Aminata Touré contre-attaque : "Je demande que le CESE soit audité de sa création en 2013 au jour de mon départ"

mercredi 18 novembre 2020 • 371 lectures • 1 commentaires

Politique 3 ans Taille

Aminata Touré contre-attaque :

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Déchue de son poste de présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) par le Président Macky Sall, le 1er novembre dernier, Aminata Mimi Touré assène ses vérités sur des accusations de mauvaise gestion de l’institution qu’elle a dirigée durant 16 mois. Dans cette interview exclusive réalisée par mails, la première ministre de la Justice du régime de Macky Sall s’est prêtée à une petite épreuve de questions-réponses avec L’Observateur. En attendant, comme promis, le Grand oral.

Depuis votre éviction du Conseil Economique, Social et environnemental, vous avez préféré, à part quelques réactions à des accusations sur votre gestion, garder le silence. Est-ce une stratégie ou une volonté de ne pas gêner votre successeur ?

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Je considère qu’il y a une période de décence et de réserve à avoir lorsqu’on a occupé une fonction institutionnelle pour faciliter la transition. Mais lorsqu’il s’agit de question relative à la gestion de fonds publics qui me tient particulièrement à cœur, je me dois d’apporter toutes les clarifications, car mon intégrité et mon honneur n’ont pas de prix.

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A l’absence d’une passation de service, votre successeur à la tête du Cese a décidé de fouiller votre gestion. Comment appréciez-vous cette démarche ? 


Avant 2012, j’avais déjà une riche carrière aux Nations Unies où j’ai occupé différents postes de responsabilité où je me prêtais chaque année à l’exercice obligatoire de reddition comptable et financière. Donc c’est non seulement un exercice habituel auquel je me suis prêtée depuis des années, mais  je considère que chaque gestionnaire doit être audité chaque année pour justifier de l’utilisation de l’argent public. A ce titre, je demande que le Conseil Economique, Social et Environnemental soit audité de sa création en 2013 au jour de mon départ. Ainsi, les choses seront claires et on passera à autre chose. J’ai moi-même procédé à un audit d’entrée par un cabinet habilité, suite à la consultation de prestataires. Pour avoir un point de départ de ma gestion.


N’avez-vous pas peur que la mission dépêchée par Idrissa Seck vous trouve des cafards ?


Je demande mieux, un audit par les organes habilités de l’Etat du CESE depuis 2013, date de sa création jusqu’au jour de mon départ. Pour ce qui me concerne, les documents sont disponibles pour cet exercice.


Ne soupçonnez-vous pas, derrière cette fouille, la main du chef de l’Etat, Macky Sall ?


L’Etat est impersonnel et les deniers publics doivent faire l’objet de bonne surveillance et les gestionnaires de fonds publics doivent se prêter à cette reddition, sans y voir de raison personnelle. C’était ma position hier, ça reste ma position aujourd’hui.


N’êtes-vous pas surprise ou déçue par la tournure des choses ?


Il n’y a pas de sentiment à faire prévaloir. L’Etat reste l’Etat et il faut faire prévaloir les lois et règlements et comme je vous l’ai dit,  je suis pour une application des principes de bonne gouvernance.


Pensiez-vous que votre départ de la tête du Cese allait être suivi par tout ce tollé ?


La pluralité médiatique amplifie tous les événements et les citoyens ont aussi de solides opinions diversifiées et c’est tant mieux pour la Démocratie.


Le président Idrissa Seck ne s’est pas limité à fouiller votre gestion, il s’est aussi séparé de vos anciens collaborateurs (le Daf et le Dhr) à qui, il aurait interdit l’accès des locaux du Cese. Quelle appréciation en faites-vous ?


Je n’ai pas d’appréciation particulièrement. J’ai un devoir de réserve républicain.  Mais le principe général est de s’appuyer sur les équipes sortantes pour faire une bonne transition avec les nouveaux cadres qui arrivent. Pour une bonne continuité du service public. J’encourage mes anciens collaborateurs à faciliter cette transition, si on le leur demande. De toute façon, ce sont des fonctionnaires qui servent l’Etat depuis des années.


N’avez-vous pas été limogée de la présidence du Cese à cause de votre manque de discipline de parti, c’est-à-dire votre refus de vous conformer à l’interdiction du chef de l’Etat de parler de sujets tabous au sein de la majorité, comme le troisième mandat ? 


Le chef de l’Etat nomme aux fonctions civiles et militaires. Ce sont des prérogatives que lui confèrent la Constitution. Les opinions des uns et des autres sont nourries par leurs convictions intimes qui n’ont rien à voir avec les postes qu’ils occupent. Les postes changent, partent et les convictions demeurent. C’est ma perception de la vie militante que je mène depuis l’âge de 14 ans avec des périodes d’intensités diverses.


Beaucoup de vos pourfendeurs politiques évoquant la traque judiciaire contre Karim Wade et Cie, soutiennent que vous n’avez récolté que ce que vous avez semé. Qu’en pensez-vous ?


Je suis plus que jamais convaincue que seule la bonne gouvernance sortira l’Afrique de la pauvreté. Quels que soient les politiques, programmes, infrastructures construites, sans lutte active contre la corruption et la mise en place de mécanismes de bonne gouvernance, les efforts de développement attendus ne seront pas au rendez-vous. Et les citoyens sont de plus en plus exigeants sur les questions de bonne gouvernance. Que ce soit moi ou quelqu’un d’autre, on doit accepter ce nouvel ordre. J’ai d’ailleurs suggéré la décentralisation des services de l’Inspection générale d’Etat dans les ministères pour un contrôle journalier de la conformité des dépenses. Chaque ministère a une inspection interne à la tête de laquelle devrait se trouver un inspecteur de l’IGE ne dépendant pas du ministre.


Pourquoi lors de votre départ du Cese, dans vos remerciements, vous n’avez pas daigné y associer le Président Macky Sall qui pourtant, vous avez nommée à ce poste ?


J’ai été informé par le président de la République avant publication du décret me remplaçant et j’ai fait ce que la courtoisie et mon éducation me recommandaient de faire à son endroit. Le reste n’est qu’aiguille à chercher dans une motte de foin.


Vous avez été remplacée à la tête du Cese par Idrissa Seck que vous avez beaucoup combattu par le passé. Ne concevez-vous pas cela comme une humiliation ?


Je suis une militante et mon engagement me donne une lecture différente des événements. J’ai fait ce que j’avais à faire comme militante et à chaque responsabilité qui m’a été confiée, je me suis donnée corps et âme. Et je continuerai à faire ce que je dois faire. J’estime bénéficier du respect de mes concitoyens. Je l’espère en tout cas. Et c’est ça le plus important en définitive.


Avez-vous changé de perception ou d’opinion sur la manière dont la politique se fait au Sénégal ? 


Les acteurs politiques doivent s’astreindre  à donner une image encourageante de la politique, notamment aux jeunes que j’invite à s’engager pour transformer le pays. Au delà des avantages et des honneurs, la politique c’est d’abord et avant tout un projet de transformation vers plus de progrès avec la promotion de valeurs qui permettent d’y arriver. J’encourage les jeunes à s’investir dans ce sens.


On vous accuse d’avoir des ambitions cachées, un agenda autre que celui du Président Macky Sall. Des responsables de l’Apr ont eu à le dire publiquement avant même votre limogeage. Que répondez-vous ? 


Le temps de la politique viendra et je vous donnerai des réponses détaillées. Croyez-moi. Ceci étant dit, l’ambition n’est pas un délit à ce que je sache et comme je disais en politique, on n’est pas assis à regarder les trains passer.


Aminata Touré va-t-elle rester dans la mouvance présidentielle ou se prépare-t-elle à se faire un chemin dans l’opposition ?


Le temps de la politique viendra. Mais laissez-moi vous dire que je n’ai aucun regret quant à mon engagement. Bien au contraire,  je pense que j’ai contribué modestement à faire avancer les choses à chaque fois qu’on m’a confié une responsabilité. Hors de l’Etat, mon engagement pour le Sénégal et la démocratie va se poursuivre.


Quelle image croyez-vous avoir laissée au Cese. Votre legs pourrait-il convaincre les Sénégalais de l’utilité de cette institution ?


C’est une institution qui a toute sa pertinence dans l’architecture institutionnelle de la  République. Au sein des 120 conseillers, il y a une expertise extraordinaire, les avis du Conseil méritent d’être sérieusement considérés dans l’élaboration des programmes et les prises de décisions.


Quel rôle avez-vous joué auprès du président de la République pour qu’il tienne en compte, dans sa prise de décision, des avis du Cese ?


Je suis restée 16 mois, il faut un peu de temps pour les décisions administratives, j’espère que les avis seront pris en compte durant l’élaboration des programmes. En tout cas, c’est ce que le Chef de l’Etat a indiqué dans sa dernière lettre appréciant très positivement la contribution du CESE.


Votre nomination à la tête du Cese avait soulevé l’ire de certains proches de la Présidente sortante, Aminata Tall, qui vous ont accusée d’avoir fomenté un coup pour prendre sa place. Avec le recul aujourd’hui, comment appréciez-vous tout cela ?


Encore une fois, c’est le président de la République qui nomme aux fonctions civiles et militaires. Les émotions liées au départ sont compréhensibles, mais ensuite la normalité républicaine reprend ses droits et la vie administrative de notre pays se poursuit.


Pensez-vous que l’arrivée de Idrissa Seck, Oumar Sarr et Cie peut apporter quelque chose à la mouvance présidentielle ?


Cette question est à poser au Chef de l’Etat qui les a nommés.


SOPHIE BARRO

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Publié par

Namory BARRY

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