Seybatou Boye alias Thieck (lutteur) : "Ce qui m'a poussé à arrêter la lutte"

mardi 15 décembre 2020 • 974 lectures • 1 commentaires

Sports 3 ans Taille

Seybatou Boye alias Thieck (lutteur) : \

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Perdu de vue depuis qu’il a anticipé sa retraite de la lutte avec frappe, Thieck s’explique dans cet entretien. L’ancien de l’écurie Pikine Mbollo, et ex-bodyguard du footballeur El Hadji Ousseynou Diouf raconte sa vie d’agent de service à la Cour des comptes.

Que devenez-vous depuis que vous avez pris votre retraite de la lutte avec frappe ?

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J’ai pris ma retraite anticipée en 2016. Après avoir effectué le pèlerinage à la Mecque, j’ai décidé de ne plus lutter. Mon statut de Hadj ne me permettait plus de me déshabiller devant des milliers de personnes. Du moins, j’ai demandé conseil à plusieurs personnes qui m’ont unanimement conforté dans ma décision de mettre fin à ma carrière de lutteur. Pour moi, c’est une grande bénédiction d’avoir effectué le pèlerinage aux lieus saints de l’Islam en tant que jeune. La meilleure façon de rendre grâce à Dieu, c’est de ne pas ternir l’image de Hadji en me mettant en «Nguimb» (pagne noué autour des reins). 

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Tout a été planifié, le pèlerinage, la retraite ?


J’étais à la fois lutteur et agent de la fonction publique. Dans notre service, chaque année, on choisit un nombre de personnes qui vont aller faire le pèlerinage. Dieu a fait que j’ai été choisi en 2016. Revenu de la Mecque, j’ai pris ma retraite de la lutte.


Comment êtes-vous devenu agent de la fonction publique ?


J’ai intégré la fonction publique depuis 2005, j’étais déjà lutteur depuis 2003. J’ai été recruté comme agent de service à la Direction générale de la fonction publique, avant d’être affecté à la Cour des comptes où je suis actuellement.


Comment alliiez-vous la lutte et la fonction publique ?


Si on donne à chaque chose son temps et si on ne mélange pas les rôles, on peut allier les deux facilement. J’avais des heures de travail et des heures pour l’entraînement. Quand je préparais un combat, mes patrons me donnaient des jours de congé. Ce traitement de faveur m’a vraiment permis de jongler entre les deux. Surtout que quand on me recrutait dans la fonction publique, on me savait déjà lutteur. Mes patrons n’ont jamais essayé de me mettre la pression, au contraire ils m’ont toujours soutenu. Je rends grâce pour ça.


Comment se comportaient vos collègues au bureau les lendemains de vos combats ?


Le plus naturellement du monde. Ça n’a jamais été des moments exceptionnels pour mes collègues parce qu’ils sont habitués, ils ont su faire la différence entre le lutteur que j’étais et le collègue, l’agent de service. Si vous faites allusion aux moqueries des lendemains de défaites, sachez que mes collègues ont toujours été cool avec moi. Ils me réconfortaient quande défaite et m’encourageaient, me félicitaient les lendemains de victoire. C’est la loi du sport. Parfois on gagne, parfois on perd et ça mes collègues le savent. 


On vous connaissait bodyguard également. Faites-vous toujours ce métier ?


C’est vrai que j’ai été un moment agent de sécurité. Je le faisais parallèlement à ma carrière de lutteur, mais ce n’était pas mon job. J’ai été le bodyguard de mon ami El Hadji Diouf. Je gérais sa sécurité à chaque fois qu’il venait au Sénégal passer ses vacances. Donc je n’étais bodyguard que quand El Hadji Diouf était au Sénégal. Je n’ai pas bossé dans les boîtes de nuit, comme on peut le penser. 


Quatre ans après la retraite anticipée, ne regrettez-vous pas la lutte ?


Je ne regrette rien, j’ai fait la carrière qu’il fallait et j’ai mûrement réfléchi avant d’y mettre un terme. Je suis un sportif dans l’âme, j’ai eu la chance de faire une carrière honorable. Je n’étais pas le meilleur de ma génération, mais j’ai eu la chance de faire partie des lutteurs les plus populaires et qui ont plus ou moins tiré leur épingle du jeu. Aujourd’hui, je “consomme” ma retraite sans regret. D’ailleurs, j’ai intégré le groupe des sages de la lutte constitué d’anciens, comme Moustapha Guèye, Birahim Ndiaye, entre autres. C’est un groupe qui est mis en place pour aider la lutte et nos jeunes frères encore en activité. Je suis toujours dans le milieu, même si je ne suis vraiment plus dans l’arène.


Si vous regardez dans le rétroviseur que retenez-vous de votre carrière ?


Beaucoup de choses. Je retiens que j’ai été un privilégié dans ma carrière de lutteur. C’est vrai que j’ai rampé pour arriver au haut niveau, mais j’ai aussi eu la chance de faire partie des grands noms de la lutte avec frappe sénégalaise. Je rends grâce à Dieu. Je n’étais pas le plus doué de ma génération à Pikine Mbollo, mais je suis arrivé à un niveau que ceux qui avaient plus de qualités n’ont pas atteint. C’est la volonté divine. C’est pourquoi d’ailleurs quand Dieu m’a donné l’occasion d’effectuer le pèlerinage, j’ai bien voulu rendre grâce en mettant un terme à ma carrière.


Quelle est la victoire qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?


Dans une carrière, toutes les victoires sont importantes. Toutes les victoires marquent forcément. Après, il y en a qui marquent plus. Moi je ne veux pas citer une victoire parmi d’autres. C’est la même chose pour les défaites. Il y a des défaites qui font mal parce qu’on ne voit pas pourquoi on a perdu. C’est comme ma défaite face à Abdou Diouf. Je ne veux pas en parler comme si c’est pour saboter sa victoire, loin de là, mais c’est des défaites comme celle-là qui peuvent faire mal. C’est moi qui ai déclenché la bagarre, j’ai mis mon adversaire en mal et c’est moi qui tombe sans comprendre. C’est frustrant sur le coup, mais après quand tu remets tout dans le cadre de la volonté divine, tu ne peux pas, des années après, dire que cette défaite fait mal. C’est toutes les défaites qui font mal d’ailleurs. 


Pour résumer, toutes les victoires m’ont plu et toutes les défaites ont été désagréables, mais j’ai accepté.


Il se dit que la défaite contre Abdou Diouf vous a tellement fait mal que vous avez décidé d’arrêter votre carrière...


Non ! Après cette défaite, j’avais décroché un autre combat contre Lac Rose qui n’a jamais eu lieu parce que le promoteur n’avait pas pu finaliser. Sinon j’allais affronter Lac Rose parce que j’avais bien accepté cette défaite pour avancer. Malheureusement, ce combat n’aura jamais lieu, entre-temps, je suis allé faire le pèlerinage à la Mecque et j’ai arrêté ma carrière à mon retour.


Quelles sont vos activités actuellement ?


Cour des comptes me permet aujourd’hui de prendre en charge ma famille. Je mène aussi d’autres activités qui peuvent me rapporter de l’argent. Si je n’avais que la lutte comme gagne-pain, je serais dans des difficultés aujourd’hui.


Votre parcours devrait sensibiliser les jeunes lutteurs sur la nécessité d’avoir un métier à côté du sport ?


Je ne cesse de sensibiliser les jeunes lutteurs sur le fait qu’il faut toujours avoir un métier à côté parce qu’on ne peut pas tous réussir dans la lutte. Il est impératif d’avoir un métier pour éviter de ne compter que sur le sport qui peut nous jouer un mauvais tour à tout moment. 


Aujourd’hui, la lutte traverse une situation très difficile. Déjà, on était dans une crise sans précédent et voilà que la Covid-19 est venue compliquer les choses. Espérons que la compétition reprenne bientôt. Mais pour que la lutte retrouve son élan et son allant, il faut que les sponsors reviennent. Ce qui est en train de se passer doit éveiller les lutteurs. Rester deux ans sans combat, c’est une catastrophe pour un athlète. J’exhorte les jeunes lutteurs à allier sport et métier.


IDRISSA SANE

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Publié par

Namory BARRY

admin

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