congelés à très basses températures. C’est ce qu’on appelle la vitrification. Et une fois que la femme est prête, elle peut demander la décongélation de ses ovocytes qui seront fécondés par le sperme du conjoint et une fois devenus embryon, ils sont implantés dans l’utérus de la femme. Cette technique de vitrification est cependant très onéreuse, car les ovocytes sont conservés dans de l’azote liquide. Le coût varie entre 350 000 et 500 000 FCfa par an pour la conservation.»
La procédure - «Comme le Sénégal n’a pas encore légiféré sur la question, nous sommes obligés de référer nos patientes vers les pays de la sous-région. Les choses sont plus simples avec nos collègues d’Abidjan avec qui, on a établi des protocoles de sorte que les femmes désireuses sont préparées ici avant d’aller à Abidjan pour dresser un profil de ce qu’elles sont sur le plan habitudes alimentaires, vestimentaires etc. de manière à trouver la donneuse la plus proche possible de la receveuse. Ensuite, il y a un comité qui se réunit et qui valide le dossier. Le couple donne son consentement par écrit, la donneuse aussi. Et à partir de ce moment, le processus est enclenché. La donneuse est identifiée et sa stimulation dure une semaine à 10 jours. Ensuite, les follicules sont ponctionnés pour un recueil ovocytaire. Les ovocytes sont fécondés le jour du recueil par le sperme du mari congelé ou frais. Dès lors, le développement embryonnaire prend 3 à 5 jours avant le transfert dans l’utérus de la receveuse. Un délai de 15 jours est attendu pour faire le test de grossesse. Tout ce processus coûte 2 500 000 FCfa. Le taux de réussite des dons d’ovocytes dans les pays de la sous-région, notamment le Burkina, la Côte d’Ivoire et le Cameroun, est de 45%.»


* Les noms ont été changés


NDEYE FATOU SECK

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Publié par

Namory BARRY

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