Une mafia de la Cocaïne démantelée : le Mbacké-Mbacké, les prostituées et les puces téléphoniques

Pour approvisionner le marché noir, ou pour convoyer leur drogue, en passant entre les mailles des filets des forces de l’ordre, les narcotrafiquants rivalisent d’ingéniosité. En atteste la dernière trouvaille décryptée par les limiers de l’Office central de lutte contre le trafic de stupéfiants (Ocrtis). Pour prendre à défaut les systèmes de contrôle, les membres d’un réseau de narcotrafiquants nigérians, établis dans la capitale sénégalaise, ont choisi d’utiliser un canal régulier de transferts de colis, pour convoyer subtilement des stocks de cocaïne en direction du continent asiatique. Une manie «usitée» qui a fini par être révélée au grand jour, grâce à la vigilance du personnel d’une agence locale de «Dhl» qui a avisé les limiers de l’Ocrtis. Les investigations menées ont permis de mettre le grappin sur les deux principaux organisateurs nigérians de ce trafic.

La chute des deux narcotrafiquants nigérians, plus tard identifiés sous les noms de J. Okonko et O. Dourou, est partie d’un acte posé par O. Dourou, le 13 novembre dernier. Ce jour, Dourou quitte son luxueux appartement dakarois, sis à Ouest-Foire pour une agence «Dhl» de la place où il compte déposer un important colis censé contenir une variété de boubous traditionnels. Arrivé à l’agence, il remplit les formalités d’usage pour faire convoyer son colis en Thaïlande. Tout se passe à la perfection et les agents de la «Dhl» n’y voient que du feu, ignorant royalement que leur client nigérian avait subtilement dissimulé un stock de cocaïne dans des poches discrètes cousues en dessous de l’un des boubous. O. Dourou se frotte les mains, lorsqu’en quittant les lieux, pensant que son colis a été régulièrement enregistré. Neuf jours plus tard (le 22 novembre suivant), Dourou qui s’inquiétait du fait que son colis n’avait toujours pas quitté Dakar, décide d’y voir plus clair, en se présentant encore à l’agence «Dhl» en question. Seulement, il ignorait qu’au cours de contrôles d’usage, l’agence avait décelé le 13 novembre suivant, son manège en découvrant ladite poche secrète à l’intérieur de laquelle, de la poudre blanche suspecte avait été dissimulée. Dourou ignorait également que la poudre blanche en question avait été transmise aux limiers de l’Ocrtis pour authentification. Qu’après vérification, les résultats parvenus du laboratoire d’analyse des drogues de la police, s’étaient révélés être positifs à la cocaïne. 

Le narcotrafiquant nigérian, O. Dourou qui ne se doutait de rien, se présente au guichet pour réclamation. Pour toutes réponses, il a eu droit à une paire de menottes avant d’être embarqué par les policiers de l’Ocrtis qui l’ont conduit à son appartement à Ouest-Foire. Les investigations ont permis d’appréhender un autre élément du réseau, le Nigérian, J. Okonko. Tous deux seront placés en garde à vue, pour association de malfaiteurs, trafic international de cocaïne. 

Comment les narcos et les prostituées flouaient la police à l’aide de puces téléphoniques identifiés sous d’autres noms

En procédant à l’arrestation des deux narcotrafiquants nigérians qui tentaient de convoyer de la cocaïne en Thaïlande, les limiers de l’Ocrtis étaient certainement loin de s’imaginer qu’ils étaient sur le point de démanteler une autre mafia. Il s’agit d’un lucratif marché noir de puces téléphoniques, tenu depuis les Parcelles Assainies par un vendeur de puces bien introduit dans les milieux interlopes dakarois. Un véritable coup qui a permis de tisser un lien direct entre les narcotrafiquants O. Dourou et J. Okonko, deux prostituées bien connues, T. Ndiaye et M. Traoré, et les activités délictuelles du vendeur de puces téléphoniques I. Willane. 

Selon des sources concordantes, c’est en exploitant les contenus des téléphones des deux narcotrafiquants nigérians que les enquêteurs de l’Ocrtis ont relevé que leurs numéros de téléphone ont été identifiés sous le nom d’un Mbacké-Mbacké établi à qui avait perdu sa Carte nationale d’identité. Ce n’est pas tout, puisque les investigations poussées en synergie avec un opérateur téléphonique de la place, ont permis de savoir que la pièce d’identité du Mbacké-Mbacké avait aussi été utilisée pour enregistrer les numéros de téléphone des prostituées T. Ndiaye et M. Traoré. L’enquête mettra hors de cause l’individu en question dont le seul tort est d’avoir perdu sa pièce d’identité, utilisée à des fins délictuelles par le vendeur de puces I. Willane qui collectait des cartes d’identité ramassées. Les limiers de l’Ocrtis vont retrouver un lot important de pièces d’identité et, pour chacun de ces documents, Willane souscrivait au moins trois clients, généralement des suspects évoluant dans les milieux interlopes, voire criminogènes. 

Après avoir mis le grappin sur le vendeur de puces, les limiers de l’Ocrtis ont appréhendé les deux prostituées T. Ndiaye et M. Traoré, le 24 novembre dernier. Une douzaine de puces téléphoniques sont retrouvées par dévers les filles de joie. Les investigations ont révélé que toutes ces puces leur ont été cédées par I. Willane qui a enregistré les numéros sous les noms de tierces personnes. Elles ont été, à leur tour, placées en garde à vue pour usage de données à caractère personnelle. Tout le groupe a été déféré hier vendredi, au parquet du Tribunal de grande instance de Dakar. 

Abdoulaye DIEDHIOU