Toxique et médicinale : Katidianta, révélations sur l’herbe du diable

vendredi 16 octobre 2020 • 3896 lectures • 1 commentaires

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Toxique et médicinale : Katidianta, révélations sur l’herbe du diable

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Rien que son nom pourrait faire froid dans le dos. Herbe du diable ou encore Trompette de la mort, en référence à ses fleurs en forme de trompette, le Katidianta, de son nom scientifique Datura metel, est une plante fortement toxique qui pousse un peu partout au Sénégal. Mais qui, paradoxalement à ses propriétés hallucinogènes, peut soigner de nombreux troubles.

L’histoire appartient à la légende. Elle tient d’un récit d'aventures imaginaires destiné à distraire, à instruire en amusant. L’événement (sur)réel, déformé et embelli par l'imagination, se passe dans un village sénégalais. Dans un de ces bourgades de l’intérieur du pays, dont la chronique populaire ne cite pas le nom. «Il était une fois, raconte-t-on, un père de famille qui a voulu tester les propriétés du Katidianta, cette fleur sauvage que même les animaux refusent de manger. Malgré les mises en garde de ses congénères, l’homme oppose son intention ferme de passer l’expérience. Sans désemparer, il part couper l’herbe, la sèche au soleil pendant toute la journée. Puis, le lendemain matin, devant toute sa famille, il bourre de Katidianta le morceau de papier ciment qu'il a entre les mains. Puis, il roule un grand joint qu’il allume sur le coup.»  Sous l’effet du Katidianta, le père de famille est pris par une drôle d’idée. «Il décide de passer par le toit de sa case en mettant le feu à la paille. Le tout dans le but de chasser le djinn qui a voulu lui voler sa femme», poursuit la légende. Sauvé in extremis des flammes, l’homme est resté plus de 24 h en éveil, avant de rendre l’âme, les yeux gorgés de sang. 

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«La mort par dépression ou arrêt cardiaque»

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Plante herbacée de la famille des Solanacées (Famille du piment, de la tomate, de l’aubergine, de la pomme de terre, des poivrons…), le Katidianta, datura metel de son nom scientifique, est une plante psychotrope, plus puissante que le cannabis, très connue des vendeurs de drogues de toutes sortes, mais presque jamais utilisée dans le trafic. Appelé la fleur du mal ou encore l’herbe du diable, le Katidianta pousse spontanément sur les sols organiques (les décombres, bords de chemins, lieux incultes), dans les terrains vagues à proximité des villages et des agglomérations, sur les décombres et immondices. Il reste extrêmement toxique, et peut provoquer délires et hallucinations. Dans certains pays, il est même recensé par les centres antipoison comme une plante aux propriétés psychoactives, c’est-à-dire qui a un effet qui impacte le système nerveux. Sollicitée par L’Observateur, l’équipe de travail dirigée par le Pr Mame Samba Mbaye, professeur de Botanique au département Biologie végétale de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ucad, est sans ambages. «C’est avec une très grande prudence et même une certaine méfiance que l’on doit l’utiliser en thérapeutique, préviennent le Pr Mbaye et Cie. La plante, en usage interne, est très toxique et peut causer des intoxications graves. En effet, le Katidianta contient des alcaloïdes toxiques au niveau de ses organes et en particulier les feuilles et les graines, dont la consommation peut avoir des conséquences graves dès la première prise, comme le coma ou la mort par dépression ou arrêt cardiaque. Seulement, 4 à 5 grammes de feuilles de Datura peuvent contenir une dose mortelle d’alcaloïdes.» Selon les spécialistes, l’intoxication par Datura se manifeste par la dilatation anormale de la pupille, accompagnée d’hallucinations et de délires, et nécessite un transport d’urgence dans un centre hospitalier.


«Utilisée comme ‘’sérum de vérité’’ dans les interrogatoires»


Mais bien dosé en phytothérapie, le datura peut guérir certains troubles. La plante a des propriétés antiasthmatiques, anti-inflammatoires, anti-diarrhéiques, anti-paralysantes, fébrifuges, hallucinogènes, antiparkinsoniennes, antispasmodiques, antitussifs, narcotiques, bronchodilatateurs, hypnotiques et mydriatiques. «Les feuilles sont utilisées comme application locale pour les gonflements rhumatismaux des articulations, le lumbago, la sciatique, la névralgie, les tumeurs douloureuses, la gale, l'eczéma, les allergies et les inflammations glandulaires, telles que les oreillons, c’est aussi utilisé en externe pour les maux d'oreille, et fumé pour soulager l'asthme spasmodique. Les graines, les feuilles et les racines sont utilisées dans la folie, la fièvre avec catarrhe, la diarrhée, les maladies de la peau et les complications cérébrales.» Elle est utilisée dans le traitement de l'arthrite et peut présenter des activités insecticides, herbicides, anticancéreuses, antiprolifératives, antifongiques, antibactériennes, hypoglycémiques, antioxydantes etc.» Le datura peut aussi être utilisé dans le traitement de l'épilepsie, de l'hystérie, de la folie, des maladies cardiaques et de la fièvre avec catarrhe, de la diarrhée et des maladies de la peau. «En soins de santé primaires, on préconise l’utilisation du Katidianta, si aucun autre médicament n’est disponible et si l’urgence de la situation l’exige.» Pharmacognosiste, le Pr Emmanuel Bassène signale toutefois que l’utilisation directe des feuilles de Katidianta n’est pas recommandée. «La plante est toxique si on utilise directement les feuilles, elle provoque des hallucinations.» Il confirme cependant le potentiel industriel réel de la plante, indiquant que les molécules qui se trouvent dans les feuilles sont utilisées après purification dans plusieurs maladies (ulcères, asthme, mal des transports…). Membres de l’équipe du Pr Mbaye, Dr Abdou Aziz Camara, technicien au Laboratoire de Botanique et biodiversité, et M. Alioune Gaye, Doctorant, s’accordent pour dire que le Katidianta présente un très grand intérêt pharmaceutique, car il est par excellence, la source industrielle de scopolamine et à un degré moindre de hyoscyamine. «Ces derniers sont des alcaloïdes utilisés contre le mal des transports, en ophtalmologie et contre la maladie de Parkinson. Elle est aussi utilisée comme ‘’sérum de vérité’’ dans les interrogatoires spéciaux dans certains pays.»


«Tableau n°1 des drogues au Sénégal» 


«L’utilisateur de Katidianta a plus tendance à se faire du mal à lui-même qu’à la société», relève le Pr Bassène. Néanmoins, le datura metel est bien inscrit au tableau n°1 des drogues au Sénégal. Il fait partie des substances psychoactives prohibées, telles que l’héroïne, la cocaïne, le cannabis, et dont l’usage, considéré comme une infraction, est passible de sanctions pénales. Dans sa politique de lutte contre les drogues, le Sénégal a ratifié la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la convention sur les substances psychotropes de 1971, et la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, des textes de l’Onu qui limitent les usages de substances psychoactives et de stupéfiants à des fins médicales et scientifiques et demandent aux Etats membres de prohiber la production et la distribution pour tous les autres usages de ces substances.


ADAMA DIENG

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Publié par

Namory BARRY

admin

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