Enquête : Dans le royaume d'enfance de Adji Sarr

mercredi 3 mars 2021 • 1667 lectures • 2 commentaires

Société 3 ans Taille

Enquête : Dans le royaume d\'enfance de Adji Sarr

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Elle est sortie de l’anonymat. Méconnue du grand public, Adji Rabi Sarr, la «masseuse» du leader du parti Pastef/Les Patriotes, a été projetée au-devant de la scène par une affaire de mœurs. La masseuse de 21 ans qui a grandi entre les îles de Maya et Djirnda, accuse Ousmane Sonko de viols et menaces de mort. L’Observateur a fait un retour au royaume d’enfance de Adji Sarr. Enquête sur l’histoire d’une fille très tôt sevrée de la chaleur de ses parents biologiques.

C’est une nécessité pour elle d e démarrer par déconstruire «les commérages, les ragots, les préjugés». «Adji Sarr n’est ni une mauvaise personne, ni une dévergondée. Encore moins une fille mal éduquée. Elle est issue d’un papa Niominka (Sérère pêcheur : Ndlr) et d’une maman Sining (Sérère du Sine : Ndlr). Née et éduquée dans la pure tradition Sérère, elle a été élevée dans la dignité, le respect et le courage. Je ne veux plus y revenir». Celle qui donne cette partie de la vie de Adji Sarr n’est personne d’autre que sa grand-mère, Sattou Ndong. Celle qui l’a adoptée dès l’âge de deux ans à Maya. Une des localités des îles du Saloum. L’île de Maya est un petit village d’une trentaine de concessions labyrinthiques où les bâtisses communiquent entre elles, pour au final, donner sur la grande place publique qui abrite la mosquée.

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«Adoptée à deux par sa Grand-mère paternelle»
Cet après-midi-là, les îles du Saloum et leurs environs suffoquaient de chaleur sous le diktat d’un soleil de plomb. La canicule tait toute velléité de découverte. Pourtant, le désir d’en savoir plus sur la vie et l’enfance de la «masseuse» qui accuse Ousmane Sonko, leader du parti Pastef/Les patriotes de viols répétés et menaces de mort, conforte l’intrus. Mais, joindre les îles de Maya et Djirnda, nichées dans les affluents du fleuve Saloum, est un véritable parcours du combattant. En cette période où le mercure grimpe autour des 40°C à l’intérieur du pays, il faut s’armer de patience et de courage pour affronter le chemin du royaume des insulaires. Après un trajet d’environ 175 km, à partir de Dakar, Ndakhonga (commune de Foundiougne) accueille avec son nouveau port et son pont (sur le fleuve Saloum) en construction. C’est ici que commence l’entrée des îles du Ngandoul, plus connues sous le nom îles du Saloum. Il est 13 heures passées de quelques minutes, sur le quai, une vingtaine de véhicules et des passagers attendent le retour du bac de Foundiougne. Sur le bas-côté de la route, le petit commerce accueille les voyageurs. A quelques mètres, le vrombissement des engins et les coups de marteau des ouvriers sur le chantier du pont perturbent la quiétude des lieux. Les minutes s’égrènent. On peine à trouver un capitaine qui accepte d’embarquer pour Maya et Djirnda. «Il est rare de trouver ici une pirogue qui va directement à Djirnda ou Maya. Il faut aller jusqu’à Foundiougne», conseille-t-on. De Foundiougne, dans la pirogue qui mène à Maya, le capitaine Mamadou prend le cap. Il appuie sur l’accélérateur. Le moteur vrombit. La pirogue déchire les petites vagues de ce bras de mer, cette partie où les eaux du fleuve du Saloum se jettent dans l’Océan Atlantique. Un trajet sinueux parsemé de bancs de sable. Il faut de l’expérience pour les contourner. Mais, Mamadou est en terrain connu. Il connaît les coins et recoins des îles du Saloum. Un magnifique paysage entortillé d’îlots et de plans d’eau berce les esprits.

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«Adji était une célébrité dès le bas âge»
Après près de trois heures, Mamadou accoste la pirogue au quai de Maya. L’île est une merveille avec sa ceinture de mangrove. Maya accueille avec ses baobabs géants qui surplombent les affluents du fleuve. En ce début d’après-midi, un silence de cimetière enveloppe l’île. En face du quai, sous une grande case en tôle, trois hommes palabrent. Après un échange de salamalecs, on nous indique la maison de la grand-mère de Adji Sarr. Une grande bâtisse en toit de tôle aux murs d’une autre époque. A l’intérieur, deux grands couloirs en forme de T où des portes en bois communiquent entre elles. Dans l’un des couloirs, «Fappo Téw (Tante paternelle en Sérère : Ndlr)», comme on appelle affectueusement, Sattou Ndong, la Grand-mère de Adji Sarr est confortablement installée sur une chaise en plastique. Entourée de ses petits-enfants, «Fappo Tèw» supervise le partage du déjeuner. Du riz blanc aux poissons avec ses épices et légumes. Après un échange de salutations, elle invite à déjeuner avant d’entrer dans le vif du sujet. La soixante-dizaine révolue, un teint basané dans un grand boubou wax, mère Sattou semble très affectée par les nouvelles qui  lui viennent de Dakar, depuis l’éclatement de cette affaire de mœurs. Cette histoire de mœurs qui oppose sa petite-fille à l’homme politique Ousmane Sonko. Adji Sarr accuse le leader du parti Pastef/Les patriotes, le député Ousmane Sonko, de viols et menaces de mort. Cette affaire qui a tenu en haleine toute l’opinion nationale et internationale, depuis le début du mois de février dernier, a été un coup de massue pour la Grand-mère de Adji Sarr. Depuis lors, la Grand-mère ne dort plus à poings fermés. Ce qui aurait gravement affecté sa santé. Sattou Ndong : «Je ne me sens pas bien. Depuis cette affaire, je n'ai pas entendu Adji au téléphone, mais ses oncles me donnent de ses nouvelles tous les jours. Parce qu’ils savent que je n’arrive plus à dormir correctement. Seulement, je ne crois pas à toutes ces mauvaises choses qu’on dit d’elle sur Internet. Adji a reçu une bonne éducation. C'est à l'âge de deux ans que je l'ai adoptée. Son père a eu confiance en moi et me l'a confiée. Dès son bas âge, Adji était populaire. C’était une fillette qu’on aimait beaucoup et on ne parlait que d’elle. Mais c'était une fille sincère et elle ne savait pas mentir. Quelle que soit la situation, elle tenait à dire la vérité. C'était une fille futée et ouverte d’esprit. Elle avait le commerce facile. C’est après l’école primaire qu’elle est allée à Djirnda chez son oncle pour poursuivre ses études. Adji a appris très tôt à faire la cuisine et elle assurait bien. Avec ses autres cousines, elles préparaient les repas. Mais toute la famille s’impatientait que son tour arrive, parce qu'elle faisait de bons plats. Elle savait cuisiner. C'était un cordon-bleu.»


«Si Adji est devenue une mauvaise fille, c’est à Dakar qu’elle s’est métamorphosée»
Mère Sattou est peinée et très affectée. La mine confondue, elle demande d’aller voir ses oncles à Djirnda. «C’est eux qui gèrent la parole de la famille dans cette affaire», conseille-t-elle. A quelques pas de chez mère Sattou, un homme sort de la mosquée du village. Dans un caftan blanc, barbe bien fournie, Moustapha a fini de sacrifier à la prière de «Tisbar (14 heures)». Chapelet à la main, l’homme pue la foi. Il repère vite en nous un intrus. Dans l’île, les étrangers sont vite démasqués. «Vous venez prier ? Vous venez d’où…», demande-t-il. Moustapha a vu Adji grandir et devenir une donzelle. «Adji a reçu une bonne éducation dès sa petite enfance, comme les autres filles du village. Dans le village, on se connaît tous. Ce qui est arrivé à Adji, c'est son destin. Mais nous sommes tous surpris par cette nouvelle. Nous entendons des gens raconter toutes sortes de mauvaises choses sur elle. Mais la petite Adji qui a grandi sous nos yeux n'est pas celle qu'on nous dépeint dans les réseaux sociaux», tient-il à témoigner.
A Maya comme à Djirnda, l’affaire Ousmane Sonko et Adji Sarr cristallise toutes les attentions et alimente les débats. Mais, ici Adji a bonne presse et les nouvelles qui viennent de la capitale sont aussi surprenantes les unes que les autres. Rencontré sur le quai de Djirnda, El Hadji Ndong, jeune pêcheur, a fini d’accoster sa pirogue. La vingtaine révolue, physique de lutteur, le jeune homme a grandi avec Adji à Djirnda. El Hadji semble confirmer les confidences de Moustapha. Il témoigne : «Adji Rabi, je la connais très bien. Nous avons grandi ici et tous les jeunes l’aimaient. Mais pour vous dire vrai, aucun garçon ne pouvait dire qu’elle était une fille facile. Je ne lui connais pas de mal. Si elle a changé, c’est à Dakar qu’elle s’est métamorphosée. Adji Rabi était une fille correcte. Et tous les garçons du village aimaient qu’Adji devienne leur épouse, mais personne ne peut dire du mal d’elle.»


«Tous les garçons aimaient qu’Adji soit leur épouse, mais personne ne peut dire du mal d’elle»
A Djirnda, même si on ne les entend que très peu à travers les médias, les parents d’Adji se préparent à défendre leur fille et à porter la réplique quand ça sera nécessaire. Ce matin-là, de retour de pêche, El Hadji Diouf, après avoir parcouru les informations, a un pincement au cœur. Lui, c’est l’oncle et le tuteur de Adji Sarr, quand cette dernière était à Djirnda pour poursuivre ses études. Mais, l’oncle n’en revient pas toujours. Il n’en croit pas ses oreilles. «Pour vous dire vrai, cette affaire nous a tous surpris. C’est cette chambre (il montre du doigt : Ndlr) que Adji et mes deux filles partageaient. L’une a eu son Baccalauréat, l’autre s’est mariée. Durant les années qu’elle était ici, elle n’a jamais créé de problème et elle respectait ses études. Elle n'entrait pas dans ce qui ne la regarde pas. Quand elle a grandi comme toutes les autres filles du village, pendant les grandes vacances, elle partait en ville pour chercher du travail de femme de ménage. C’est ainsi qu’elle a demandé à aller chez une de ses tantes du côté de sa mère. A la fin des vacances, elle est revenue pour nous dire qu’elle voulait poursuivre ses études à Dakar. C’est comme cela qu’elle est partie à Dakar», confie-t-il. Avant de préciser que la famille a confié la parole à leur grand frère, Kader Sarr, par ailleurs chef du village de Djirnda.


«Nous demandons que justice soit rendue, notre fille est victime»
Kader est l’aîné de la famille d’Adji Sarr. Chez Kader, l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko préoccupe, mais elle doit être gérée avec beaucoup de responsabilité. Parce que leur fille est présumée victime. Donc, il ne sert à rien de répondre à des attaques ou des positions politiques. Après une longue discussion, l’oncle d’Adji tient à préciser deux choses. Kader Sarr : «D’abord, nous avons décidé de limiter notre communication et ne pas répondre à certaines sorties. Toute la famille m’a demandé de représenter sa parole. Avant toute sortie, on doit se concerter. Parce que cette affaire n’a rien de politique. C’est une affaire privée qui concerne deux Sénégalais. Seulement, Ousmane Sonko est un homme politique et il n’est pas du même niveau social que Adji Rabi. Nous avons entendu toutes sortes de mauvaises choses sur la fille. Mais nous allons montrer à la face du monde que Adji a des parents et nous allons l’assister et la soutenir. On ne peut pas tout dire. Mais nous avons confiance en notre fille et tout sera clair devant le juge. Maintenant, comme l’affaire est devant la loi, nous allons laisser la justice faire son travail. Tout ce que nous demandons, c’est que justice soit rendue dans cette affaire. Parce que tous ceux qui s’agitent, si Adji était leur fille, ils n’allaient pas réagir de la sorte. Notre fille est présumée victime, nous demandons simplement l’application de la loi. C’est une affaire de mœurs, pas un problème politique.» Touché dans sa chair, Kader qui a refusé d’être enregistré, promet que la famille d’Adji Sarr va réagir très prochainement et qu’elle se prépare à porter la réplique à la dimension des attaques.
En attendant que le leader du Pastef/Les patriotes soit entendu dans le fond du problème par le juge d’instruction du 8e Cabinet, cette affaire de mœurs qui oppose Adji Sarr et Ousmane Sonko, continue de tenir en haleine le pays.
FALLOU FAYE (ENVOYE SPECIAL A MAYA ET DJIRNDA)

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Publié par

Namory BARRY

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