Erosion côtière, Pollution maritime, Déchets Covid-19 : Les dangers qui menacent les Sénégalais

samedi 26 septembre 2020 • 323 lectures • 1 commentaires

Enquêtes 3 ans Taille

Erosion côtière, Pollution maritime, Déchets Covid-19 : Les dangers qui menacent les Sénégalais

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Avec l’avancée «dévastatrice» de la mer, beaucoup d’habitations sont menacées. A côté, la pollution maritime et les déchets liés au Covid-19 constituent un danger patent, selon des spécialistes en environnement.

Le souvenir douloureux casse son moral, pince son cœur et le plonge dans un silence inouï. Amadou Diop, 58 ans, physique d’athlète, teint noir, a mal. Des tremolos dans la voix, le quinqua rembobine le film de l’horreur. De cette soirée cauchemardesque où lui, sa progéniture et ses voisins, surpris en plein sommeil par la furie des vagues, ont frôlé le pire, côtoyé la mort et perdu leurs habitations. «C’était rapide, on n’a pas vu venir le coup. C’est le cri strident d’une de mes filles qui nous a réveillés en plein sommeil. Puis, désarmés, on a cherché à s’extirper des eaux qui avaient avalé toute la maison. Le seul réflexe, c’était de déguerpir au plus vite des lieux pour éviter la mort», se remémore Amadou. Pour sauver leur peau, les Diop se sont repliés dans une maison sise à une centaine de mètres de la leur ravagée par la harpie des eaux. A cette heure, Saint-Louis, ancienne capitale coloniale française, dormait à poings fermés, Guet-Ndar, quartier côtier rongé par l’avancée de la mer, somnolait sous les eaux. Du coin de l’œil, Amadou Diop guettait les premières lueurs du jour. Mais l’aube tardait toujours à se pointer. Désemparés, lui et sa progéniture attendront nerveusement, le corps trempé, le moral au plus bas, le lever du jour pour se reloger ailleurs. Guet-Ndar avait été pris à court par les eaux et ressemblait à une mare d’eau puante. Au grand dam des habitants. 

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Ce triste scénario, c’était en mars 2018. La mer chahutait ce coin mal loti coincé dans la «Langue de Barbarie» de Saint-Louis. La furie des vagues avait submergé le quartier Guet-Ndar, chassant les habitants des lieux avec d’énormes pertes en biens et en dégâts matériels.

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Mais depuis, rien n’a changé. Le décor reste toujours le même, la mer continue son avancée «fatale» à pas de géants et avale progressivement la terre ferme de la Langue de Barbarie. Les maisons s’effondrent, les populations quittent leurs habitats. 


Avec 700 Km de côtes, allant de Saint-Louis à Cap-Skiring à Ziguinchor, le Sénégal est fortement secoué par l’avancée de la mer. Le phénomène est global et est causé par la fonte des calottes glaciaires et l'expansion thermique. D’après une étude réalisée par Isabelle Niang, spécialiste des changements climatiques en zones côtières, le taux d’érosion côtière à Rufisque tourne autour de -1 à -1,5 mètre par an. Ce qui signifie que la mer avance sur le continent, le trait de côte recule. Considérablement !


Doune Baba Dièye, village traditionnel de plus 400 ans situé à 4 km de Saint-Louis, dénommé à l’époque coloniale, l’île de Bocost, illustre à merveille l’avancée «dévastatrice» de la mer vers le continent. En octobre 2003, ce carré de terre enfoui au milieu des eaux du fleuve avait été détruit par les inondations et abandonné par ses occupants (610 habitants), à cause de l’ouverture de la brèche sur la «Langue de Barbarie». Mais le village de Doune Baba Dièye n’est pas le seul site menacé de disparition.


Rufisque, Bargny, Saly, Palmarin, Petite Côte…, ces zones menacées de disparition 


«D'ici 10 ans, des habitations le long du rivage de Rufisque à Bargny se situant à 5 voire 7 mètres de la mer, seront menacées, si rien n'est fait. Ceci du fait de la moyenne tournant autour de -1 mètre par an à -1,5 mètre par an», prévient Papa Waly Bakhoum, spécialiste des changements climatiques en zones côtières à l’Institut des sciences de l'environnement (Ise) de l’Ucad (Université Cheikh Anta Diop) de Dakar. Seulement, ajoute-t-il, il y a des zones plus vulnérables que d’autres. Des zones de basses altitudes, facilement mobilisables, exposées à des processus hydrodynamiques intenses et urbanisées sont plus vulnérables à l’érosion côtière et l’inondation. «Au Sénégal, la Petite Côte serait plus touchée par l’érosion côtière, notamment les zones de Rufisque, Bargny, Saly et Palmarin. Cependant, la brèche de Saint-Louis de la Grande Côte a accentué le phénomène de Saint-Louis à Djifère», regrette Papa Waly Bakhoum. Pour éviter le pire, l’universitaire prône des mesures d'adaptation dans la détermination de la vulnérabilité : considérer l’exposition, la capacité d’adaptation, la résilience et la sensibilité de l'écosystème. «Au niveau international, il y a trois stratégies d’adaptation proposées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) : la protection, l’accommodation et le retrait». Pour sa part, le Sénégal a opté par endroits, à la mise en place des mesures de protections structurelles sur la Petite Côte, comme les revêtements, les digues, les murs, les épis et les brise-lames. Papa Waly Bakhoum : «A Thiawlène à Rufisque, une digue a été construite et des revêtements sont implantés par endroits, sur les Corniches Est et Ouest de Dakar. De même qu’un mur a été implanté à Mbao. Sur la Grande Côte, des mesures de protection dites non structurelles, comme le reboisement de filaos, sont notées. A Saly, il a été remarqué le rechargement artificiel de plage».


Phénomène naturel, l’érosion côtière est accentuée par l'effet anthropique. L’industrialisation, l’exploitation du pétrole, le déboisement, etc., entraînent une augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. L'une des conséquences majeures de ce réchauffement climatique étant l'élévation globale du niveau de la mer, induisant ces effets d'érosions côtières et d’inondations. Avec leur corollaire de dégâts matériels et de pertes en vies humaines.


A Saint-Louis, l’érosion côtière continue de tuer. Les pêcheurs subissent, ces dernières années, les conséquences de l’avancée de la mer. Près de 400 sont morts à bord de leurs embarcations qui chavirent au moment de passer vers l’océan, selon les estimations officielles. Dans le même temps, leur quartier est rongé par les eaux, les habitations s’effondrent. Plusieurs familles ont été déplacées vers l’intérieur des terres. «Près de 200 personnes ont déjà quitté leurs maisons», chiffre Souleymane Ndoye, pêcheur Saint-Louisien. Les mesures du gouvernement sénégalais pour tenter d’endiguer le phénomène sont jugés «insuffisantes». Même 2 ans (le 3 février 2018) après la visite d’État du Président français Emmanuel Macron, qui avait promis des moyens supplémentaires (15 millions d’euros, environ 10 milliards FCfa) pour aider aux financements des travaux afin de faire face à l’érosion côtière, l’océan reste une menace.


Déchets Covid-19, le danger qui guette nos plages


Dans leur furie, les eaux charrient des déchets sur la côte. Ces ordures souvent toxiques ou biomédicales sont une menace pour la santé publique. «Les déchets constituent absolument des menaces pour l’homme. Nous mangeons des poissons et ces poissons mangent des déchets qui sont généralement toxiques. Nous rejetons des déchets qui se retrouvent dans notre chaîne alimentaire, qui menace notre santé. Toutes nos côtes sont sales parce que nous n’avons pas de stations d’épuration pour retenir les charges solides. Mais au niveau de Dakar, notamment à Soumbédioune, Ngor et Hann, ce sont des canaux à ciel ouverts qui transportent aussi des déchets solides. Le long de la Corniche, dans les falaises, on remarque beaucoup de canalisations débouchant directement à la mer et rejetant des eaux non traitées et très sales», déplore Mamadou Dia, Docteur en Rudologie (science des déchets) et enseignant à l’Ucad. Le Professeur associé des universités de poursuivre : «Les déchets biomédicaux à risque infectieux (organes, placenta) doivent être incinérés parce que ce sont des éléments à risque. Mais il se trouve qu’on n’a pas beaucoup d’incinérateurs. Ces déchets biomédicaux se retrouvent généralement dans des fosses ou dans des endroits où ils ne devraient pas être. Les piquants, coupants, tranchants (Pct), les poches plastiques, comme ceux trouvés récemment derrière l’hôpital Le Dantec se retrouvent souvent dans la nature. Les Pct doivent être stérilisés et banalisés avant d’être broyés et envoyés à la décharge. Les déchets liquides (urines, sang, vomissures) sont actuellement rejetés dans les éviers et les égouts, alors qu’ils devraient être traités avant leur rejet».


Avec la pandémie du Covid-19, de nouveaux déchets ont (re)fait surface. Mais ces nouvelles ordures d’hôpitaux ne sont pas encore apparues dans les dépotoirs d’ordures sénégalais. Mais jusqu’à quand ? Mamadou Dia : «Les déchets Covid-19 sont des nouveaux types de déchets qui sont arrivés récemment avec la pandémie et que nous n’avons pas encore situés dans les chaînes de déchets. Mais nous allons, sous peu, les trouver immanquablement. Nous allons trouver beaucoup de consommables, tels que les blouses à jeter, les masques, gants ainsi que les kits de test. Actuellement en Europe, on trouve beaucoup de masques à la Méditerranée, alors qu’il n’y en avait pas avant. Bientôt, on va trouver beaucoup de ces déchets sur nos plages. C’est donc des risques qui arrivent. Ces déchets du Covid-19 ne sont pas recyclables. Ce sont des déchets biomédicaux. On doit les incinérer directement si possible, soit les regrouper et les stériliser, avant leur élimination», conseille le Rudologue.


«Au Sénégal, on brûle généralement les déchets à des températures basses…»


Les fleuves déplacent aussi une importante pollution. Ce qui fait qu’on retrouve beaucoup de déchets au niveau des Deltas. C’est le cas notamment du Delta du Saloum et du Delta du fleuve Casamance. Ce sont des zones basses qui sont très sales parce que ce sont les zones de convergence des déchets venant de la mer et des fleuves qui les traînent, surtout en temps de fortes pluies. 


Face à la «pluie» d’ordures qui meuble nos plages et habitations, l’incinération reste la seule solution. Dr Mamadou Dia : «Au Sénégal, on brûle généralement les déchets à des températures basses 200 ou 300 degrés Celsius. L’incinération se passe à des températures élevées généralement supérieures à 500 ou 600 degrés. On incinère pour éliminer les dioxines et les furannes à partir de 800 et 900 degrés. Pour ces températures, il faut mettre les moyens qui sont malheureusement financiers. Au Sénégal, on a que des brûleurs pour des températures basses, qui laissent passer beaucoup de choses comme les dioxines, les furanes et des poussières qui sont dangereuses et qui se retrouvent autour des zones de brûlage et qui sont très cancérigènes», indique le conseiller en environnement auprès de la présidente du Conseil économique social et environnemental (Cese).  


IBRAHIMA KANDE

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Publié par

Namory BARRY

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