«Il faut comprendre la crainte des populations sur le vaccin»

jeudi 14 janvier 2021 • 223 lectures • 1 commentaires

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«Il faut comprendre la crainte des populations sur le vaccin»

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Chef du Département Parasitologie à la Faculté de Médecine à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le professeur Daouda Ndiaye est au cœur du dispositif mis en place par l’État du Sénégal pour  lutter contre le Covid-19. Dans ce contexte de recrudescence de la maladie à Coronavirus, le professeur Ndiaye a passé en revu différents aspects de cette lutte, à bâton rompu. 

Vous êtes le coordonnateur du Comité scientifique de recherche sur l’utilisation des produits à base d’Artemisia dans le traitement de la maladie à coronavirus. Où en est-on avec le «Covid-organics» de Madagascar ?

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Il est vrai que nous avons entrepris des travaux de recherches poussés sur les antipaludiques, y compris l’artemisia. Seulement, à un certain moment, pour des problèmes de protocole, le ministère de la Santé a jugé nécessaire de ne pas l’utiliser, se fondant sur l’absence de données scientifiques publiées qui auraient pu prouver véritablement l’efficacité et l’innocuité du produit sur le Covid-19 du fait de sa nouveauté. Même s'il est vrai que des travaux de production de gélules ont été initiés, mais pour les utiliser, il fallait avoir l’approbation du Comité éthique du ministère de la Santé. Toujours est-il qu’en Afrique, sous la supervision de l’Oms, le produit fait toujours l’objet d’étude d’efficacité thérapeutique. À l’instar de Madagascar, certains pays sont également en train d’évaluer l’efficacité d’autres produits naturels issus de la pharmacopée traditionnelle africaine, comme potentiels remèdes contre le Covid-19. Cependant, on ne pourra apprécier de l'efficacité de ces produits qu'à la fin de ces études.

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Comment expliquez-vous cette deuxième vague du Coronavirus et  son lot de morts ?


Je parlerais plus tôt d’une recrudescence de la maladie. Et ce retour en puissance ne saurait surprendre. La pandémie est restée à des niveaux inquiétants dans de nombreux pays et puisque les personnes continuent de voyager d'un pays à un autre, ils peuvent ainsi entraîner avec eux les agents infectieux. De facto donc, le virus continuera de voyager avec elles. La vérité est qu'on soit au Sénégal ou ailleurs, tant qu'en pleine pandémie les gens continueront de fréquenter les lieux publics en faisant fi des mesures barrières édictées, il est clair que l’on ouvre un boulevard propice à la propagation du virus. Il faut aussi relever la fermeture des Centres de traitement (Cte). Inéluctablement donc, ce relâchement constaté a occasionné un retour en force du virus. D'où cette recrudescence de la maladie.


Par ailleurs, ce que l’on a semblé ignorer, c’est qu’avec le Covid-19, il y a plusieurs inconnus relatifs à la biologie du virus, à sa génétique, à son épidémiologie... qui restent à être élucidés. Au plan épidémiologique, il est difficile de dire avec certitudes, comment ce virus progresse dans le temps. Malgré plusieurs hypothèses avancées, les grands scientifiques de ce monde ont encore du mal à s’accorder sur certains points. Pour le cas du Sénégal, cette ascension des cas graves mène vers un débordement du système de prise en charge des malades et, malheureusement, notre pays n’a pas la capacité de prendre en charge tout cas grave. D’où la nécessité d’insister sur la prévention, en mettant l'accent sur la lutte au niveau communautaire, combinée à une bonne prise en charge médicale. J'en veux pour preuve, la maîtrise des maladies endémiques, dont le Sida, la tuberculeuse et le paludisme. On doit alors continuellement peaufiner les stratégies avec un accent particulier sur la prévention individuelle et collective, une sensibilisation portée par les leaders communautaires afin d’amener la population à adopter spontanément les recommandations édictées.


La prise en charge à domicile des cas positifs n’a-t-il pas concouru à cette recrudescence de la maladie ?


Ce que j’ai compris de la communication du ministère par rapport à cette prise en charge à domicile, c’est qu’à un moment donné, les structures de santé étaient débordées et qu’il y avait une tension en termes de places dans les hôpitaux. Mais dans le même temps, le ministère de la Santé a informé que des mesures étaient prises pour que les personnes affectées et qui sont internées chez eux puissent bénéficier d’un accompagnement médical adéquat. 


Au vu du nombre croissant de cas graves, doit-on craindre des lendemains encore plus sombres ?


Le combat n’est pas seulement une question de prise en charge médicale. Le jour où les populations adopteront massivement les gestes barrières, que l’autorité parvienne à un renforcement des capacités des structures sanitaires en matière de prise en charge, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, on aura franchi un pas réel. Il restera juste à inciter les malades (surtout celles vivant avec une comorbidité et les personnes âgées), à se rendre à temps dans les structures de santé. Au-delà, il faudrait peaufiner le processus en réactivant l’élan de solidarité préventive par la fourniture gratuite de masques et gels indispensables pour gagner ce combat. Par contre, si tous ces éléments ne sont pas réunis, il serait hasardeux de prédire quoi que ce soit.


Trouvez-vous pertinent que le couvre-feu soit limité à Dakar et Thiès, alors que d’autres régions présentent au quotidien des statistiques inquiétantes ?


Par principe, je respecte les choix de mes collègues médecins, scientifiques, car ils ont des arguments fondant leurs décisions. C'est sur cette base qu'ils ont assurément invité l’État à prendre cette mesure de restriction de la mobilité. Cependant, que cela soit expliquer clairement. Il est vrai que d’aucuns récusent ce couvre-feu. À mon avis, la meilleure façon d’analyser l’efficacité de cette mesure, c'est l’évaluation à terme. Et logiquement, le ministère de la Santé et ses conseillers le feront. L’un dans l’autre, ma conviction est que notre salut passe inéluctablement par le respect strict des mesures barrières.


L’annonce du vaccin contre le Covid-19 a suscité beaucoup de commentaires négatifs.  Certains craignent des effets secondaires redoutables, d’autres évoquent un problème de fiabilité du vaccin...


(Il enchaîne) Il faut comprendre la crainte des populations sur le vaccin, car beaucoup d’informations circulent sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins contre le Covid-19 et ceci n'est pas spécifique au Sénégal. Ailleurs dans le monde, les mêmes craintes sont soulevées parfois par des chercheurs et des praticiens de la santé. Donc, si le ministère décide d’emmener ces vaccins, ses conseillers qui sont suffisamment outillés, se doivent de lever certaines zones d’ombre pour rassurer les plus sceptiques. Il est également vrai que la question de la rapidité de l’effectivité de ces vaccins a été posée avec acquitté, comparativement aux processus de validation des vaccins antérieurs (en termes de durée), surtout que les étapes et phases 1, 2, 3 et 4 étaient d’habitude plus longues. En clair, il faut retenir qu’un vaccin répond à un processus. Une procédure de développement claire et rassurante qui garantit son efficacité et son innocuité avec tout un système protégé, un ensemble de processus de validation et d’homologation. Il y a, entre autres, les phases d’expérimentation à l’animal sensible, la phase d’essai clinique, l’étude de l’efficacité et de tolérance chez l’homme avec une cible bien choisie. D’abord, sous forme d’une étude pilote, avant d’élargir l’échantillonnage, le tout avec un consentement libre et éclairé des participants. La population ne sera à l’aise que lorsque qu’elle aura pris connaissance de l’ensemble des documents, données et résultats, sur l’efficacité et l’innocuité qui ont accompagné le développement des vaccins depuis le candidat vaccin, en passant par les études de phase 2, phase 3 de test chez l’homme et phase 4, sans oublier les conditions de conservation et d’utilisation. Mais cela ne veut pas dire que cette rapidité constatée dans la conception de ces vaccins est une mauvaise chose, car la science a connu d’importantes avancées technologiques. J'aimerais insister sur les mesures barrières qui feront partie de toute stratégie de lutte jusqu’à l’éradication de cette pandémie.


Abdoulaye DIEDHIOU

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Publié par

Namory BARRY

admin

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