Macky Sall et la diplomatie du vaccin à Banjul et Bissau

En relations internationales, la notion de leadership a bien un coût. Et l’exercice du leadership est un processus plus qu’une donnée stable et durable. Il s’apprend ou se renforce par l’épreuve. Cela, le président de la République, Macky Sall, l’a bien compris. Depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Macky Sall joue la carte de la diplomatie avec ses voisins. Un jeu qu’il semble bien réussir avec ses frères chefs d’Etat de la Gambie et de la Guinée-Bissau. Et le dernier acte posé est le don de 20 000 doses du vaccin anti-Covid de la firme chinoise Sinopharm à la Gambie et à la Guinée-Bissau. Mais qu’est-ce qui expliquerait cette offensive diplomatique du Sénégal dans la sous-région, au moment où le pays peine à acquérir suffisamment de doses pour sa population ? Qu’est-ce que le Sénégal y gagne réellement ?
Spécialiste des relations internationales, Aly Fari Ndiaye indique d’emblée qu’en diplomatie, les Etats ont toujours privilégié ce qu’ils considèrent comme des alliés ou des amis. Et tous ceux qui veulent affirmer un leadership régional ou sous-régional sont obligés de s’appuyer sur un certain nombre d’amis. Si on prend l’exemple du Sénégal, Aly Fari Ndiaye fait savoir que le Président Macky Sall a réussi un grand coup diplomatique avec ses voisins, surtout la Gambie et la Guinée-Bissau. D’après le spécialiste des relations internationales, la Gambie avec le Président Adama Barrow et la Guinée-Bissau avec Umaro Sissoco Embalo, sont sous le magistère du Président Macky Sall, passées de stade d’ennemis du Sénégal à alliés et amis du Sénégal. Pour lui, tous les problèmes que le Sénégal a eus au Sud du pays ont été en partie dus au pouvoir de Yahya Jammeh qui était moins coopératif et à la Guinée-Bissau qui étaient considérées comme les arrières bases des rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). «Après que Macky Sall a aidé Barrow et Embalo à s’installer au pouvoir, qui sont devenus des amis du Sénégal et qu’il les considère même comme ses petits frères, il est impératif que le Sénégal tienne compte du souci de ces deux pays-là pour affirmer son leadership dans la sous-région. C’est pourquoi l’acte que le Président Macky Sall a posé avec les vaccins, va participer à montrer à ces deux pays, que le Sénégal ne peut pas les laisser en rade. Et qu’ils peuvent compter sur le Sénégal dans n’importe quelle situation», explique-t-il.

«Macky cherche à renforcer son leadership dans la sous-région»
Aly Fari Ndiaye souligne ainsi que le contexte a fondamentalement changé avec le Président Macky Sall, ce qui fait que l’axe Dakar-Banjul-Bissau est devenu extrêmement fluide. Mais pour Aly Fari Ndiaye, cela a un coût et le Président Macky Sall a besoin de montrer son affection et son attachement à ses deux pays alliés pour mieux affirmer son leadership. Un leadership que Barrow et Embalo ont accepté en se proclamant même d’être les «petits frères» de Macky et ils voyagent souvent avec lui. Aujourd’hui, si on reconsidère la sous-région, la Gambie et la Guinée-Bissau qui étaient traditionnellement des pays «ennemis» du Sénégal, sont devenus les véritables amis du Président Macky Sall. Il faut donc aider ces pays avec la diplomatie médicale en cette période de crise sanitaire, à disposer de doses pour se lancer dans une campagne de vaccination comme les autres Etats du continent. Aly Fari Ndiaye : «Le Président Macky Sall a besoin de renforcer son leadership au moment où les autres pays frontaliers (Mali, Mauritanie et Guinée Conakry) ne sont pas tout à fait amis avec le Sénégal. Le Sénégal est dans une position où il a besoin de continuer à avoir des alliés et d’affirmer son leadership dans la sous-région. Aujourd’hui, le Sénégal est dans une situation économique, politique, géographique et militaire incontournable dans la sous-région. Les pays frontaliers doivent voir la sous-région telle qu’elle est et pas comme elle doit être.»
Cependant, pour Aly Fari Ndiaye, la Gambie et la Guinée-Bissau ont des intérêts qui sont fondamentalement liés avec ceux du Sénégal. Donc, c’est une situation «win-win (gagnant-gagnant)». «Le Président Macky Sall va renforcer son leadership dans ces deux pays et cela lui permettra de stabiliser le sud du Sénégal. Barrow et Embalo ont aussi besoin du soutien du Sénégal pour affirmer leur leadership parce que chacun d’entre eux à des problèmes internes. A tort ou à raison, ils ont besoin du Sénégal pour étouffer ou supprimer des contestations internes. Barrow veut une réélection, il doit jouer habilement la question des relations avec le Président Macky Sall. Et il a besoin de l’appui du Sénégal pour affirmer son leadership. Le Président Embalo, aussi, a besoin du soutien du grand frère qui le protège. Donc, c’est une situation où chacun gagne», dit-il. Non sans faire savoir que Macky est dans une bonne approche diplomatique avec ces deux pays. «Aujourd’hui, le Sénégal a deux alliés stratégiques qui acceptent le leadership du pays et de son Président. Donc, il est impératif que le Sénégal aide ces chefs d’Etat-là à sentir que dans cette relation chacun y a son intérêt», ajoute-t-il. Aly Fari Ndiaye précise cependant que le prix du leadership sera toujours coûteux pour le Sénégal, mais il est bénéfique dans le moyen terme.
FALLOU FAYE