Premier comptoir arachidier du Baol : Ndoulo, un joyau en décadence

samedi 30 janvier 2021 • 380 lectures • 1 commentaires

Économie 3 ans Taille

Premier comptoir arachidier du Baol : Ndoulo, un joyau en décadence

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Jadis, premier comptoir arachidier du Baol, Ndoulo, commune d’arrondissement nichée dans le département de Diourbel, a perdu, aujourd’hui, de son lustre. Reportage.

L’escapade commence à l’entrée de la commune. Nichée dans le département de Diourbel, à 15 km de la ville du même nom, la commune de Ndoulo, chef-lieu d’arrondissement, s’arrache doucement d’un difficile sommeil. Hormis les ronronnements des véhicules qui fréquentent cette localité traversée par la Rn3, Ndoulo baigne dans un calme plat. La localité tombée aujourd’hui dans l’anonymat, était jadis un lieu célèbre et célébré pour son comptoir arachidier. Le premier du Baol. Au temps des colons, cette localité était aussi traversée par le chemin de fer en allant vers Touba. La gare, dont les bâtiments sont aujourd’hui en état de délabrement très avancé, était le point de convergence de toutes les activités économiques. En ce lieu, le commerce de l’arachide était la principale attraction avec le «Séko», point de collecte et de vente des graines d’arachide, logé à 200 mètres de la gare. En tôle sur une fondation cimentée, les herbes la ceinturent en fines lianes grimpantes sur le toit, la porte cadenassée avec une chaîne mangée par la rouille montre visiblement que ce point de collecte est à l’agonie. A quelques mètres, un autre bâtiment construit en dur, mais aujourd’hui laissé à l’abandon, témoigne de la belle époque du temps des colons. Mais aujourd’hui, un seul point de collecte de cette spéculation, situé en face de la route nationale, à proximité de la gendarmerie, capitalise toutes les convoitises. A 200 mètres de la route nationale sur la piste rurale allant vers Gossas, deux baobabs surplombent la concession de Ousseynou Ndiaye faite de cases et d’un bâtiment dont les travaux sont à l’arrêt depuis plus de 6 ans. 

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«Les marabouts et les fonctionnaires sont les principaux responsables de l’état de décadence de Ndoulo»

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Ousseynou Ndiaye, 82 ans, s’extirpe difficilement d’une des cases. Vêtu d’une tunique bleue sur un pantalon bouffant, Ousseynou Ndiaye n’a pas encore pris sa retraite, malgré son âge très avancé. Il est le chef de village de Thiaré Ndiaye, un patelin fondé vers les années 1800 par Bara Ndiaye, frère paternel de son père. Pour avoir grandi dans la contrée, l’homme est un patrimoine vivant de l’histoire de Ndoulo. «Autrefois, à Ndoulo, il y avait les Maures de Beyrouth, les colons et l’économie marchait à merveille, surtout avec l’arachide», embraie Ousseynou Ndiaye. Qui poursuit : «Au temps, les semences étaient acquises sous forme de prêt. Certains repartaient avec une tonne, d’autres avec la moitié (500kg), d’autres avec 150 kg, ainsi de suite. Bref, chacun recevait la quantité de spéculations qu’il pouvait cultiver. Mais cela n’est plus d’actualité. La faute aux fonctionnaires et aux marabouts. Ousseynou Ndiaye : «Ndoulo n’est plus ce qu’il était. Et les marabouts et les fonctionnaires sont les principaux responsables de cet état de décadence. Ils prenaient à crédit 3 à 4 tonnes d’arachides, mais ils ne remboursaient jamais leurs graines.». Assis par terre, les jambes étalées sur le sol de sa case qui lui sert de dortoir, le vieux cultivateur s’adosse à son lit en fer sur lequel est déposé un matelas en paille. «Seuls les besogneux paysans s’acquittaient à temps de leur dette. Au fil du temps, ces paysans n’avaient plus de semences à cause des marabouts et fonctionnaires qui ne s’acquittaient pas de leur dette», dénonce-t-il. Malgré son âge avancé, le vieux Ousseynou Ndiaye continue d’aller aux champs pour cultiver son quota de 12 kgs de semences, alors que dans sa jeunesse, Ousseynou pouvait en cultiver jusqu‘à 350 kgs. Une activité qui lui permet aujourd’hui de subvenir aux besoins de sa famille.


Le fin stratagème des paysans pour échapper à leurs créanciers 


Si les fonctionnaires et les marabouts sont mis au banc des accusés, ils ne sont pas les seuls «coupables». Les paysans aussi profitaient de la jurisprudence «dégâts» pour se défiler. Ousseynou Ndiaye : «Si un paysan subissait des dégâts dans son champ l’empêchant de rembourser, les autres en profitaient, arguant qu’ils avaient subi le même sort.» Une ruse qui a longtemps fait le bonheur des cultivateurs au détriment du comptoir arachidier. Perché sur son mètre 75, corpulence moyenne fourrée dans une djellaba grise, Cheikh Diouf dit Diadia sort de sa cantine en zinc en face de la route nationale n°3 (RN3). Agé de 68 ans, casque de cheveux blancs sous un bonnet, l’homme, marié et père de 7 enfants, paraît pressé. Mais à notre interpellation, visiblement très intéressé par le sujet, il prend la pose et en rajoute une couche : «Au temps, les paysans remboursaient de façon responsable, leur prêt. Mais avec le temps, profitant du fait que les plus grands débiteurs se débinaient quand il s’agissait de payer leur dette, ils ont, eux aussi, trouvé la parade. Ils prétextaient que leurs champs étaient frappés par une catastrophe et en profitaient pour se débiner. Les autres s’appuyaient sur ce prétexte pour échapper, à leur tour, au glaive du créancier.» Fils du premier autochtone dont le commerce rivalisait avec celui des Maures du Beyrouth à Ndoulo, Diadia Diouf a travaillé pendant 7 ans dans les points de collecte et traite d’arachide entre 1970 et 1977. Il poursuit : «Ils arguaient que si une telle personne ne peut pas s’acquitter de sa dette, il en sera de même pour tous les autres car ils peuvent tous subir le même sort.» Etant donné que les fonctionnaires et les marabouts ne remboursaient jamais les graines «empruntées» et que personne ne les obligeait à payer leur dû, les paysans ont adopté eux aussi ce stratagème. «C’est l’une des principales causes qui ont précipité la mort de ce comptoir arachidier», a regretté Cheikh Diouf. Inconsciemment ou pas, ces paysans ont aussi fortement contribué à la perte de ce joyau que constituait Ndoulo. Très nostalgique de cette belle époque, Cheikh Diouf souligne : «Jadis, dans un couple, l’homme recevait 100 kg de graines d'arachide et sa femme la moitié (50 kg) et là, le remboursement se faisait rapidement parce que le rendement suivait. Hélas ! Ce n’est plus le cas de nos jours. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’un père de famille peut faire avec 6 à 8 kg de semences de graines d’arachide ? Ce sont des broutilles et la culture de l’arachide en pâtit grandement.» Au grand dam de la bourse du besogneux paysan.
SAËR SY

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Publié par

Namory BARRY

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