Locales, les pièges d'une élection

mardi 24 novembre 2020 • 330 lectures • 1 commentaires

Politique 3 ans Taille

Locales, les pièges d\'une élection

PUBLICITÉ

Le report est plus probable. Mais si les Locales, prévues au plus tard le 28 mars 2021, se tiennent à date échue ou au delà, la nouvelle (re)configuration politique risque de tout changer.

Au lieu de dissiper les ténèbres, l’éclaircie est venue assombrir davantage la nuit dans laquelle sont plongées les Locales. Après la prorogation des mandats des conseillers départementaux et municipaux,  élus le 29 juin 2014, et le report des élections à une date ultérieure – un réaménagement qui a fait à l’époque, beaucoup de bruits - le ministre de l’Intérieur avait pris un arrêté fixant la date des prochaines Locales, au plus tard le 28 mars 2021. Une décision qui, même si elle n’avait pas satisfait l’opposition, permettait aux différentes chapelles politiques (pouvoir-opposition et non-alignés) de se retrouver autour d’une table, à travers le Dialogue politique conduit par le Général Mamadou Niang. Seulement, depuis lors, des faisceaux de solutions sont apparus dans le ciel politique, mais l’opacité est restée totale. Aucune date en vue pour la tenue du scrutin. Pis, une nouvelle donne est venue compliquer la situation presque intenable pour les candidats déclarés qui poursuivent, à gros frais, leur campagne politique à la base.

PUBLICITÉ


Le pouvoir en bon pôle, l’opposition «cassée»…

PUBLICITÉ


Avec la reconfiguration du champ politique sénégalais entérinée par le ralliement au camp du pouvoir du Président du Rewmi, Idrissa Seck et du  leader de Suxali Soppi, Oumar Sarr, en attendant l’arrivée annoncée du patron du Grand Parti, Malick Gackou, la majorité présidentielle, dirigée par le chef de l’Etat qui doit décider en dernier ressort, est accusée de faire du dilettantisme. Macky Sall et Cie sont soupçonnés de vouloir reporter la tenue des élections - au plus tôt au mois d’octobre 2021 -  histoire de mieux huiler leur machine électorale déjà super-puissante pour ne laisser aucune chance de (sur)vie à l’opposition et au indépendants qui voudraient leur disputer le contrôle des collectivités locales. Mais la question est de savoir : si jamais il y a report, qui, de l’opposition ou du pouvoir, est en bon pôle de remporter les joutes ?


Même s’il n’entre dans les considérations et accusations politiques entre camps opposés, le professeur de Sociologie politique à l’Université Gaston  berger de Saint-Louis, Ibou Sané, croit tenir la réponse. Il explique :  «Plus on va aller vers les Locales, plus la situation va être compliquée pour l’opposition. Le pouvoir est en train de se massifier. Benno Bokk Yakaar ne s’est pas fissuré depuis 2012, s’est élargi et est en train de ratisser large pour fissurer l’opposition. Le pouvoir avait compris que l’opposition était en train de se mettre en place pour devenir un bloc très puissant, mais il a réussi à casser sa dynamique d’organisation. Que les Locales se tiennent à date échue ou qu’elles soient reportées, c’est à l’issue des jeux d’alliances, qu’on pourra savoir qui, de l’opposition ou du pouvoir, en sortira vainqueur. Mais tout compte fait, le pouvoir a un léger avantage avec ou sans report des Locales.»


Surtout que, par le biais de calculs politiques, le chef de l’Etat a réussi à se payer les plus «gros poissons» de l’opposition. Des leaders de parti qui, malgré leur «tortuosité» politique, détiennent des bases politiques (re)connues. Des forteresses électorales que la coalition Benno Bokk Yaakaar a toujours peiné à gagner et qui, selon un report de voix qui est loin d’être évident, vont tomber aux prochaines élections dans l’escarcelle du Pouvoir. Idrissa Seck, ancien Premier ministre et leader du Rewmi, n’a toujours pas perdu sa main mise à Thiès ville. A Dagana, ancien Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds), Oumar Sarr garde toujours sont empreintes. Pressenti pour rejoindre la majorité présidentielle, l’actif de Malick Gakou dans la banlieue où il est perçu comme un «bon samaritain», serait largement positif. 


Le Frn, Pastef, prêts pour le combat électoral


Mais, malgré l’amputation de certains de ses membres, le Front de résistance national (Frn) affûte ses armes. La structure qui regroupe l’opposition significative n’a pas encore dit son dernier, malgré les «manigances» du camp du pouvoir. Elle se dit même prête à briguer le suffrage des Sénégalais au mois de mars prochain. Parce que pour le Frn, il est hors de question de repousser à nouveau les Locales. «Pour nous, le report doit être une exception. Les élections locales devraient être tenues à date échue, au mois de mars 2021, comme le prévoit la loi. Et jusque-là, nous n’avons pas été saisis pour un éventuel report des élections départementales et municipales. Nous avons mis en place un comité de suivi de la Commission du dialogue politique parce qu’il y a des questions qui sont pendantes, notamment le choix des personnalités en charge des élections, l’audit du fichier électoral, la caution pour les Locales, les Législatives et la Présidentielle. Mais déjà, l’Usaid a commis un Cabinet qui doit lancer un appel d’offres pour engager un autre cabinet qui devra s’occuper de l’audit du fichier et faire l’évaluation du processus électoral», explique Moctar Sourang, coordonnateur du Frn. Chez les Patriotes de Ousmane Sonko, la formation politique arrivée troisième lors de la dernière Présidentielle, c’est le branle-bas de combat. «Impensable» de suivre le pouvoir dans ses «calculs politiques». El Malick Ndiaye, secrétaire national à la communication de Pastef : «Les élections devraient être tenues à date échue. Notre parti est contre tout report des élections.»


Mais, selon le professeur Ibou Sané, le problème de l’opposition se pose en termes de leadership. «Une élection locale est différente d’une Présidentielle, parce que c’est le candidat du quartier qu’on essaie de promouvoir. Mais il se pose un problème de leader. Aujourd’hui, la grande équation de l’opposition, c’est de trouver sa locomotive, la personnalité capable de mobiliser tous les opposants autour de sa personne. Il y a beaucoup de centres dans l’opposition et chaque opposant prêche pour sa chapelle, au point de renforcer le camp du pouvoir. Wade voudrait que la construction de l’opposition tourne autour du Parti démocratique sénégalais (Pds). Alors que Ousmane Sonko souhaite qu’elle se construise autour de sa personne», explique le l’enseignant en sociologie politique. Histoire de rappeler à l’opposition que désunie, le pouvoir ne fera d’elle qu’une bouchée aux prochaines Locales, que les élections soient tenues à date échue ou pas.


NDIAGA SYLLA, EXPERT ELECTORAL : «On est dans l’impossibilité de tenir les Locales à date échue»


C’est un avis de spécialiste. Une sorte de profession de foi d’un expert. «On est dans l’impossibilité de tenir les Locales à date échue», signe et persiste Ndiaga Sylla. Pour l’expert électoral, ces joutes qui prennent en haleine toute la classe politique sénégalaise, ne pourront pas se tenir au plus tard le 28 mars 2020, comme arrêté par l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Il liste les raisons : «Il y a un certain nombre de préalables qui n’ont pas été satisfaits. Il va falloir d’abord attendre que l’audit du fichier, qui doit durer au moins 4 mois, puisse démarrer. Après cette phase, il semble plus logique d’entamer la révision des listes électorales qui est une obligation, aux termes de la loi électorale pour prendre en charge les Sénégalais qui n’avaient pas atteint l’âge de voter.» Cet avis de l’expert est conforté par les «recommandations» du Général Niang et de ses collaborateurs qui, en conclave des mois durant, n’ont pu régler la lancinante question de l’audit du fichier électoral, celle du bulletin unique et la désignation des personnalités en charge des joutes. Des questions en suspens qui risquent de proroger la date de tenue des élections locales calée dans cinq mois.


Environ un million de nouveaux électeurs attendus !


Selon l’expert électoral Ndiaga Sylla, si jamais il y a une révision électorale, c’est environ un million de nouveaux électeurs qui sont attendus. Un important poids électoral qui va s’ajouter au bassin électoral déjà existant. «Statistiquement, le Sénégal atteint chaque année environ 400 000 citoyens ayant la majorité électorale. Et si on considère que depuis la dernière révision électorale précédant l’élection présidentielle de 2019, on n’a pas fait de révision électorale, la nouvelle révision devra prendre en charge tous ces jeunes devenus de potentiels électeurs. Ce qui peut avoisiner le million d’électeurs, en plus des Sénégalais qui sont déjà dans les listes électorales et qui voudront modifier leur adresse électorale», chiffre Ndiaga Sylla. Et pour éviter les écueils qui escortent souvent les joutes au Sénégal, il faut, selon lui, prévoir au moins une période de 10 mois au minimum, avant la tenue des élections. Afin d’évaluer le fichier électoral et de réviser le processus électoral.


IBRAHIMA KANDE

Cet article a été ouvert 330 fois.

Publié par

Namory BARRY

admin

1 Commentaires

Je m'appelle

Téléchargez notre application sur iOS et Android

Contactez-nous !

Ndiaga Ndiaye

Directeur de publication

Service commercial