Thiaroye-Sur-Mer : Maladie des pécheurs, le vrai du faux

jeudi 19 novembre 2020 • 214 lectures • 1 commentaires

Société 3 ans Taille

Thiaroye-Sur-Mer : Maladie des pécheurs, le vrai du faux

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C'est toujours et encore la peur à Thiaroye/Mer où les patients souffrant d'une mystérieuse maladie continuent de prendre d'assaut l'unique poste de santé de la localité. Hier mercredi, ils étaient plus de 200 patients à être recensés en milieu de matinée. Un chiffre revu à la hausse en début d'après-midi avec l'arrivée d'une nouvelle vague de pêcheurs infectés.

Il est 12H30mn hier mercredi, lorsque Djiby Guèye, habillé d'un Jellaba, franchit la porte du poste de santé de Thiaroye/Mer. Soutenu par un ami, la démarche lente, les jambes écartées, ce jeune pêcheur, âgé d'une vingtaine d'années, est précédé par son collègue Ismaëla, une partie du visage recouverte par une serviette ne laissant entrevoir que ses yeux. Tous les deux souffrent terriblement. Si pour Djiby l'infection qui a terrassé plusieurs pêcheurs a atteint ses parties intimes l'obligeant à marcher les jambes écartées, pour son collègue, la maladie mystérieuse lui a presque déformé le visage. Tous les deux empruntent le couloir et manquent de piétiner d'autres pêcheurs assis à même le sol. Lorsqu'ils arrivent enfin à la grande salle d'accueil, attendant leur tour pour voir le médecin, ils se fondent dans la foule d'une cinquantaine de pêcheurs, tous des jeunes qui ont été infectés en mer par cette maladie mystérieuse. Au total, en fin de journée hier mercredi, ils ont été plus de 200 individus, tous présentant les symptômes d'une même maladie, à s'être présentés dans ce poste de santé. Thiaroye/Mer a beau fouillé dans sa mémoire, jamais un tel afflux de malades n'a été noté dans cet unique poste de santé de la localité. Si certains se sont exprimés d'une voix tremblante pour décrire la mystérieuse infection qui les fait tant souffrir. D'autres, entassés dans les couloirs et dans la grande salle d'accueil, préfèrent souffrir en silence. Tous présentaient les mêmes signes : Des boutons sur le visage, des lésions sur les bras, des yeux devenus rouges avec des croutes au coin des paupières. Blottis les uns contre les autres, ils n'hésitent pas à gratter vigoureusement une partie infectée du corps pour soulager une démangeaison. Comment vont-ils s'en tirer ? Vont-ils souffrir davantage ? Quelles seront les séquelles, les boutons vont-ils laisser des cicatrices ? Et si cette maladie gagnait les autres parties de leur corps ? Toutes ces questions se bousculent dans la tête de ces pêcheurs qui, du regard, guettent la parole qui pourrait les rassurer. Cependant, ils vont devoir attendre encore pour avoir des réponses concrètes. Aucun traitement de nature à stopper l'évolution de cette maladie mystérieuse ne leur a été prodigué jusqu’à hier mercredi. «Juste quelques comprimés pour faire baisser la fièvre», rouspète Ndataly Diop alias Pape Fall, membre de l'Union nationale des pêcheurs artisanaux, venu soutenir ses jeunes collègues. Aux premières heures de la découverte de cette mystérieuse maladie, «la dizaine de pêcheurs qui se sont présentés les premiers ont pu recevoir quelques comprimés pour calmer la douleur, mais depuis, face à la forte affluence, le poste de santé fait face à une rupture de médicaments», soutient Pape Fall.

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TEMOIGNAGES.....

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MOHAMED SARR : «En mer à hauteur de Mbour, cela a commencé par un rhume, puis...»


Assis aux côtés de Pape Fall, hésitant entre souffrir en silence et se confier pour atténuer sa douleur, Mohamed Sarr finit par se rappeler ce jour où, en pleine mer, il a contracté cette maladie mystérieuse. Les yeux larmoyants et les lèvres enflées, il confie : «C'était en milieu de semaine dernière, je me trouvais en pleine mer du côté de Mbour, dans une pirogue pour une campagne qui allait juste durer deux jours. J'ai alors commencé à développer un rhum et dès mon retour, je suis allé à la pharmacie pour acheter un médicament. Au soir, tout s'est brusquement accéléré. J'ai eu d'abord une forte fièvre avant de constater l'apparition de boutons sur mes bras, je me suis alors confié à mon frère qui m'a fait remarquer qu'il y avait également des boutons sur mon visage. J'étais paniqué et pendant deux jours, je ne suis pas sorti de ma maison d'accueil ici à Thiaroye/Mer. Je précise que je suis de Diogo et je suis momentanément stationné à Thiaroye/Mer que je quitte tous les deux jours pour embarquer dans une pirogue. Lorsqu'aujourd'hui mercredi j’ai appris que plusieurs de mes collègues pêcheurs ont la même maladie, je suis allé au poste de santé après une annonce dans le quartier invitant les malades à se rendre là-bas. Je me suis inscrit sur la liste et j'attends depuis ce matin mon tour pour passer devant le médecin.»


Ndiké Diagne, jeune pêcheur originaire de Diogo : «J'avais les yeux piquants...»


Également surpris par la maladie en pleine mer, Ndiké Diagne, âgé de 23 ans, souffle que tout a commencé lorsque ses collègues et lui ont embarqué dans la même pirogue pour sillonner la mer et ont constaté un changement de l'eau dans l'Océan. «C'était une eau chaude au-dessus de laquelle flottait un liquide visqueux, au moment de remonter nos filets, l'eau nous a presque brûlé le corps puis des boutons ont apparu sur nos bras. En plus, nos yeux sont devenus piquants. Pendant un moment, je n'arrivais plus à bien voir, nous avons alors décidé de rebrousser chemin pour retourner à Thiaroye/Mer.»


Thiaroye/Mer accroché aux résultats des analyses effectuées sur les prélèvements


«Nous attendons les résultats des analyses pour démarrer les traitements.» Hier mercredi, c'est la réponse qu'ont servi inlassablement les médecins du poste de sante de Thiaroye/Mer qui, pour la circonstance, ont revêtu des combinaisons pour se protéger contre une éventuelle contamination. Une réponse qui a fait gronder de colère les patients pressés de recevoir des soins et qui avaient besoin d'être rassurés. Toutes les analyses se font à l’institut Pasteur de Dakar.


53% des pêcheurs infectés sont âgés de moins de 17 ans, un enfant de neuf ans parmi eux


Une feuille à la main pour dresser la liste des pêcheurs venus se faire soigner, le président de l'Unapas a démenti les chiffres livrés par les autorités venues constater de visu l'ampleur de la maladie. Le doigt pointé sur le dernier nom à être couché sur la liste, Moustapha Diop, président de l'Unapas, confie : «En début d'après-midi hier, ils étaient au total 305 pêcheurs à se présenter au poste de santé de Thiaroye/Mer, tous présentant des signes de la maladie.» Un chiffre qui pourrait grimper. Dressant le profil des pêcheurs atteints, Dame Ndiaye, membre du Comité départemental de Pikine pour la protection des enfants, confie qu'après analyse, ils ont été ahuris de constater que «53% des pêcheurs infectés sont âgés de moins de 17 ans et parmi eux, il a été recensé un enfant âgé de 9 ans». Sauf une propagation éventuelle de la maladie dans la commune, aucune femme ne figure sur la liste des personnes infectées.


Un site de recasement des malades…


Présent hier à Thiaroye/Mer pour assurer le suivi des mesures annoncées, peu avant, par le ministre de la Santé, le gouverneur de la région de Dakar qui a constaté de visu le rush des malades, a listé les décisions prises par son département : un site de recasement sera érigé à la Maison des femmes de Thiaroye/Mer pour accueillir les patients avec toutes les commodités, le temps de connaître la nature et l'évolution de la maladie. Pour ce faire : «Des prélèvements ont été faits sur les patients pour s'assurer de l'origine de la maladie et apporter le traitement  qui sied.» De même, en mer, la zone indexée sera localisée avec l'aide des pêcheurs et des prélèvements effectués dans ces eaux pour savoir si elles sont polluées, la nature de la pollution et l'origine. Un comité de crise sera installé pour assurer le suivi, évaluer la situation et proposer des mesures. En attendant, les pêcheurs sont invités à ne plus retourner en mer pour une durée d'au moins trois jours.


MIS EN QUARANTAINE APRÈS L’APPARITION D’UNE MALADIE MYSTÉRIEUSE : Des pêcheurs isolés au Stade Galandou Diouf de Rufisque


Le gouverneur de la région de Dakar, Al Hassan Sall, a décidé de mettre en quarantaine les pêcheurs touchés par la maladie. Ils ont été transférés hier soir au stade Galandou Diouf de Rufisque. 


C’est une situation médicale d’extrême urgence qui impose des mesures drastiques, mais surtout d’agir vite. Très vite. La maladie de type dermatologique, se manifestant par des boutons sur le visage, aux bras, sur les lèvres, sur les parties intimes, ainsi que par des yeux larmoyants, contractée par des pêcheurs partis en campagne, inquiète au plus haut point. Après constat, le gouverneur de la région de Dakar, Al Hassan Sall, a pris les devants pour éviter toute propagation de cette maladie pour le moins mystérieuse. Des pêcheurs touchés par la maladie ont été mis en quarantaine. Ils ont été transférés hier entre 18 heures et 22 heures au Stade Galandou Diouf de Rufisque. «Ils sont à peu près 300 malades qui viennent de Toubab Dialaw, Yenn, Niangal, Ndépé, Ndiokoul Kaw. Ils sont tous des saisonniers et âgés entre 15 et 35 ans. Il y avait le Gouverneur de Dakar, le Préfet de Rufisque et le Médecin-chef du district de Rufisque, Dr Thiam», souffle-t-on. Pour leur transfert au stade, le Gouverneur a mis à la disposition des autorités médicales locales, quatre ambulances. «Des matelas y ont été installés. Le matériel qui a été pris à la maison des éclaireurs, à l’hôpital Youssou Mbargane et des combinaisons y sont acheminées pour le personnel médical. Le stade est sécurisé, seule l’équipe médicale y a accès. Tous les maires des communes et le Conseil départemental de Rufisque sont mis à contribution par le gouverneur», confie notre source. D’ailleurs, l’appel du gouverneur n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le Président du Conseil départemental, Souleymane Ndoye, et le maire de Rufisque-Ouest, Alioune Mar, y ont fait un tour dans la soirée d’hier. Et des autorités municipales de Rufisque ont déjà créé une chaîne de solidarité en apportant des sandwichs aux malades, en attendant la mise en place, par le gouverneur, d’un système assez huilé qui prendra en charge toutes les préoccupations des pêcheurs malades. Même si des investigations sont en cours, pour le moment, les autorités ont privilégié les mesures de sauvegarde. Pour prévenir une situation qui peut s’aggraver, le gouverneur a décidé, en relation avec des techniciens du ministère de la Pêche, de demander à ce que les pêcheurs restent à quai en attendant que le problème soit réglé.


DR MAMADOU NDIAYE, DIRECTEUR DE LA PREVENTION : «Toutes les maladies transmises par des insectes ont été écartées»


Le ministère de la Santé et de l’action sociale est à pied d’œuvre pour trouver l’origine et les causes de la maladie mystérieuse qui frappe des pêcheurs. Après les investigations lancées dès l’apparition de la maladie, les services de Abdoulaye Diouf Sarr ont reçu des résultats partiels qui permettent d’avoir une meilleure lecture de la maladie. S’exprimant dans la soirée d’hier sur les ondes de la Radio Futur Média (Rfm), le Directeur de la Prévention, Mamadou Ndiaye, révèle : «Ce que l’on peut dire pour l’instant, c’est qu’on a écarté les arbovirus. C’est tout ce qui est fièvre jaune, chikungunya, ébola, fièvre vallée du rift etc. Toutes ces maladies transmises par des insectes ont été écartées.» Dr Mamadou Ndiaye assure que des investigations sont actuellement en cours pour avoir d’autres éléments probants, non sans envisager une collaboration avec d’autres secteurs. «C’est un phénomène apparu chez les humains, il faut voir s’il n’y a pas de contamination autour de l’environnement. Rien n’est écarté pour le moment.»


BABA DRAME, DIRECTEUR DE L'ENVIRONNEMENT ET DES ETABLISSEMENTS CLASSES (DEEC), SUR LES PRÉLÉVEMENTS : «La mer, ce n’est pas comme la route, c’est très compliqué»


Au ministère de l’Environnement aussi, les services du Abdou Karim Sall sont d’attaque. Des investigations sont en train d’être menées, même si le directeur de l’Environnement et des établissements classés reconnaît les premières difficultés. «Nous n’avons pas encore d’informations précises. Nous sommes en train de consulter l’ensemble des acteurs étatiques concernés pour voir les dispositions à prendre. La mer, ce n’est pas comme la route. On peut vous dire qu’on a retrouvé le produit à tel endroit, vous y allez, ce n’est pas la même eau que vous allez trouver, parce qu’il y a les courants marins. C’est très compliqué. Nous sommes en train de travailler avec les services du ministère de la Santé pour déterminer les causes de la maladie. Pour le moment, ce ne sont que des hypothèses. Il y a des gens qui disent qu’on a versé des produits par ci, par là. Mais, tant qu’on n’a pas une idée très claire des causes de la maladie, on ne peut pas être précis. Nous prenons les hypothèses au sérieux en attendant, avec tous les services concernés de faire les investigations nécessaires pour voir véritablement si cela est avéré», explique Baba Dramé. Selon lui, à l’heure actuelle, la nature du produit incriminé n’est pas encore déterminée. «Il y a beaucoup de spéculations. Les gens disent qu’il y a des bateaux sauvages qui déversent des produits, mais ce sont des informations que nous n’avons pas encore vérifiées. Un Etat ne peut pas donner des informations non fondées. Pour la pollution maritime, il faut faire des prélèvements et faire des analyses.» Des analyses qui, selon une source au ministère de l’Environnement, ont été confiées à plusieurs laboratoires pour pouvoir faire une confrontation des résultats.


ALASSANE HANNE, CODOU BADIANE

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Publié par

Namory BARRY

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