Enquête - Comptes et mécomptes des victimes d'arnaque à l'amour

samedi 26 septembre 2020 • 359 lectures • 3 commentaires

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Enquête - Comptes et mécomptes des victimes d'arnaque à l'amour

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Ils/elles se sont investi(e)s financièrement et émotionnellement dans une relation amoureuse, pensant avoir rencontré leur âme-sœur, ils/elles vont déchanter. Pressé(e)s comme de vulgaires vaches à lait, ils/elles finiront sur le quai, largué(e)s sans ménagement, pour un(e) autre. 

Suant à grosses gouttes, Fatou Kiné*, une jeune dame de forte corpulence, court dans tous les sens. Habillée d’un pantalon blouson qui tire sur le bleu, un tee-shirt de couleur blanche délavée moulant sa poitrine opulente, elle se lance aux trousses d’une meute de gamins. Très agitée, cette trentenaire de teint clair a la bave à la bouche. Essoufflée à force de poursuivre les enfants, elle s’assoit enfin sur une brique de fortune en face d’une gargote ayant pignon sur rue au quartier Grand Louga, à un jet de pierre du siège de la Senelec. D’un geste brusque, elle arrache avec violence la perruque hirsute qui lui couvre le chef et se met à pleurer comme une madeleine. Visiblement peinée par le triste sort de cette dame qui ne jouit plus de toutes ses facultés mentales, Soukeyna, gargotière et grande amie de Fatou Kiné, les yeux larmoyants, essaye de la réconforter. Elle lui sert une tasse de «café Touba» et un morceau de pain. A peine a-t-elle commencé à manger qu’elle entend, à nouveau, un enfant prononcer à deux reprises le nom d’une dame. Aussitôt prononcé, la dame entre dans un état second. Presque en transe, elle jette à terre la tasse et décide d’en découvre à nouveau avec les insouciants enfants, qui avaient pris goût à ce jeu de course-poursuite. Mais, la gargotière s’y est opposée de toutes ses forces : «Tu ne sortiras pas. Il faut laisser les enfants en paix. Tu ne peux passer tout ton temps à courir derrière eux. Ils ne font que jouer avec tes nerfs», lui conseille la bonne dame, avant de joindre au téléphone un taximan pour qu’il vienne reconduire la dame auprès de ses parents à Keur Serigne Louga. Enfin calmée, la dame obtempère, malgré elle, et accepte de suivre docilement le taximan. Moment choisi par la gargotière pour déverser sa bile sur les hommes. Les principaux responsables du drame qui continue de chahuter l’existence de Fatou Kiné, devenue, aujourd’hui, une loque humaine, des suites d’un profond trauma causé par son ex-conjoint. «Fatou Kiné travaillait comme domestique chez mon oncle pendant de longues années. Elle était très brave. Et lorsqu’elle a été donnée en mariage, elle a rejoint le domicile conjugal. Très entreprenante et prévoyante, elle avait réussi à ouvrir une gargote avec ses économies engrangées durant ses années de travail comme domestique. Ses activités marchaient à merveille.  Très éprise de son mari, elle n’a pas hésité à lui filer toutes ses économies quand ce dernier lui a exposé son rêve d’émigrer en Europe pour y faire fortune afin d’améliorer leurs conditions de vie.» C’était l’acte à ne pas faire. Crédule et très amoureuse, Fatou ignorait qu’elle venait de commettre l’erreur de sa vie. L’époux voyage et à peine quelques années après son installation en Italie, il signifie à Fatou leur divorce. Fatou, jeune femme à la fleur de l’âge, n’a pas digéré l’uppercut. Et comble de malheur, pour faire avaler la pilule à leurs proches, l’époux indélicat prétexte l’infidélité de la dame. C’était la goutte de trop. Fatou n’en est pas sortie indemne. Soukeyna : «Cet homme est un lâche. Il l’a utilisé, a profité de ses maigres économies avant de la larguer comme une vieille chaussette. Fatou a pété un câble. Surtout que quelques mois à peine, après leur divorce, l’époux a convolé en justes noces avec un de ses cousines qui l’avait hébergé en Italie. Fatou a découvert l’imposture, quelques temps plus tard et depuis, elle n’est plus la même. Elle ne s’est jamais relevée de cette déception amoureuse.» Elle sombre dans une spirale insoutenable de dépression, finit par perdre ses facultés mentales et pique des crises incontrôlables dès qu’elle entend prononcer le nom de la femme pour qui son tendre époux l’a répudiée. Sans ménagement, emportant avec lui toutes ses économies, fruit d’un dur labeur durant plusieurs années.

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«Je suis tombé des nues quand j’ai vu sa cousine poster les photos de son mariage avec l’homme qu’elle me présentait comme son cousin»

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A l’image de Fatou Kiné, victime de ce qu’on pourrait appeler une arnaque à l’amour, Abdoulaye Gaye a, lui aussi, perdu la joie de vivre depuis que celle qu’il considérait comme sa promise lui a fait un enfant dans le dos. La quarantaine consommée, l’homme est un émigré établi depuis 2010 en Espagne qu’il a rejoint à force de sacrifices de sa mère. «J’avais terminé mes études et comme je peinais à trouver un emploi stable au pays, ma mère a vendu tous ses bijoux pour compléter mes maigres économies afin de me permettre d’aller faire fortune en Europe pour, en retour, les soutenir.» Contrairement à nombre de ses camarades qui ont choisi les pirogues pour rallier l’Espagne, lui a choisi la voie légale. Il réussit à décrocher une invitation d’un ami émigré depuis 10 ans et installé avec femme et enfants, et réalise son rêve d’ailleurs. Par chance, il décroche un job comme plongeur dans un restaurant et parvient à faire de petites économies. Cinq ans plus tard, la bourse pleine, il débarque au pays en enfant prodigue. Les retrouvailles sont empreintes de chaleur. Abdoulaye fait la fierté de sa mère et distribue les billets à tout va, oubliant les sacrifices consentis au bout de ces cinq dernières années. Un soir, au hasard d’une soirée bien arrosée, il fait la connaissance d’une belle liane. Ce fut le début d’une relation amoureuse enflammée. Laye perd le nord. Aujourd’hui, il s’en remémore, le cœur gros. «Elle était étudiante et d’une beauté à couper le souffle. On a sympathisé et échangé nos contacts. Puis de fil en aiguille, l’amour s’est installé entre nous. Mon séjour a duré trois mois et depuis cette soirée, nous étions devenus inséparables.» Deux mois et demi de roucoulade après, Abdoulaye retourne en Espagne avec la ferme intention d’épouser sa dulcinée qui avait réussi à avoir la bénédiction de la mère d’Abdoulaye, pourtant très exigeante. Les tourtereaux mènent une vie de couple intense. Pour les beaux yeux de sa belle, Abdoulaye ne lésine pas sur les moyens. Rien n’est de trop pour sa dulcinée. Bijoux, habits, argent, cheveux naturels, chaussures, Abdoulaye dépense sans compter. Au grand bonheur de sa belle qui, au pays et à l’insu d’Abdoulaye, ne se privait pas de filer le parfait amour avec un de ses cousins. Le pot aux roses sera découvert par Abdoulaye quelques mois plus tard. Alors qu’il économisait et s’apprêtait à envoyer sa dot, Abdoulaye tombe, au hasard du virtuel, sur une photo. «Je suis tombé des nues. Ma fiancée s’affichait aux bras d’un autre qu’elle m’a toujours présenté comme étant son cousin. C’est sa cousine qui a posté les photos de la cérémonie du mariage sur sa page Facebook. J’étais abasourdi, estomaqué. Je me suis rendu compte que durant tout le temps que je croyais vivre le vrai amour, j’ai été berné sur toute la ligne.» Pis, soucieux d’avoir une explication, Abdoulaye essaie à plusieurs reprises de joindre sa chérie, il tombe toujours sur la boîte vocale. C’est par l’entremise d’un ami qu’il réussira à renouer le contact avec sa belle pour se voir envoyer balader. «Quand j’ai pu enfin la joindre, elle m’a servi qu’elle ne pouvait pas perdre son temps à attendre un homme dont le retour était indéterminé.» Sans plus. Sa belle avait tourné sa page. Pour toujours. 


Seynabou Dème ne sera pas mieux lotie. Commerçante émigrée établie à Madrid, la jeune sénégalaise héberge un compatriote, fraîchement débarqué à la péninsule ibérique. Au fil de la cohabitation, la sollicitude se mue en sentiment amoureux. Plus âgée que son compagnon de quelques années, Seynabou le couve et le couvre d’attentions. «Je m’étais totalement investie dans cette relation, financièrement comme émotionnellement. Je le croyais sincère alors qu’il ne faisait qu’abuser de ma générosité, de mes sentiments et de mon argent. Je ne l’ai réalisé qu’après nos vacances au Sénégal. Il m’a présentée à sa famille, j’en ai fait de même. J’étais aux anges et je me voyais déjà la bague au doigt.» Seynabou va déchanter. Après ses présentations officielles, Seynabou peinera à mettre la main sur son homme. «Il me fuyait, répondait à peine à mes appels et avait pris ses distances avec moi. Je n’en revenais pas.» Jusqu’au jour où elle reçoit un message laconique de son amoureux lui annonçant leur rupture. Seynabou hallucine. Le sol se dérobe sous ses pieds. Le souffle court, la voix cassée, elle hoquète : «J’ai toujours le Sms par devers moi. La nouvelle m’est restée en travers de la gorge. Il a rompu sous le prétexte que j’étais trop vieille pour lui. Disons plutôt que sa famille me trouvait trop âgée, trop vieille pour lui. Sa famille a fermé les yeux sur les grosses sommes d’argent qu’il leur envoyait et qui sortaient de ma poche. J’ai travaillé comme une forcenée pour l’entretenir, lui et sa famille restée au pays, parce qu’il peinait à avoir un job stable. Il leur faisait croire qu’il avait un bon travail en Espagne et que tout ce qu’il leur envoyait sortait de sa poche alors qu’il n’en était rien.» Seynabou n’était pas au bout de sa déconvenue. Quelques mois après la rupture, son fiancé épouse l’homonyme de sa mère, une nymphette pimpante que son amoureux affublait du surnom de «petite maman» et que Seynabou couvrait de cadeau, par égard pour son homme qui a fini par la larguer pour une jouvencelle.  


«Ce n’est qu’après notre union que j’ai découvert que ma femme avait de grands enfants»


Si Seynabou a été aveuglée par l’amour, Souleymane, lui, l’a été par la beauté. Etabli en France depuis des lustres, le quinqua, sorti d’une union malheureuse avec une Blanche, a eu envie d’un retour aux sources. En vacances auprès des siens, le cœur détruit par une rupture difficile, son chemin croise celui d’une dame aux belles rondeurs, divorcée comme lui. L’alchimie colle et tous deux rescapés d’unions désastreuses et en âge assez avancé décident d’accélérer le processus. Au bout de trois mois d’une cour assidue, leur union est scellée. Souleymane est sur un petit nuage. «Ma femme était une perle. Elle était tout le temps aux petits soins pour moi. Pour la première fois, je savourais les délices d’un mariage et je goûtais au jongué sénégalais tant chanté et célébré. Je me suis dit que je renaissais. J’avais déjà construit une maison au pays et j’y ai logé ma dame. Nous vivions dans une parfaite complicité et nous étions tellement heureux.» La lune de miel dure six mois. En début d’année, Souleymane est obligé de retourner en France. Il laisse derrière lui sa femme avec la promesse d’un retour imminent. Grande fut sa désillusion quand, lors d’une visite surprise à sa bien-aimée, six mois plus tard, il retrouve sa maison occupée par sa femme et…ses enfants issus de son premier mariage. «Je suis resté bouche bée. Moi qui me croyais blasé des ruses et roublardises de la gent féminine, je n’en revenais pas. Pourtant, le doute commençait à s’installer dans mon esprit quand les besoins de ma femme se faisaient de plus en plus pressants et importants. Je ne comprenais pas. A chaque fois que je lui envoyais de l’argent pour ses besoins, elle me disait que cela ne suffisait pas. Alors que je lui remettais la même somme quand j’étais encore au pays. Quand je suis tombé sur ses enfants, tout s’est subitement éclairé pour moi. Elle avait «omis» de me dire qu’elle avait de grands enfants pour ne pas que ma fortune lui échappe. Si elle avait été sincère avec moi, cela n’aurait entaché en rien mon vœu de l’épouser. Je l’aurais fait sans arrière-pensée. Surtout que je n’ai jamais pu avoir d’enfants avec ma première épouse. Elle m’a trahi. C’est le mot. C’est juste de l’escroquerie. Mais le coup était déjà parti. Je ne peux pas la quitter pour cela. En plus, je me suis déjà attaché à elle, mais cela a porté un sacré coup à notre union.» A son amour surtout. 


*Le nom a été changé


ABDOU MBODJ

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Publié par

Namory BARRY

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