Aliou Ndao, ancien Procureur spécial de la CREI : «Si ce qu'on reproche à Ousmane Sonko est établi…»

vendredi 26 mars 2021 • 1347 lectures • 1 commentaires

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Aliou Ndao, ancien Procureur spécial de la CREI : «Si ce qu\'on reproche à Ousmane Sonko est établi…»

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Lors de l’atelier de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) sur l’application des réformes de modernisation de la Justice, l’ancien Procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndao, s’est donné à cœur joie sur plusieurs sujets, dont l’affaire Sonko-Adji Sarr, le troisième mandat de Macky Sall, l’indépendance de la Justice… C’est un réquisitoire très salé que le Procureur Ndao a fait sur toutes ces questions. 

L’ancien procureur de la Crei est aussi entré dans la danse. «Au regard des derniers évènements que nous avons tous vécus et qui ont fait mal au cœur, le fait que des justiciables sénégalais attaquent les tribunaux, attaquent physiquement les magistrats avec un seul reproche de manque d’indépendance de la Justice. Cela signifie actuellement qu’il y a un grand fossé entre la Justice et le justiciable. Il y a une véritable crise de confiance entre la Justice et les justiciables. C’est pourquoi, je dis que, malgré tous les beaux discours sur l’indépendance de la Justice, la réalité est que la Justice est en ce moment inféodée au pouvoir Exécutif. Elle se porte très mal. Il me semble impérieux de retirer au Garde des Sceaux ce pouvoir de proposition de nomination, pour le confier à un organe indépendant qui sera chargé de recevoir les appels à candidature des magistrats et de les soumettre au Conseil supérieur de la magistrature. On voit régulièrement des ministres donner des instructions de non poursuites à des magistrats du Parquet qui les exécutent. Ce qui est tout à fait illégal. Restituer les magistrats du Parquet leur indépendance dans le cadre de la mise en mouvement et de l’exercice de l’action publique», fustige Alioune Ndao, avant de rebondir sur l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr. «La Justice doit être impartiale. Si ce qu'on reproche à Ousmane Sonko est établi, qu’on le traduise en Justice. S’il y a des preuves qui sont apportées, que les juges prennent la décision qui convient. S’il n’y a rien, qu’on le laisse partir. Mais, si le juge est convaincu qu’il y a des éléments, qu’on le renvoie en jugement en toute impartialité sans subir de pression, ni d’un bord ni de l’autre. C’est normal qu’il y ait de soupçons d’écarter un adversaire politique», estime le Procureur Ndao. 

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«Macky Sall n’a pas droit à un troisième mandat»
L’ancien Procureur Alioune Ndao ne s’est pas gêné de donner sa position sur un probable troisième mandat du président de la République. «Tout le monde sait que Macky Sall n’a pas droit à un troisième mandat. Lui-même le sait. La Constitution est claire. Nul n’a le droit d’avoir plus deux mandats consécutifs», tranche-t-il. Avant de s’adresser au ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome : «Le ministre de l’Intérieur est quelqu’un avec qui j’ai travaillé avant la Crei. Il était sous ma direction quand j’étais au Parquet général. Il venait me voir quand il avait des difficultés. Il me prenait comme son propre grand frère. Il me disait des choses qu’il ne disait pas à son père. On avait des liens très proches. Je lui souhaite bon vent en lui demandant de faire beaucoup attention aux politiques. Qu’il évite que ces derniers ne le mettent dans le gouffre. Parce qu’il a sa carrière de magistrat devant lui. (…) Il a intérêt à faire beaucoup attention. Je lui demande d’améliorer sa communication. Depuis qu’il est à ce poste de ministre de l’Intérieur, sa communication est calamiteuse. Il s’adresse mal aux Sénégalais. Or, un ministre de l’Intérieur est au-devant de la scène. Et quand quelqu’un est mis au-devant de la scène, il doit savoir parler. Il doit faire attention au régime de Macky Sall qui va bientôt finir. Macky Sall n’a plus que trois ans de pouvoir. Qu’il ne te mette pas dans des situations difficiles. Macky Sall est un politicien et il peut sortir facilement de cette situation. Ceux qui soutiennent le contraire sont avec lui. Et ils ne lui disent que ce qui lui plait. Ce sont de mauvais conseillers. Un bon conseiller, c’est celui qui ira dire à Macky Sall qu’il n’est pas meilleur que les 16 millions de Sénégalais. C’est le Bon Dieu qui a voulu qu’il soit Président et la Constitution prévoit deux mandats. Je lui conseille de respecter ces deux mandats et de partir», dit-il. 

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«Les tenants du pouvoir ont peur d’une Justice indépendante»
Le magistrat Alioune Ndao s’est aussi donné à cœur joie sur l’histoire de la traque des biens mal acquis qui a incriminé plusieurs hauts dignitaires du régime libéral, dont Karim Wade, fils de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade. «La manière dont j’ai quitté la Crei m’a fait beaucoup mal. Les tenants du pouvoir Exécutif n’ont aucun respect à l’endroit du pouvoir Judiciaire. Et ils ne veulent pas d’une Justice indépendante. Parce que cela ne va pas dans le sens de leurs intérêts. Ils veulent toujours avoir la Justice sous leurs ordres. Je suis de nature tel que j’ai un esprit indépendant. Tout ce qui n’est pas légale, je ne le fais pas. Je refuse d’exécuter un ordre illégal, même si c’est l’autorité qui le demande. Donc, moi j’étais sur ma ligne et, peut-être, c’est cette ligne qui ne leur plaisait pas. Mais ils n’ont pas donné d’explications. C’est la preuve du mépris que le pouvoir Exécutif nourrit à l’endroit du pouvoir Judiciaire. Je n’en ai jamais parlé et je n’en parle pas avec rancœur. Ce n’est pas pour régler des comptes, mais cela révèle le mépris que le pouvoir Exécutif a à l’endroit du pouvoir Judiciaire. Comment peut-on relever un Procureur en pleine audience, parce que simplement le Procureur était en train de faire son travail correctement ? Donc, cela est révélateur d’un manque d’indépendance et du peu de respect que le pouvoir Exécutif a à l’endroit du pouvoir Judiciaire. Le pouvoir Exécutif ne veut pas d’une Justice indépendante. Les tenants du pouvoir ont peur d’une Justice indépendante. Si on avait laissé le soin à la Crei de faire son travail, ce serait une institution qui est bonne dans nos pays sous-développés, parce que l’infraction de l’enrichissement illicite n’est pas mauvaise. Parce que dans nos pays, les tenants du pouvoir ont l’habitude de faire des actes de prévarications sur les ressources publiques. Et de moins en moins, on voit des actes de détournement de deniers publics, mais on crée des stratagèmes pour piller les caisses en laissant une apparence de légalité. Donc, la meilleure manière de savoir que les tenants des deniers publics sont en train de dilapider ces deniers, c’est de voir leur patrimoine», a déclaré Alioune Ndao.


L’Ums exige la mise en œuvre des réformes de modernisation 
Les questions de l'indépendance de la Justice et de l’Etat de droit qui font l’objet de polémique au sein de la société, interpellent l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Cela s’est accentué avec l’arrestation du député Ousmane Sonko, accusé de viols par la masseuse Adji Sarr. Le leader du parti Pastef avait crié au complot, accusant le président de la République, Macky Sall, d’utiliser la Justice pour le liquider. Ainsi, l’indépendance de la Justice a été remise en question, une fois de plus. Ceci a poussé l’Ums a exigé la mise en œuvre des réformes de la modernisation, pouvant restaurer la confiance des citoyens en la Justice. C’est dans ce contexte que l’Ums a tenu, hier jeudi, un atelier de réflexion avec la Chambre des notaires et la société civile. La rencontre a été présidée par Kaoussou Diop, Secrétaire général de l’Ums. Le Thème : «L'indépendance de la Justice et l’Etat de droit», est traité par Ngouda Mboup, enseignant-chercheur à l’Ucad. L’ancien Procureur spécial à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndao, a fait un cours magistral sur l’indépendance et le statut du Parquet. Ensuite, le président de l’Ums, Souleymane Téliko, a accentué sa communication sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le ministre de la Justice n’a pas pris par de la réunion. Mais, le Garde de Sceaux était représenté par la magistrate Aïcha Gassama Tall, Secrétaire générale dudit ministère. Prenant la parole, elle a évoqué l’article 88 de la Constitution sénégalaise pour rassurer que l’indépendance de la Justice est déjà consacrée dans ce pays. Pour elle, cet article qui sépare les pouvoirs Exécutif et Judiciaire, peut garantir l’indépendance de la Justice. Seulement, elle n’a pas la même vision que celui du Professeur Ngouda Mboup. Pour le chercheur, la Justice doit être confiée à une institution constitutionnelle indépendante. Au terme de la rencontre, l’adoption de la modernisation de la Justice a été exigée. Pour restaurer la confiance des citoyens en la Justice, l’Ums demande l’adoption en urgence des réformes du statut de la Magistrature et du Conseil supérieur de la Magistrature. 
DOUDOU DIOP

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Publié par

Namory BARRY

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