Football - Enquête sur le phénix Demba Bâ

vendredi 20 novembre 2020 • 1041 lectures • 1 commentaires

Sports 3 ans Taille

Football - Enquête sur le phénix Demba Bâ

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Malgré les nombreux essais sans succès, les blessures récurrentes et les choix jugés exotiques, Demba Bâ trouve toujours le moyen de revenir à la surface à chaque fois qu’on le croit au bord de l’abîme. Les personnes qui l’ont côtoyé, dévoilent les piliers sur lesquels l’international sénégalais s’appuie pour se relever de ses échecs et déchirures.

A 35 ans, Demba retrouve ses jambes de gamin, sans galvauder son immense talent. Il en a fait bon usage, en Ligue des Champions, le 4 novembre dernier, contre Manchester United, offrant à son club, Istanbul BB, une victoire méritée (2-1). Elle porte les fruits d’un travail méticuleux et acharné. Parce qu’en plus de suer sur le terrain, Demba Bâ se tue, en dehors, «à analyser lui-même les matches de ses adversaires pour mieux exploiter leurs failles» et réchauffer le soleil qui semblait se coucher sur sa carrière sportive. Pari gagné. Au crépuscule de sa vie en ballon, le Sénégalais attire la lumière dans une compétition prestigieuse qui transcende les générations. Dans ce cercle fermé des très grands, le globe-trotter est revenu avec de la bouteille. Pourtant, de la France en Turquie, en passant par la Belgique, l’Angleterre et la Chine, chaque étape semblait être le dernier pour ce footballeur qui a vu ses rêves de gamin se déchirer comme un vulgaire maillot aux portes des centres de formation, sous le regard hagard de son mentor, Alexandre Gontran. Qui, devenu son agent, ne cache pas son admiration : «J’ai rarement vu un homme aussi solide. C’est un vrai guerrier mentalement. C’est un gros travailleur, très professionnel dans tous les domaines. Des échecs, il en a vécus tout le temps. Mais à chaque fois, il les a surmontés. Un échec devient une expérience pour lui.» Demba Bâ en a fait une philosophie de vie pour atteindre son but. «Il a très tôt su ce qu’il voulait : devenir professionnel. Et il n’avait pas de plan B, raconte son ami d’enfance, Yannick Mandaba. Avec détermination et humilité, il a mis toutes ses forces dans la réussite de ce qu’il est aujourd’hui.» Un attaquant qui compte. Pourtant, à ses débuts, Demba Bâ faisait le mur devant une défense gardant jalousement sa cage.

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Au début, Demba était milieu récupérateur


«J’ai connu Demba quand il avait 16 ans. Il habitait avec son père dans la région du Havre, mais il était revenu en région parisienne et jouait dans mon club à Montrouge 93, révèle Alexandre Gontran. J’étais coach des catégories plus jeunes et m’occupais individuellement de certains jeunes qui me paraissaient être bons. J’avais monté une petite association et les entraîner l’après-midi, lorsqu’ils étaient disponibles. Un de ces jeunes jouait avec Demba et m’a dit : «tu devrais venir le voir. Ça serait, peut-être, intéressant qu’il vienne s’entraîner avec nous.» Je suis parti le voir. Il était milieu défensif à l’époque. Et effectivement, il y avait chez lui quelque chose d’un peu particulier : il était très grand, allait très vite, mais aussi techniquement à l’aise avec le ballon. Ce qui est rare pour un joueur qui fait 1,90m.» Sa taille a été un atout et Demba Ba savait s’en servir pour faire des misères à ses adversaires. Mamadou Bakayoko, gardien de but de l’ASC Bagneux, garde un souvenir amer de ses différentes confrontations avec le longiligne Sénégalais. «Je me souviens de lui parce qu’à chaque match, il montait sur les corners et mettait des coups de tête énormes. J’ai eu la chance de sortir son coup de tête, mais à tout le monde, il mettait ce but. J’avais tellement la pression que quand il montait, je savais à peu près où il mettrait son coup de tête. Mais à l’époque, son coup de tête lui avait permis de gagner le tournoi qui regroupait des équipes de Troyes, Montrouge et celles du National. Le potentiel, Demba Bâ l’avait, mais ce qui me surprenait surtout, c’était de le voir avec autant de rigueur pour quelqu’un qui n’était pas issu d’un centre de formation». Avec Alexandre Gontran comme éducateur, le Sénégalais franchit un palier. «Au fur à mesure, il s’avère qu’il avait de grosses qualités devant le but et on a suggéré au coach qu’il monte d’un cran, raconte son mentor. Il est passé ailier droit parce qu’il allait très vite et éliminait facilement ses vis-à-vis. L’année d’après, il est repositionné attaquant de pointe et a eu des performances énormes en séniors, en 7e division région parisienne. Il n’avait que 18 ans, mais a marqué 25 buts avec l’équipe première. C’est de là qu’il a commencé à avoir des opportunités.» 


«Dans une famille d’accueil en Angleterre»


Ce qui semblait être une chance s’est révélé un calvaire sans fin marqué par des essais interminables sans lendemain. «On en a fait beaucoup, sourit Alexandre Gontran. Je l’avais amené à Lyon, Auxerre, Amiens où il a toujours été très bien noté, mais les clubs disaient qu’ils avaient à peu près le même profil, ils n’allaient pas prendre un joueur qui correspondait à leur niveau. Après, on est allé en Angleterre. Ce même ami qui m’avait conseillé de voir Demba, y jouait à Watford. Je suis parti avec lui et deux autres joueurs en voiture pour faire des essais à la sauvage : on n’avait pas de club, on tapait aux portes pour dire qu’on a de bons joueurs et demander s’ils voulaient les voir. A l’hôtel, on dormait à cinq dans une chambre où il n’y avait que deux lits. C’était assez folklorique.» Non retenu par Watford, Demba suit son agent à Barnsley dans le Nord de l’Angleterre. «Mais une semaine après, fait remarquer Gontran, le coach de Watford me rappelle, disant vouloir le revoir. Demba redescend à Watford et s’entraîne même avec les pros. Le coach dit : «Je veux le garder. Je ne peux pas lui proposer de contrat parce qu’on est en milieu d’année, mais il va aller dans une famille d’accueil, il va apprendre l’anglais et on va lui donner un peu d’argent tous les mois.» Le deal est accepté. Demba Bâ s'entraîne avec Watford tous les jours, pendant cinq mois, progresse énormément, mais au moment de signer professionnel, le coach de l’équipe première s’est fait virer. Malchance ! «Le nouveau dit qu’il ne va pas prendre de jeune, rembobine l’agent. Un premier échec un peu dur. Après, on a eu une opportunité d’aller à Rouen qui venait de descendre de National en Cfa.» Malgré la remarque surprenante du coach Alain Michel à l’agent : «C’est quoi ce joueur. Est-ce qu’il est bon vraiment», Demba dégote un contrat au bout de 10 jours d’essais. «A la fin de la saison, il a signé pro en première division, mais en Belgique, pas en France. C’était assez drôle», sourit Alexandre Gontran. 


«Recruter Demba était un risque»


Demba Bâ n’a jamais fait fantasmer le football français qui a une faiblesse coupable pour les jeunes sortis des centres de formation. Du coup, il n’a trouvé le salut qu’en Belgique où Jean Pierre Dufermont, le président de Mouscron, l’avait accueilli à bras ouverts. L’Observateur l’a joint au téléphone en février 2014. «On avait besoin de se renforcer. Il était en France dans un petit club pas huppé, mais avait beaucoup de talent. Comme on lui avait proposé de jouer en première division belge, il a accepté tout de suite. Il ne demandait pas beaucoup. Recruter Demba Bâ était un risque, parce qu’il a été déjà proposé à des clubs qui ne l’avaient pas pris. Mais, il y a toujours un risque à prendre dans le football.» Très vite, le novice formé sur le tard séduit son monde et découvre dans la foulée, les affres du métier. «Après son deuxième match, il a crevé l’écran, s’exclame l’ex-président de Mouscron. Mais avec sa fougue, il a joué un peu trop fort et s’est retrouvé avec une jambe cassée, tibia péroné, au bout de six matches.» Jean Pierre Dufermont n’a rien oublié : «Une heure après son accident, il était déjà opéré et a directement pris les choses en main. Il n’a jamais lâché le morceau. La preuve, il est revenu cinq matches avant la fin du championnat pour faire encore la différence. Avant-centre et buteur, il avait déjà quelque chose que les autres n’avaient pas : une rage d’aller jusqu’au bout des choses. Je l’ai vu partir avec trois mètres de retard des buts et prendre le ballon pour le mettre au fond. Beaucoup de joueurs auraient arrêté de courir. Lui est allé jusqu’au bout. A Mouscron, on a eu des joueurs sans jamais pouvoir les vendre. Mais après une année, on a su vendre Demba (en Allemagne). C’était le meilleur transfert, qu’on n’a jamais fait (3 millions d’euros environ). Il n’avait joué que 12 matches. Cela veut tout dire. Il avait de la classe.»


Le volcan explose en Allemagne et atteint l’Angleterre où l’attendait le diagnostic implacable du staff médical de Stoke City : «son genou est une bombe à retardement.» Un coup dur pour le footballeur qui a souffert en silence, laissant le temps faire son œuvre. «A Stoke City, précise Alexandre Gontran, le coach voulait Demba. Pour éviter toute polémique de contrat, ils ont dit que c’était son genou. Je n’étais plus son agent à l’époque, mais je sais que c’était l’excuse du genou, parce que Demba jouait ses matches tous les ans. C’était un peu n’importe quoi.» Cette balle prise en plein vol et le ramdam médiatique qui en suivit ont été le parfait miroir d’un jeune qui aime se regarder dans la contestation.  «La preuve, il marquera 16 buts à West Ham» et prolongera son bonheur jusqu’à Newcastle. Mais à Chelsea, Mourinho en a fait un titulaire du banc.


«La religion est le fil directeur de sa vie et de sa réussite»


«Mentalement, cela lui faisait mal parce qu’il avait envie de jouer à Chelsea. Il s'entraînait dur, réussissait ses matches, quand on faisait appel à lui, mais le coach ne lui faisait pas confiance. Après, on a eu des opportunités en Chine (Shangai Senhua, après Besiktas, 2014-2015). Le challenge était intéressant. Ça s’est bien passé jusqu’à sa blessure. La même : fracture du tibia péroné, au même endroit. La première blessure en Belgique, il pleurait parce qu’il souffrait vraiment. Le lendemain, il a été opéré et le soir, il me disait qu’il allait reprendre l'entraînement. C’est la mentalité de Demba.» Toujours touché, jamais coulé. «A chaque fois que c’était difficile, pour certains, c’était la fois de trop, il faut qu’on arrête. Mais ça l’a renforcé, s’enorgueillit presque son ami d’enfance. Avant même sa carrière, c’était la même chose. Il a commencé sa carrière par une grosse blessure. Des gens ont dit : c’est la fin de Demba Bâ. Mais il est revenu plus fort pour marquer des buts. C’est toujours sa force de caractère et sa détermination.» Pas que ! «La religion joue beaucoup, renchérit Yannick Mandaba. Ça apprend beaucoup de valeurs et l’une d’elles, c’est la patience. Il l’a vraiment bien intégrée. Il a de grandes valeurs parce qu’il est très religieux. La religion est une force parce que ça aide à se canaliser, à prendre de la distance. Le monde du football, ça peut être beaucoup de paillettes, mais lui a su garder les pieds sur terre et réussir à rester connecter à la vraie vie. D’ailleurs, il a gardé les amis qu’il avait avant sa vie professionnelle. La religion a été le fil directeur de sa vie et de sa réussite.» Le mur est solide.


SALIOU GACKOU


 


 


 


 


 

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Publié par

Namory BARRY

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