Immersion dans la vie de couple des mendiants : «J’ai reçu comme dot 2 coqs et la somme de 1500FCFA»

mercredi 25 novembre 2020 • 420 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

Immersion dans la vie de couple des mendiants : «J’ai reçu comme dot 2 coqs et la somme de 1500FCFA»

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Alors que chez les célébrités sénégalaises la mode est aux mariages en grande pompe, fêtés à coup de millions de francs Cfa et de parures en or, à côté, chez les mendiants de rue, on s’unit à presque rien, avec comme seul trésor son cœur à offrir. Ensemble sous le chaud soleil toute la journée, entassés dans une chambre, le soir, avec tous les enfants, les histoires d’amour de ces couples de la rue sont une vraie leçon de vie.

La scène est parlante. Sous le soleil ardent du Rond-point Rts, Idrissa Fall, vêtu d’un jean bleu délavé et d’une chemise à rayures, jette un regard perçant, attentionné sur les véhicules stationnés devant lui. Le feu tricolore passé au rouge, l’homme paralysé de la jambe droite se rue difficilement à l’aide de sa béquille vers les conducteurs qui, souvent, baissent leurs vitres et lui donnent des pièces de monnaie. Pourtant, malgré son handicap et le manque de moyens, Idrissa, 40 ans, a réussi à fonder une famille avec son épouse, Adama, 31 ans, l’amour de sa vie. Et, tous les deux font la manche au niveau de ce carrefour bondé de monde. Leur histoire est un conte de fée. «J’ai connu Adama alors qu’elle était une petite fille. Nous partagions la même concession. Elle est la fille de ma tante, donc ma cousine. Elle était ma promise. Nous nous sommes mariés il y a maintenant une dizaine d’années et depuis lors, nous vivons en parfaite harmonie», sourit le quadra, originaire de Bambey. Pour toutes dépenses, le couple n’a pas dépassé 50 000 mille francs. Ni de bague en or, ni de cadeau spécial. Mais juste de l’amour, beaucoup d’amour. «Elle n’a pas fait une grande cérémonie. Car, elle savait que je n’avais pas beaucoup de moyens. Malgré mon handicap et ma pauvreté, elle a accepté de m’épouser sans rien attendre en retour. C’est une bonne femme», explique fièrement ce père de trois bambins qui ne tarit pas d’éloges sur son épouse. Accoudé sur ces béquilles, Idrissa Fall confesse : «Nous passons la journée dans la rue pour subvenir aux besoins de nos enfants et elle ne rechigne jamais à la tâche.» Epouse dévouée, Adama est, selon son mari, aux antipodes de ces femmes shootées au luxe et au lucre, créatrices de tas d'histoires et de chichis à propos de rien. «Je vis super bien avec elle. Mon amour lui suffit amplement», rigole idrissa une dernière fois, avant de retourner au niveau du rond-point attendant que le feu tricolore soit rouge pour travailler.

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Loin des clichés transparents de mariages de starlettes, célébrés à coup de millions, de parures en or et de voyages, vendus à coups à grand renfort médiatiques sur le Web, d’autres amoureux qui n’ont que le cœur comme trésor à offrir, continuent de s’unir dans la plus grande sobriété. Mendiants pour la plupart, ces hommes et femmes qui jonchent les trottoirs et fréquentent les feux tricolores de la capitale sénégalaise à la quête de pitance, offrent des leçons de vie et surtout tout le bonheur sans gros frais. Dans les rues dakaroises, ils sont nombreux ces couples mariés qui ne comptent en banque et n’ont jamais vu la couleur de l’or.

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«Je me suis marié avec deux coqs et la somme de 1 500 francs»


Sur l’avenue Bourguiba, impossible de ne pas les remarquer. Ils sont omniprésents dans cette artère. Seuls ou avec la marmaille dont certains sont âgés d’à peine 5 ans, ces pères et mères de familles déambulent tranquillement entre les véhicules à la recherche de quelques pièces de monnaie. Surpris sous un arbre, comme pour fuir les rayons ardents du soleil, Aminata Diop est confortablement installée sur un carton recouvert d’un drap tricolore poussiéreux, étalé à même le sol. Engoncée dans un pagne bleu marine fortement noué autour de la taille et d’un t-shirt gris, cette mère de famille, est entourée de trois enfants. Entre pleurs et cris, cette originaire de la région de Kaffrine ne sait plus où donner de la tête. Et pourtant, la dame de 35 ans ne se plaint pas. Loin de là. La voix cassée, les yeux rougis à cause de la fumée dégagée par les véhicules, Aminata explique sa rencontre avec son époux qui fait également la manche. «J’ai connu mon mari par l’intermédiaire d’un de mes amis. Et, comme nos villages étaient voisins, on se voyait à chaque fois qu’il revenait de la ville. A l’époque, la partie droite de son corps n’était pas totalement paralysée. Mais, il ne m’a jamais caché qu’il faisait la manche à Dakar», explique la dame, un brin nostalgique. «Le fait qu’il n’a pas menti sur sa situation, m’a surtout décidé à me marier avec lui», enchaîne Aminata.


Après deux mois de relation, le couple s’unit devant Dieu, dans la pire situation économique, mais décidé de se battre pour le meilleur. «Comme mes parents savaient qu’il faisait partie d’une famille modeste, mon père lui a demandé comme dot deux coqs et une somme de 1500 Francs pour la cola», confesse Aminata. Elle poursuit, le débit faible. «Quelque temps après, son état de santé s’est fortement détérioré et je suis venu le rejoindre ici à Dakar, il y a cinq ans, pour prendre soin de lui.» Depuis, Aminata s’est mise, elle aussi, à la manche. «Avec sa paralysie du côté droit, je me suis fait un point d’honneur de m’occuper de lui, quelle que soit l’issue de sa maladie. Chaque matin, je l’amène jusqu'à la mosquée de Niarry Tally, je le laisse là-bas. En compagnie de nos trois enfants, je fais la manche sur l’Avenue Bourguiba.» Pour Aminata, l’amour n’a pas de prix et le respect est plus important que les millions de dot et les cadeaux. «Dans le passé, le mariage était considéré comme une chose sacrée. Mais, maintenant, c’est devenu un commerce, avec un prix fixé pour la mariée», regrette Aminata Diop.


«Si on se marie pour l’argent, on divorcera tôt au tard»


 Un peu plus loin, sur les allées Ababacar Sy, près de la mosquée, une file de mendiants s’allongent à perte de vue. Sous les feuillages, inertes aux vrombissements des voitures et motos passant, ces démunis accostent les passants. Certains répondent favorablement en leur offrant des pièces, d’autres leur jettent un regard de dépit. Sous l’arbre, Ousmane Diallo est assis sur une natte à même le sol. Autour de lui, un seau rempli de riz, et des sachets de maïs et d’arachides superposés. A quelques mètres de Ousmane, deux bambins jouent tranquillement. Fourré dans un kaftan en wax marron avec un bonnet blanc légèrement posé sur la tête, le quinqua lit le Coran. Quelques minutes après, il accepte de se confier. « J’ai presque grandi avec ma femme car, c’est la fille de mon oncle et durant tout mon séjour au village, je vivais avec eux», explique cette originaire de Saré Moussa dans la région de Kolda. Jetant un regard rapide sur les mômes, il poursuit : «J’ai fini par demandé sa main à mon oncle (son père) pour la somme de 20.000 milles francs avec un sac de riz et trois litres de lait caillé.» Depuis sa femme est venue le rejoindre et les conjoints vivent dans une chambre, avec leurs enfants, dans le quartier populeux de Grand-Dakar. Malgré les difficultés, Ousmane est plutôt fier de sa coépouse. «Quoi qu’on puisse dire, ma femme est la meilleure car, malgré les conditions difficiles, elle m’est fidèle. L’argent ne fait pas tout dans une union. Et si on se marie pour l’argent, on divorcera tôt au tard», assure cet époux heureux. 


 La conversation est coupée par son épouse venue s'enquérir de la situation. Pagne bien nouée autour de la taille, cheveux couverts, Madame Sy, la quarantaine, a du mal à se déplacer à cause de ses béquilles. Adossée au tronc de l’arbre, elle se confie : «Le mariage réside dans le partage et la solidarité dans les moments douloureux. Qu’importe les difficultés de la vie, je soutiendrai mon mari. Dans la richesse comme dans la pauvreté. C’est ce qu’on nous inculque comme valeur depuis l’enfance.» Interrogé sur la mode des mariages «princiers» qui ont cours chez les célébrités, elle lance : «Dieu seul sait ce qu’il en est, mais dans plupart des cas, ces mariages en grandes pompes, sont voués à l’échec car l’argent est au dessus de l’amour». En 14 ans de vie conjugale, Madame Sy confie ne pas avoir de regrets. Pour cette mère de famille déterminée à rester dans son couple, «si l’amour est sincère, l’argent ne compte pas». 


«Je suis mariée avec 7 500 francs et cinq litres de vin de palme»


Au Rond-point de la poste Médine,  l’agent de sécurité, sifflet à la bouche régule la circulation. L’endroit est animé. Les klaxons des véhicules se mêlent aux cris des apprentis «coxeurs». Autour de ce carrefour commercial, bondé de monde, beaucoup de personnes démunies ont élu domicile. Sur des cartons, ils se sont réfugiés sous les arbres fuyant les rayons du soleil. Fama Diop fait partie de ce lot d’infortunés. Entourée d’une pile de bagages composés de cartons, bidons, de sachets remplis de riz et d’arachides, de pots vides, la femme a élu domicile sur les lieux. Assise, sur des cartons étalés et couverts de draps poussiéreux, cette mère de trois garçons, est dans un autre monde. Insensible aux bruits des usagers, Fama, 45 ans, a la tête sur les nuages. Comme tirée de son rêve, d’un geste rapide, elle tend la main à un homme qui lui donne un sachet rempli de maïs et quelques pièces de monnaies. La femme chuchote quelques mots avant de se rassoir sur le sol. A ses côtés, un petit garçon de cinq ans qui suce un sachet de lait caillé. Fourrée dans un habit traditionnel en wax multicolore, avec un masque de protection qui lui recouvre la moitié du visage. «J’ai connu mon mari alors que je faisais la manche au niveau de l’avenue Ponty en ville, il y a de cela quinze ans. Lui également était un démuni», sert la dame originaire de Djifer dans la région de Fatick. «A l’époque, mon père n’avait pas beaucoup demandé.  Je suis mariée avec 7500 francs et cinq litres de vin de palme. Et, c’est d’ailleurs lui avait pris en charge toute la cérémonie de mariage. Mes sœurs ont également eu la même chose lors de leurs unions», se souvient-elle, un large sourire au coin des lèvres. Résidant maintenant au quartier des Maristes, dans une chambre avec son époux et son cadet en plus de ses enfants, Fama ne se plaint pas. Malgré ses 15 années de mariage et sa situation économique, elle continue de sourire à la vie, avec cette conviction partagée par tous les couples de la rue : «L’argent ne saurait remplacer l’amour.» 


AICHA GOUDIABY (STAGIAIRE)  

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Publié par

Namory BARRY

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