Sonko-Adji Sarr, les victimes collatérales : Plus de 2 mille emplois suspendus à Total

jeudi 25 mars 2021 • 1317 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

Sonko-Adji Sarr, les victimes collatérales : Plus de 2 mille emplois suspendus à Total

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Il y a les morts et les mutilés. Il y a aussi ceux-là chez qui, les manifestations pour la libération du président du parti Pastef/Les patriotes, Ousmane Sonko, mouillé dans une affaire de mœurs par la masseuse Adji Sarr, ont fait naître un véritable crève-cœur. Non pas parce qu’ils ont été physiquement atteints, mais leur peine est morale. Elle prend sa source à la suspension de leurs emplois. 

Le tort est énorme. La souffrance est choquante. L’affaire Ousmane Sonko/Adji Sarr continue de briser les cœurs. Dans tous les foyers du Sénégal ou presque. Tellement ses conséquences ont affectés une bonne partie de  Sénégalais et créées des misères dans certains ménages. Son sommeil est devenu léger, pour ne pas dire carrément perturbé. Parce que dans l’esprit de Ibrahima Fall s’agitent plusieurs équations. Des questions encore sans réponses. Des chefs de famille à qui il cherche à tendre la perche, sans savoir pour le moment, comment y parvenir. Ibrahima Fall est le Secrétaire général de l’Association des gérants de stations-services au Sénégal. L’histoire de l’un de ses agents l’a ému et saisi. Il rapporte : «Récemment, un pompiste m’a appelé, et m’a dit : ‘’Mon père est à la retraite, je n’ai que des sœurs. Personne ne travaille chez moi. Je suis le seul bras dans cette maison. Qu’est-ce que je vais devenir ?’’. Voilà quelqu’un qui m’a empêché de dormir pendant presque deux ou trois jours, parce que je n’ai pas de réponse.» A son image, nombreux sont les employés de stations-services qui sont sans emploi depuis deux semaines maintenant. Ils subissent les dégâts collatéraux des manifestations pour la libération du leader de Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, arrêté le mercredi 3 mars dernier, pour «troubles à l’ordre public» et «participation à une manifestation non autorisée», alors qu’il se rendait à sa convocation dans le cadre d’une plainte pour ‘’viols répétés et menaces de mort’’ déposée par la masseuse Adji Sarr, âgée de 20 ans.  Son placement sous mandat de dépôt installe durant cinq jours, un violent vent de contestation contre le pouvoir en place. A côté des souteneurs du député, protestent aussi des Sénégalais aigris par la crise économique provoquée par la pandémie à Coronavirus et les mesures restrictives de l’autorité étatique, en l’occurrence le couvre-feu (qui a été finalement levé le 19 mars dernier). Tous expriment leur colère dans la rue. Le climat devient délétère. Des rassemblements et scènes de guérillas urbaines sont observés dans presque toutes les régions du Sénégal, notamment à Dakar, la capitale sénégalaise, Thiès, Ziguinchor et Saint-Louis. Les mouvements de contestation ont occasionné plusieurs dégâts. Des véhicules brûlés, des services de l'Etat mis à sac, des sièges de médias saccagés, des magasins pillés et dévalisés, des infrastructures endommagées, des supermarchés et stations-services vandalisés et dévalisés, des boutiques incendiées. Les séditieux qui ont principalement ciblé les magasins Auchan en ont endommagé une vingtaine, d’après les responsables de l’entreprise. Les destructions ont aussi touché le milieu du pétrole. Plusieurs stations-services ont été saccagées lors de ces violentes manifestations. Elles se chiffrent autour de 75. Dans ces deux secteurs, l’emploi souffre terriblement, selon Cheikh Diop, Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs/Forces du changement (Cnts-Fc). «Dans le secteur du commerce, plusieurs emplois sont suspendus dans les grandes surfaces», a-t-il indiqué. 

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Des pertes d’emploi chez des prestataires et des perturbations dans le déplacement
Si on se fie aux estimations des acteurs, les impacts sur les emplois sont moins importants dans le commerce que dans le secteur du pétrole. Pour ce qui concerne Auchan, principale cible des manifestants, aucun emploi permanent n’est pour le moment perdu, rassure le délégué général du personnel de Auchan, Abou Sow. «Une partie des agents des magasins qui ont été endommagés ont été envoyés dans les autres magasins, d’autres ont été envoyés en congés. Pour le moment, aucun contractuel n’a été licencié. Les licenciements concernent ceux qui n’étaient pas sous contrat», explique-t-il. Papa Ndéné Ndao, délégué du personnel Auchan de Zac Mbao de préciser que «les prestataires qui ont été libérés sont des agents de sécurité».
Dans un entretien qu’il avait accordé à L’Observateur, le responsable de la Communication de Auchan Sénégal avait précisé que l’un des objectifs de la direction est de conserver les emplois. «Auchan ne va pas créer de chômeurs. Tous les emplois seront conservés. Nous allons dispatcher les équipes en fonction des besoins des magasins en appui, en attendant que les autres soient rétablis», avait-il rassuré. Papa Ndéné Ndao, délégué du personnel de Auchan Zac Mbao, confirme : «Le personnel qui était dans les magasins saccagés a été ventilé à l’Hypermarché Auchan de Mermoz et à l’entrepôt. D’autres ont été détachés dans les autres magasins. Ceux qui étaient dans le grand magasin saccagé à Mbour ont été détachés à Saly Center et Saly City.» Même si le redéploiement a permis aux travailleurs de conserver leurs emplois, il n’est pas de tout repos. Domicilié à Sicap Mbao, Papa Ndéné Ndao n’avait au temps besoin que d’une trentaine de minutes pour arriver à son lieu de travail, Auchan de Zac Mbao, pour commencer le service à 6 heures du matin. Mais depuis qu’il a été déplacé à Hypermarché Auchan de Mermoz, il est tenu de sortir de son lit beaucoup plus tôt que d’habitude. «Je me lève à 4 heures du matin, si je dois démarrer le service à 6 heures du matin. Pour le retour, après six heures de travail, je peux faire deux heures de route», confie l’agent polyvalent de Auchan. Le redéploiement pose beaucoup de problèmes, d’après lui. La difficulté majeure est liée au déplacement des travailleurs qui sont obligés de rejoindre les magasins où les agents sont en service de manière provisoire, avant l’heure de démarrage du service. «Auchan recrutait ses agents à proximité. Nous étions 40 personnes dans le magasin de Zac Mbao. Aujourd’hui, certains agents qui habitent à Zac Mbao ont été redéployés à l’Hypermarché Auchan de Mermoz. Keur Massar, Soprim, c’est loin, mais nous sommes obligés de gérer la situation. On se sacrifie pour ne pas perdre nos emplois. En temps normal, nous n’avions aucun problème parce que nous travaillions près de chez nous. Le déplacement pose problème. J’ai fait la navette Mbao-Mermoz pendant une semaine avant de prendre mes congés», ajoute M. Ndao. 

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Emplois suspendus dans les stations-services
Si beaucoup d’emplois ont pu être sauvés par les entreprises de commerce, ce n’est pas le cas dans le secteur du pétrole où le Secrétaire général de la Cnts-Fc, Cheikh Diop, évalue les suspensions d’emploi causées par les récentes contestations autour de mille. «Ce secteur génère près de 16 000 emplois, rien que pour les stations-services de l’entreprise Total et près de 50 stations Total ont été touchées (sur les 75 endommagées). Si nous avons une moyenne de dix travailleurs par station, vous voyez ce que cela fait. Dans les grandes stations-services, il peut y avoir jusqu’à 20 emplois. Nous avons donc près de 1 000 pertes d’emplois momentanées», poursuit-il. Les chiffres peuvent aller au delà de l’appréciation du syndicaliste. «Chaque station emploie 20 à 25 personnes. Si on multiplie ce chiffre par 75 à 77 stations qui ont été détruites, soutient le Secrétaire général de l’Association des gérants de stations-service au Sénégal, Ibrahima Fall, vous voyez ce que cela fait en termes d’emplois. Les jeunes ne travaillent plus. Vous voyez le stress que cela fait sur le plan psychologique. Je ne parle même pas de l’économie parallèle qui tourne autour des stations-services. Quand la station ne fonctionne plus, non seulement, le gérant arrête ses activités, le personnel ne travaille plus. Il y a aussi une économie parallèle entre ce qui concerne les fournisseurs et les autres activités autour de la station-service. Tout est arrêté. Les gens oublient qu’hormis l’aspect commercial d’une station, elle est un service public. Et nous nous devons de l’assurer, quelle que soit la situation. Nous, nous avons créé des emplois, les gens oublient que nous sommes des Sénégalais. Et d’une façon malencontreuse, ils nous ont fait perdre des emplois. Et c’est désolant. Nous avons tous le droit de manifester, mais faisons-le autrement et ne pas détruire l’outil de travail d’un Sénégalais. Pour le moment, tous ces emplois sont suspendus. Et là, nous attendons que l’Etat réagisse par rapport à cela». Ainsi, au bas mot, c’est 1 500 emplois qui sont suspendus. «Pour le moment, il n’y a pas de renvois, juste qu’ils sont à l’arrêt, en attendant que le gouvernement fasse un effort et qu’on puisse faire le travail correctement», rassure M. Fall. 


«Total a pris l’initiative de remettre des pompes pour au moins essayer de sécuriser les emplois…»
Toutefois, les responsables sont en train de faire des pieds et des mains pour remettre progressivement les travailleurs en service. «Heureusement que la direction de la société Total a pris l’initiative de remettre des pompes pour au moins essayer de sécuriser les emplois. Certains collègues ont repris leur activité, car quoiqu’on puisse dire, Amady Sy, Directeur général de Total, est en train de faire un travail remarquable. Aux dernières nouvelles, 19 stations-services ont déjà repris. La reprise est partielle et concerne juste les pompistes. C’est un effectif réduit, c’est-à-dire le tiers du personnel pour assurer le service public. C’est juste une pompe ou deux pour que le client ne sente pas les difficultés de l’approvisionnement». Si on se base sur les calculs des acteurs, ces emplois risquent de ne pas être rétablis de sitôt. Surtout pour ce qui concerne les services annexes notamment la boutique, la restauration, la caisse et le ménage. «Il y a des stations qui ne vont pas redémarrer maintenant, vu l’état de leur dégradation, il leur faudra du temps», souffle un responsable de l’entreprise Total. «Il faudrait une reprise progressive des boutiques et stations-services. Et cette reprise peut aller jusqu’à quatre ou cinq mois», a laissé entendre Cheikh Diop, Secrétaire général de la Cnts/Fc.
Même si une réelle estimation des dégâts matériels n’est pas encore faite, les responsables de la société Total évaluent à plusieurs milliards les dommages. Les stocks de produits perdus tournent autour de plusieurs centaines de millions.
AIDA COUMBA DIOP

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Publié par

Namory BARRY

admin

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