Les accusations du papa de Abdoul Kader Johnson, l'élève sous-officier de police décédé à l'hôpital Principal

lundi 26 avril 2021 • 1774 lectures • 1 commentaires

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Les accusations du papa de Abdoul Kader Johnson, l'élève sous-officier de police décédé à l'hôpital Principal

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En acceptant son choix d’intégrer la Police nationale, Me Rassoul Johnson était loin d’imaginer que son fils Abdoul Kader Johnson allait lui revenir de sitôt, après seulement trois jours d’incorporation, entre la vie et la mort. L’élève sous-officier n’a pas pu remporter son combat contre la grande faucheuse. Il a rendu l’âme dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 avril, à 01 heure du matin.

Le certificat de genre de mort évoque une «mort suspecte médico-légale», suite à une rupture du cordon cervical ayant entraîné la paralysie de tout son corps. Le père qui exige la lumière sur cette affaire, revient sur les longues heures d’agonie de son enfant. 

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«Je m’appelle Me Rassoul Johnson, Huissier de Justice près la Cour d’Appel de Dakar, titulaire de la charge 9 de Dakar. Je suis le père de Abdoul Kader Johnson. Il fait partie de la promotion recrutée en décembre 2020. Après avoir accompli les formalités d’usage (les visites médicales d’aptitude, les visites d’incorporation et le vaccin contre la Covid-19), ils ont été convoqués pour la rentrée le mardi 21 avril. Je l’ai équipé en paquetage. En plus des équipements sportifs, je lui ai remis un téléphone, 55 000 FCfa pour ses petits besoins. Il est parti le lundi. Le mardi matin, je n’ai pas eu de ses nouvelles. Le mercredi non plus, de même que le jeudi. C’est le vendredi, à 14 heures, que j’ai reçu un coup de fil. C’était lui au téléphone. Il me dit dans un ton fatigué et presque agonisant : ‘’C’est moi ton fils Papa.’’ J’étais confus et surpris. Je ne savais pas que c’était lui. Il insiste : ‘’C’est moi ton fils Papa Johnson. Je suis aux Urgences à l'hôpital Principal. Viens papa. Viens. Je t'attends.’’ Je faisais des courses à Auchan Mermoz. J’ai tout laissé sur place, même mon véhicule. J’ai sauté à bord du premier taxi pour me rendre à l’Hôpital Principal. J’avais un mauvais pressentiment quand je l’ai entendu parce que j’ai fait l’Armée. Je suis diplômé de l'École des officiers de Saint-Cyr. Je suis également diplômé de l’Ecole de l’Université Paris Panthéon Sorbonne avec une expertise en Défense et armement. Arrivé à l’hôpital, j’ai présenté ma carte professionnelle et j’ai été autorisé à accéder à la structure. Je l'ai trouvé dans le hall, étalé sur une civière avec une perfusion à la main gauche. Il me dit : ‘’Cherche-moi de quoi manger, j'ai faim. J’ai tout le corps qui me fait mal. Regarde. Je ne peux pas lever les bras. J’ai des problèmes au niveau du bassin. Mes pieds ne répondent plus.’’ J’ai d’abord commencé à formuler des prières pour lui. Je lui ai demandé d’en faire de même. Je lui ai dit de se calmer et d’être courageux. J’ai soulevé ses bras et je lui ai demandé de bouger ses doigts. Il est parvenu à les mouvoir. Cela m’avait un peu rassuré. 

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«J’ai senti que son âme le quittait. Il me disait…»
J’ai cherché à lui tirer les vers du nez sur ce qui lui était arrivé, mais il m’a juste dit qu’il faisait des roulâtes. J’ai senti qu’il me cachait quelque chose. Je connais mon fils. Il est discret de nature. Et connaissant mon tempérament, il sait que si j’apprends qu’il a été torturé, j’aurais immédiatement réglé des comptes avec les auteurs. Il m’a caché la vérité. Je l’ai senti dès que j’ai posé les yeux sur lui. Je sais que les roulâtes ne peuvent pas l’inquiéter. C’est un Budoka, une ceinture noire de Taekwondo. Il a pratiqué cet art durant dix ans. Il est aussi professeur de Budoka. Il est solide. Il n’est pas un peureux. S’il en est donc arrivé à ce point, c’est parce qu’il a dû souffrir. Beaucoup souffrir. J’aurais compris qu’il ait des doigts, un bras ou une jambe cassée, c’est possible. C’est une formation militaire. Mais pas à ce point ! Il était là, inerte. Il ne bougeait pas. Il regardait dans une même direction. Il parlait difficilement. J’ai senti que son âme le quittait. Il me disait : ‘’Papa ne pars pas. Reste avec moi.’’  
Cinq à six côtes se sont détachées de sa colonne vertébrale
Je me suis alors tourné vers les médecins. Ils m’ont révélé une rupture des côtes de la colonne vertébrale. Cinq à six cotes se sont détachées de sa colonne vertébrale. Il était presque agonisant. J’ai senti qu’il était déshydraté. Il respirait à peine. Je l’ai vu haleter. Il avait complétement changé en trois jours seulement. Il avait les doigts enflés. Le personnel soignant l’a, par la suite, interné dans une cabine. Vu que je ne pouvais pas y accéder, je suis resté dehors jusqu’à 18 heures. Le lendemain, après la prière de «Fadjr» (l’aube), je suis retourné à l’hôpital. Je lui avais même amené un petit-déjeuner. Le médecin me reçoit pour m’annoncer son décès survenu vers une heure du matin. Et on me délivre un certificat de genre de mort attestant d’une mort accidentelle. Quand je me suis mis à râler, le médecin qui m’avait donné le document revient dix minutes après pour m’amener dans le bureau du professeur Wade (sic). Le professeur me dit sans ambages que le jeune a eu une rupture du cordon cervical ce qui a créé une paralysie de tout son corps. Il rédige de sa propre main un autre certificat de genre de mort, le signe et appose son cachet. Lequel document porte la mention : ‘’Mort suspect médico-légal’’. Il a ordonné une autopsie qui, d’ailleurs, se fera ce lundi (aujourd’hui : Ndlr). 
«Aucune autorité de la Police n’a été à son chevet»
Pendant tout le temps que mon fils a été interné à l’hôpital, aucune autorité policière ne s’y est présentée. Il n’y avait qu’un agent en faction là-bas. Heureusement que mon fils a eu la vigilance de m’appeler avec le téléphone d’un médecin pour que je vienne l’assister parce qu’il n’y avait aucun responsable de l’école à son chevet. Lorsqu’on m’a montré les clichés, j’ai aussitôt appelé l’école. Je suis tombé sur une infirmière gardienne de la paix. Quand je me suis présenté, elle m’a branché son supérieur hiérarchique, une dame adjudant-chef. Je me suis plaint de leur absence aux côtés de mon fils qui n’était accompagné que d’un jeune policier. Je me suis rendu compte que les responsables de l’école n’avaient même pas connaissance des résultats des clichés. C’est moi-même qui ai informé l’adjudant-chef des blessures de mon fils. Et comme si cela ne suffisait pas, le samedi, vers 11 heures, un monsieur m’appelle et se présente comme un Commissaire de police. C’était pour m’informer, dans un ton arrogant et inélégant, de la mort de Kader Johnson. Je lui ai dit : ‘’Vous l’avez tué’’ et j’ai raccroché mon téléphone. C’est par la suite qu’on m’a informé qu’une délégation de la police s’est rendue à la morgue pour voir le corps. 


«J’exige la lumière sur la mort de mon fils»
Dans cette affaire, il y a mort d’homme. Une mort suspecte. Et j’espère qu’une fois l’autopsie faite, les autorités de la République prendront les mesures idoines. Un décès de ce genre nécessite une enquête administrative interne. Il faut qu’on sache dans quelle circonstance il est décédé, comment et de quoi il est mort. Ce n’est plus une affaire personnelle. C’est une affaire d’Etat parce que ce n’est pas un civil. C’est un élève-adjudant. Je précise qu’il ne s’agit pas d’un procès de la Police. Je suis Officier de police judiciaire. Je n'ai rien et je n'aurai rien contre la Police. C'est notre institution. Mais je veux savoir de quelle manière mon fils est mort. J'exige la lumière sur ce décès.»


ABDEL KADER JOHNSON , 31 ans sans demi-mesure  : Un avenir radieux brisé à jamais  


Seules leurs voix se perçoivent. Celles des lecteurs du Saint Coran. Ils ont tous pris place dans ce salon au troisième étage de l’immeuble R+3 sis au quartier Ouakam. C’est ici que vit Rassoul Johnson, papa du défunt Abdel Kader Johnson. Amis, parents et quelques autres proches du père du défunt sont venus manifester leur compassion et partager avec lui son chagrin. Ils formulent des prières pour le repos de l’âme du disparu. Hier dimanche 25 avril 2021 coïncide avec le troisième jour du décès de Abdel Kader Johnson. L’élève Sous-officier qui a passé l’arme à gauche dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 avril. Le climat est lourd. L’atmosphère triste. Même s’il semble tenir le coup, le père Rassoul Johnson ressentira probablement ce vide que lui laisse son fils aîné. Un fils à l’endroit de qui, il ne tarit d’éloges. «C’est le seul fils qui me comprend et qui m’obéit au doigt et à l’œil, même s’il n’est pas d’accord. C’est un garçon discret, bien éduqué», décrit le père. «Pieux en plus, discret, un aîné qui aimait beaucoup ses frères et sœurs», tient-on de l’entourage. 
A 31 berges, Abdel Kader Johnson, né le 11 mars 1990 à Saint-Louis, était bien parti pour épouser un avenir radieux. Un jeune qui savait ce qu’il voulait dans sa vie et qui se donnait les moyens pour atteindre ses objectifs. Quelqu’un qui ne faisait jamais les choses à demi-mesure, confie-t-on. Le concours de sous-officier qu’il a réussi avec brio est la dernière illustration. Pourtant, il lui a fallu d’abord convaincre un père qui n’était pas, au début, emballé par l’idée de passer le concours des Sous-officiers. Parce que pour Rassoul, il faut toujours aller plus haut, plus loin et plus fort. Mais Abdel Kader Johnson a su faire comprendre à son papa qu’il avait la capacité d’arriver au sommet, de se présenter au concours des Commissaires. Mais à ce stade de sa formation, il était impératif de passer d’abord par le cycle des Adjudants. Convaincu, le père l’aide dans les préparatifs. Le cœur à l’ouvrage, Abdel Kader se donne à fond, trois mois durant, alliant l’écrit, l’oral et les entraînements physiques. Le résultat ravit le papa, Rassoul Johnson, dont la casquette d’Officier, diplômé de l’Ecole de Saint-Cyr, a probablement motivée le jeune. 
Ancien élève de l’Ecole primaire Ndiawar Sarr (ex-Neville) du quartier Sud où il a grandi, Abdel Kader Johnson a toujours été, selon son entourage, très studieux. Après avoir bouclé la classe de 5e au collègue Amadou Clédor Gaye, il rejoint l’école privée Sankoré où il obtient son Bfem et son Bac. Titulaire d’une Licence en Sciences politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Johnson était aussi étudiant en Master 2 en Gouvernance sécuritaire et géopolitique au Centre Africain d’Intelligence Stratégique. Sorti 15e du concours des Sous-officiers de police sur 55 élèves, Johnson-fils préparait avec enthousiasme son incorporation. Sans se douter qu’il avait rendez-vous avec la mort. Une mort intervenue au quatrième jour de son premier rassemblement en temps que futur Adjudant. 


AIDA COUMBA DIOP

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Publié par

Namory BARRY

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