Les graves conséquences de l'embargo du Mali sur le commerce avec le Sénégal

lundi 10 janvier 2022 • 1492 lectures • 1 commentaires

Politique 2 ans Taille

Les graves conséquences de l\'embargo du Mali sur le commerce avec le Sénégal

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La sentence est lourde. Après avoir suspendu le Mali, en août 2020, de tous ses organes de décision, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l'Ouest (Cedeao) revient à la charge contre le régime de transition malien. Les chefs d’Etat de la Cedeao ont pris de nouvelles sanctions contre le Mali, après l’annonce des autorités militaires maliennes de se maintenir au pouvoir pour une durée de 5 ans.

Ce qui semble être en déphasage avec leur engagement initial qui était de faire une transition de six mois. Cette volonté du régime de Bamako ulcère les chefs d’Etat de la Cedeao qui ont pris des sanctions supplémentaires. Ils décident ainsi de la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cedeao et le Mali ; la suspension de toutes les transactions commerciales entre les pays de la Cedeao et le Mali, à l'exception des produits suivants - biens de consommation essentiels, produits pharmaceutiques, les fournitures et équipements médicaux, y compris le matériel pour le contrôle du Covid-19, produits pétroliers et électricité. Mais aussi le gel des avoirs de la République du Mali dans les Banques centrales et commerciales de la Cedeao ; la suspension du Mali de toute aide financière des institutions financières de la Cedeao (Bidc et Boad).
D’après le communiqué de l’institution sous régionale, ces sanctions seront appliquées immédiatement et resteront en vigueur. «Les sanctions ne seront progressivement levées qu'après la finalisation d'un chronogramme acceptable et convenu et le suivi de progrès satisfaisants réalisés dans la mise en œuvre du chronogramme des élections», précise la Cedeao. Par ailleurs, compte tenu de l'impact potentiellement déstabilisateur sur le Mali et sur la région, créé par cette transition au Mali, l'autorité sous régionale décide d'activer immédiatement la Force en attente de la Cedeao, qui devra être prête à toute éventualité. La Conférence appelle l'Union africaine, les Nations Unies et les autres partenaires à soutenir le processus d'application de ces sanctions et à continuer d'apporter leur soutien à une transition politique acceptable. Car, malgré le démenti du gouvernement de transition malien, l'autorité reste profondément préoccupée par le rapport cohérent sur le déploiement d'agents de sécurité privée au Mali avec son impact potentiellement déstabilisateur sur la région de l'Afrique de l'ouest. La Cedeao note que cette situation est étroitement liée à la transition politique au point mort dans le pays.

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BABACAR NDIAYE, SPECIALISTE DES RELATIONS INTERNATIONALES, DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ET DES PUBLICATIONS DU THINK TANK WATHI  : «Des conséquences immédiates sur le commerce transfrontalier avec le Sénégal»
A l’issue de la rencontre d’Accra, les chefs d’Etat de la Cedeao ont décidé des sanctions supplémentaires contre le Mali. Ces sanctions se justifient-elles ?
La rencontre d’Accra de la Cedeao qui s’est tenue ce 9 janvier 2022 est très proche de la période retenue par l’organisation régionale pour l’organisation de l’élection présidentielle au Mali, à savoir février 2022. Cette date n’étant pas respectée, on se doutait bien que la Cedeao allait prendre de nouvelles sanctions et c’est le cas. De toute évidence, ces sanctions sont difficiles et isolent davantage le Mali. Ces sanctions se justifient-elles ? Elles interviennent après le nouveau calendrier proposé par le pouvoir de transition de Bamako qui n’a pas convaincu les dirigeants de la Cedeao. En effet, la junte avait proposé que la transition dure cinq ans et durant ces dernières heures, elle a même raccourci cette durée à quatre ans. Je crois que la Cedeao a voulu frapper les esprits et le Mali sert d’exemple dans une région qui a connu un autre coup d’État, en l’occurrence la Guinée. 
Je crois que pour la Cedeao, les sanctions sont justifiées pour pousser la junte malienne à organiser rapidement cette élection présidentielle et rendre le pouvoir aux civils. A travers cette décision, il y a sans doute aussi une question de crédibilité face à ce qui pourrait ressembler à une sorte de marchandage sur la durée de la transition malienne. La Cedeao a voulu envoyer un signal fort et pas qu’à la junte malienne. 
Quelles peuvent être les conséquences de la décision de la Cedeao ? 
Les conséquences de cette décision touchent immédiatement l’économie. En décidant de la fermeture des frontières entre le Mali et les pays membres de la Cedeao, l’organe régional isole le Mali. Cela veut dire en principe qu’il n’y a plus de commerce transfrontalier. Il n’y a plus d’exportation ni d’importation entre le Mali et ses voisins, cela se traduit donc par la suspension des transactions, sauf pour les produits de première nécessité et pharmaceutiques. Cette décision va forcément avoir un impact fort sur l’économie du pays et les travailleurs qui s’adonnent aux activités commerciales. L’idée finalement est d’isoler le pays sur le plan économique et financier. Un rapport de la Banque mondiale d’août 2020 relevait déjà la grande fragilité de l’économie malienne en mettant en lumière les conséquences cumulées de la crise sanitaire de la Covid-19 et la crise socio-politique liée au coup d’État militaire d’août 2020. Le rapport évoquait la récession de l’économie et l’accélération de la dette publique due aux dépenses pour faire face à la pandémie. La Banque mondiale a invoqué également la chute des cours mondiaux du coton et le Mali est un important producteur de coton. 
Tout cela pour dire que le pays n’a pas besoin de sanctions de ce type car son économie est déjà fortement fragilisée. Maintenant, il est évident que ce sont les populations qui vont ressentir les effets immédiats de ces sanctions, surtout celles qui sont dans les zones frontalières. Il s’agira de voir le comportement des populations maliennes face à ces nouvelles sanctions prises par la Cedeao. Mais, il est dommage qu’elles soient exposées à de telles sanctions. Enfin, j’observe également la décision de rappeler les ambassadeurs des pays membres de la Cedeao au Mali. Une décision symbolique mais qui isole aussi le Mali sur le plan diplomatique.  
Le Mali est la principale destination des exportations du Sénégal dans l’Uemoa. Quelles conséquences ces décisions de la Cedeao auront-elles sur le commerce transfrontalier entre les deux pays ?
Si nous parlons de fermeture des frontières avec les pays membres de la Cedeao, les pays voisins du Mali comme le Sénégal seront touchés par les mesures économiques décidées. Le Mali est la principale destination des exportations du Sénégal dans l’Uemoa, le pays est le premier client commercial du Sénégal dans la zone Uemoa. Les exportations du Sénégal à destination du Mali sont chiffrées à plus de 200 milliards FCfa, selon l'édition 2019 de la Note d'analyse du commerce extérieur (Nace) de l'Ansd. C’est dire que le Mali est un marché important pour le Sénégal et les décisions prises auront des conséquences immédiates et difficiles sur les activités commerciales transfrontalières. Cela montre à suffisance le degré de motivation des dirigeants de la Cedeao et la formulation de telles sanctions. Il faut rappeler que le président Macky Sall a participé à ce sommet d’Accra. Cette décision aura des effets sur le Mali mais aussi sur ces différents voisins sur le plan commercial. Mais c’est pour changer la donne et envoyer un signal fort aux autorités de Bamako. 
Le pouvoir au Mali pourra-t-il faire face à ces décisions sur la durée ?
Normalement, ces sanctions doivent avoir une durée limitée pour permettre à la junte malienne de revenir avec un calendrier plus en phase avec la demande de la Cedeao. Seulement, en choisissant la limite supérieure, qui équivaut à la durée d’un mandat présidentiel constitutionnel, la junte fait douter profondément même ceux qui voulaient bien lui donner une chance de faire mieux que les gouvernements élus et non élus qui se sont succédé depuis dix ans au Mali. Évidemment non, le pouvoir malien ne pourra tenir sur la durée avec de telles sanctions. A lui de proposer une durée plus appropriée pour la tenue de l’élection présidentielle avec le soutien de la Cedeao car, il faut rappeler, autant aux chefs militaires de Bamako qu’à la Cedeao, que jouer avec l’avenir du Mali, c’est aussi jouer avec la sécurité de tous les pays d’Afrique de l’Ouest. Il est primordial de trouver des solutions de sorties de crises dans la situation actuelle de notre région. 
 FALLOU FAYE

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Publié par

Namory BARRY

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