Football - Enquête sur la forte présence des joueurs issus de la Casamance dans le haut niveau

mercredi 20 janvier 2021 • 773 lectures • 1 commentaires

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Football - Enquête sur la forte présence des joueurs issus de la Casamance dans le haut niveau

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Le sud du Sénégal n’en finit plus de voir de voir ses fils réussir dans les clubs du championnat d’ici et d’ailleurs. Il se positionne comme un incontournable pourvoyeur de talents. 

C’était un après-midi de novembre 2020 à Ziguinchor, la pratique du football au Sénégal arrêtée dans l’étendue du territoire pour éviter les rassemblements pouvant aider le Covid-19 à se propager, était encore en vigueur. N’empêche, on est tombé sur quelques matchs de football dans la rue.  Sur des terrains vagues, pieds nus sur le sable chaud, ballon râpé tapé contre le mur d’une maison..., des jeunes assouvissent leur passion du foot dans l’espoir de décrocher un jour, un transfert. Pour d’autres qui n’ont pas fait du foot un métier, il s’agit juste de garder la forme. Badji, lui, s’entraîne pour son maintien physique après l’arrêt du championnat. Le footballeur en herbe rencontré à Lindiane, après sa séance matinale, pensionnaire d’un centre de formation basé à la capitale Dakar, est l’un des milliers de jeunes de la région du sud qui aspirent à suivre les traces de leurs aînés qui foisonnent dans les clubs de football sénégalais, en Europe et ailleurs dans le monde. Et qui ont été fortement représentés au dernier regroupement de L’Equipe nationale, contre la Guinée (2-0 à Thiès et 0-1 à Bissau), pour la troisième et la quatrième journées des éliminatoires de la CAN 2022. C’est dire que la région sud n’en finit pas d’approvisionner le football sénégalais en talents. L’Observateur a fait le voyage en Casamance, terre de talents footeux. 
Difficile d’avoir des chiffres qui corroborent le visuel, mais le constat est bavard : le nombre de jeunes footballeurs issus du sud ne cesse de gonfler les rangs des clubs sénégalais de football amateur et professionnel, même de l’équipe nationale. A titre d’échantillon, la dernière liste des joueurs retenus par Aliou Cissé lors de la double confrontation avec la Guinée. Saliou Ciss (Nancy, France), Moussa Wagué (PAOK Salonique, Grèce) Arial Benabent Mendy (Servette FC, Suisse), Krépin Diatta (Bruges, Belgique), Franck Kanouté (Cercle Bruges KSV, Belgique), Sadio Mané (Liverpool, Angleterre)… ont constitué le contingent des pépites dénichées au sud. Les équipes nationales des petites catégories sont également bien fournies par la Casamance : Abdou Seydi, Abdou Diédhiou (Casa Sport), Ibrahima Dramé (Lask-Autriche), Mamadou Danfa (Kolos Kovalivka-Ukraine), Youssouph Badji (Bruges), Amadou Sagna (Club Bruges) Roger Gomis (Tfc)…, la liste n’est pas exhaustive. Il faudra visiter les effectifs des clubs et centres de formation pour avoir une idée plus précise du phénomène.

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«Ici, on a cette culture du football de rue»
A Ziguinchor, on semble avoir une explication du foisonnement de pépites. 72 ans, Mamadou Bamba Gassama dit Kokho, joueur de la première équipe du Casa Sport des années 69-70, a du vécu dans le foot au sud pour oser croire que «la Casamance c’est comme le Brésil». «Ici, on a cette culture du football de rue. On sait tous que beaucoup de grands footballeurs sont le produit du foot de rue. Ici, après l’école, les enfants n’ont que le football comme loisir. Et la formation sur le tas a montré son efficacité. Et depuis longtemps, la Casamance a été une terre de footballeurs et a toujours approvisionné les équipes nationales du Sénégal», explique l’ancien milieu de terrain du Casa Sport rencontré à Boucotte, à quelques jets de la Place Gao. Sa thèse est appuyée par Moussa Ndiaye alias Lopez, ancien footballeur de l’Asc Sindone et de la Compagnie sucrière sénégalaise (1992-1995). Aujourd’hui entraîneur de l’ASC Sindone, village perdu entre le fleuve Casamance et la forêt de Bissine, à Adèane, Lopez avoue que les talents de son village, dont Ibrahima Wadji, l’ancien attaquant des U20, aujourd’hui sociétaire de Haugesund (Norvège), se sont formés dans les vastes espaces qu’offre la basse Casamance. «Ici les rues, les concessions ont de grands espaces vagues qui peuvent être transformés en terrain de foot», nous dit-il. Siaka Bodian confirme. Pour l’ancien footballeur du Duc (1993-1998) et du Casa Sport (2001-2004) aujourd’hui secrétaire général du Casa Sport, «la Casamance offre une possibilité pour tout jeune de s’adonner au football». Demba Ramata Ndiaye en est convaincu. Gardant un œil sur la pelouse du stade Aline Sitoé Diatta (il y avait un test de présaison ce jour-là), le directeur technique du Casa Sport évoque le sujet avec passion. «On ne peut pas exactement dire pourquoi et comment la Casamance est devenue terre de talents. On peut se baser sur certains faits. De Gouloumbou (Tamba) à Diogué et de Sénoba (Sédhiou) à Mpak (Ziguinchor), la Casamance est très vaste. Et pour jouer au football, il faut de l’espace. Nos concessions sont très grandes. Les enfants apprennent à jouer au foot dans les cours de maisons. En Casamance, il n’y a pas de trafic, du coup les rues sont transformées en terrains de football. Les écoles ont des espaces pour l’éducation physique», dit l’ancien milieu de terrain.

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«Depuis 1998, on joue un championnat régulier des écoles de football» 
On ne pouvait occulter le rôle très important du championnat populaire, communément appelé Navétane, dans la fabrication des footballeurs au sud du pays. «Il y a une véritable culture du football et c’est lors de ces championnats populaires que nos jeunes s’aguerrissent avant d’aller dans les clubs professionnels». Si le championnat populaire occupe les jeunes talents de la région pendant les grandes vacances seulement, ils ont une autre opportunité d’avoir des matchs dans les jambes toute l’année. «A Ziguinchor, depuis 1998, on joue un championnat régulier des écoles de football. Nous sommes la seule ville qui le fait au Sénégal. Des écoles de football qualifiées, avec récépissé, joue dans toutes les catégories et le résultat est là. Aujourd’hui, dans toutes les équipes du Sénégal, on trouve un joueur issu de la Casamance», renseigne Demba Ramata Ndiaye.
La trentaine d’écoles de football et la centaine d’équipes de Navétane fournissant des talents qui ne peuvent pas tous gagner une place au Casa Sport, l’ancien club de feu Jules François Bocandé, les joueurs s’exportent dans les autres clubs du Sénégal. Ce qui pose problème à Nfally Diassy dit Brigal. Le formateur de Krépin Diatta ne comprend pas, dans une région de football, qu’il n’y ait qu’un seul club. «Je dis souvent que nous ne sommes pas une région de football, parce que dans toute la Casamance naturelle, on n’a qu’une seule équipe en Ligue 1, le Casa Sport. Mais nous sommes une région de footballeurs. Il y a beaucoup de talents dans le sud qui ne sont pas exploités. Allez dans les villages reculés, vous serez émus.»


Les caractéristiques du footballeur sudiste 


Qu’a-t-il donc de si particulier, le footballeur issu de la Casamance. Pourquoi est-il si prisé ? C’est parce que son profil est rare est ce qui est rare est bon. «Nous avons en Casamance un prototype d’individus avec des aptitudes physiques adaptées à la pratique du sport. La nature nous a gâtés sur le plan physique. On sait tous que l’aspect physique est le premier atout du footballeur», crayonne Siaka Bodian, ancien footballeur devenu dirigeant du Casa Sport. «Les sudistes ont un profil intéressant, peut-être par leur gabarit et leur morphologie. Le côté physique est très important pour un footballeur», avoue Mayacine Mar. Le Directeur Technique National du football sénégalais récemment revenu de la Casamance où il s’est arrêté quelques jours dans le cadre de sa tournée de partager du plan stratégique de développement du football féminin, reconnaît que les joueurs qui viennent du sud ont un profil intéressant. «Même pour le football féminin, la zone sud constitue un véritable bastion pour le Sénégal», dit-il.
Il est jusque-là le joueur qui peut se targuer de détenir le record de longévité sous le maillot du Casa Sport (il a joué dans toutes les catégories pendant 15 ans, il a arrêté sa carrière en 1985), Demba Ramata Ndiaye s’est fait une idée du profil du joueur issu de la Casamance. «C’est un joueur avec des qualités  physiques extraordinaires. Ça peut s’expliquer par l’environnement. Nous sommes dans une zone avec beaucoup d’arbres, donc beaucoup d’oxygène. Sur le plan aérobic, très tôt les garçons prennent beaucoup d’oxygène et ont des cœurs très développés. C’est un facteur à ne pas négliger», théorise celui qui a gagné la Coupe du Sénégal en 1979, en tant que joueur et en tant qu’entraîneur, en 2011, qui n’a  jamais été champion du Sénégal en tant que joueur, mais l’a été en tant que coach, en 2012. Mais le foot ne se limite pas à l’aspect physique. «Effectivement il y a un inconvénient. Souvent, c’est le volet tactique, parce que ces joueurs n’ont pas bénéficié d’une bonne formation dans une structure. Une fois qu’ils sont dans des structures et bénéficient d’une bonne formation, il n’y a pas de raison pour qu’ils ne deviennent pas bons», admet Siaka Bodian.


Idrissa Sané

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Publié par

Namory BARRY

admin

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