Entrisme de Idrissa Seck dans la mouvance présidentielle : Le silence opportuniste de l'APR

jeudi 26 novembre 2020 • 509 lectures • 1 commentaires

Politique 3 ans Taille

Entrisme de Idrissa Seck dans la mouvance présidentielle : Le silence opportuniste de l\'APR

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Le ralliement de Idrissa Seck à la mouvance présidentielle a été des plus inattendues au sein de l’Alliance pour la République (Apr). Même si des responsables républicains ne sont pas d’accord avec ce choix de Macky Sall, aucune réprobation publique n’a été notée. Par pur opportunisme et peur d’être viré du parti et de la gestion du pouvoir. 

Le choc est brutal, effroyable, épouvantable. Il est de ces coups-là qui laissent hagard, effaré, plongent dans un état de déséquilibre physique ou mental. Et ses effets sur les militants sont atroces, horribles, violents. Surtout que la surprise a été grande et qu’il n’y avait aucune pensée pour l’étreindre. Depuis le remaniement institutionnel du 1er novembre dernier, qui a consacré la nomination de Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social, et environnemental, en même temps que deux de ses collaborateurs au Gouvernement, le temps semble s’arrêter à l’Alliance pour la République. Mais, dans ses rangs, l’étonnement a vite cédé à l’amertume, à la colère. A un concert de réprobation silencieux dont les échos gênants ont obligé le leader, Macky Sall, à convoquer une réunion d’urgence du Secrétariat exécutif national (Sen). C’était vendredi dernier. Et ce qui devait être un exutoire a fini en cérémonie de renouvellement d’allégeance. Invités spécialement par le chef qui avait le souci d’offrir à ses troupes l’image d’un parti soudé - même dans la douleur – les défenestrés ont passé la soirée à chanter fidélité et loyauté au «boss». Et pour les autres, présents à cette réunion ou pas, les protestations se font en messe basse. Une rébellion de salon, bâtie sur l’opportunisme et non sur des convictions, nourrie par la peur de se faire virer par Macky Sall qui ne badinerait pas avec la discipline de parti. «Ceux qui ne se plient pas seront sanctionnés», confirme Dr Moussa Diaw, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.

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Discipline de parti

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Pourtant, cela saute à l’œil que l’arrivée de Idrissa Seck dans la majorité indispose plus d’un responsable «apériste». Même si les deux nouveaux alliés tentent de la justifier par le contexte économique mondial lié à la Covid-19, cela ne semble pas convaincre toute l’Apr. Selon Dr Moussa Diaw, ils sont en train de faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Pour accepter ce nouveau compromis entre Idrissa Seck et Macky Sall. «Il y a eu le débat sur le mandat avec la possibilité de faire un troisième, Macky Sall a donné des instructions fermes pour dire que c’est une question qui ne doit plus être abordée par ses responsables politiques et ceux qui ont bravé cette interdiction ont été sanctionnés, rappelle Dr Diaw. Me Moussa Diop et Sory Kaba en ont fait les frais. Cette discipline-là est en train de s’appliquer pour les autres et c’est la raison pour laquelle, même s’ils ne sont pas d’accord avec l’arrivée de Idrissa Seck qui se considère comme un allié important de Macky Sall, ils ne le diront pas publiquement.» Toujours selon lui, réussir à débaucher Idrissa Seck de l’opposition est une prouesse politique de Macky Sall et, compte tenu de cette action menée par Macky Sall, aucun n’ose dire ouvertement ses sentiments, même s’ils n’approuvent pas tous cette décision. Ils ont peur de la sanction, surtout que le Président a réussi ce coup politique de faire adhérer Idrissa Seck. Ce n’est pas facile, en termes de négociations et il a tenu une réunion pour justifier cette décision.» Une séance d’explications au courant de laquelle, le chef de l’Etat a fait savoir aux ministres limogés que la «réorganisation et l’ouverture constituent un tournant important qui a entraîné des changements inhérents au fonctionnement de l’État qui, pour douloureux qu’ils puissent être, ne devraient nullement constituer des causes de rupture dans le compagnonnage politique.» Pas une voix discordante. Dr Moussa Diaw : «Macky Sall a convoqué l’ensemble des cadres pour leur dire sa décision de faire adhérer Idrissa Seck, compte tenu des enjeux. Il a clarifié et personne n’a osé prendre son contrepied. Ce qui est sûr, c’est qu’ils n’approuvent pas tous, mais personne n’a osé se prononcer contre lui, puisque ce serait lui faire un affront.» Un désaveu qui pourrait avoir de lourdes conséquences.


Professeur de sociologie politique, Ibou Sané convoque aussi cette discipline de parti pour justifier cette timide réprobation des responsables de l’Apr. «Même s’ils ne veulent pas de cette alliance, ils ne peuvent pas régler le problème, puisque souvent les décisions se prennent au sommet. Même s’ils sont frustrés, ils ne voudront pas mettre cela au premier plan, de peur de se faire éjecter du parti ou d’être contrariés dans le parti. C’est pourquoi, on dit qu’il faut plus de démocratie interne dans les partis politiques, pour que chacun puisse jouer sa partition, que chacun puisse donner sa parole, donner son point de vue. Ils murmurent dans leur bureau, ils bombent le torse, mais incapables de prendre leur propre décision.»


Épée de Damoclès : A côté de la discipline de parti, il y a aussi une sorte d’Épée de Damoclès qui plane sur la tête des responsables de l’Apr. Pr Sané s’en explique : «Ceux qui ont des ambitions ont été libérés, c’est à eux de prendre les bonnes décisions. Il faut qu’ils soient courageux, mais en même temps, il y a l’épée de Damoclès sur leur tête parce qu’ils ont eu à gérer des deniers publics. On ne sait jamais. Ils préfèrent faire profil bas, en attendant de prendre du temps pour réfléchir parce qu’il y a quatre ans pour le faire. Ils prennent le temps de la réflexion sur des stratégies à mettre en place pour s’en sortir. Personne ne veut prendre position, à quatre ans de la fin du mandat, de peur de se faire liquider politiquement. Il vaut mieux rester dans le parti, tisser sa toile, élargir son réseau et éviter de se faire prendre parce qu’il n’y a ni fraternité ni amitié en politique. C’est un rapport de forces. Pour le moment, ils ont intérêt à se taire et à faire fonctionner leur réseau interne.» Surtout qu’ils sont conscients que s’il faut sortir le bâton, Macky Sall n’hésitera pas. «Ils savent que s’il faut agir, Macky Sall le fera et il n’hésitera pas. Compte tenu de ce coup politique, de ce calcul politique, cette négociation qu’il a eue avec Idrissa Seck qu’il a fait adhérer à la mouvance présidentielle et à qui il a donné une position de pouvoir, quelqu’un de son camp qui n’approuve pas cette position ou décision politique n’oserait pas d’ailleurs le montrer, insiste Dr Diaw.» Il poursuit : «Il y aurait des sanctions, ça c’est sûr. Il a expliqué, il a justifié pourquoi il l’a fait, quelqu’un qui se dresserait contre lui, ce serait contre la personnalité du chef. C’est remettre en question ses décisions et la sanction ne tarderait pas. Ils sont conscients de cela. C’est cette épée de Damoclès qui pèse sur eux. C’est la raison pour laquelle ils gardent le silence, attendant le moment propice pour pouvoir se déterminer.»


Limites : Même si pour le moment, les responsables de l’Apr semblent contraints au silence, il y a forcément, selon Dr Diaw, un moment où des voix s’élèveront pour dire non. «Cela ne durera pas longtemps parce que s’il y a des ambitieux dans son camp et qui, compte tenu des délais pour les élections, ont envie de s’engager politiquement, de se définir et de se hisser à son rang, alors là, ce sera en fonction du temps qui leur sera imparti, puisqu’à l’approche des élections, des sanctions ne pourront rien y faire. Ces gens attendent le bon moment pour pouvoir se positionner politiquement et dresser leurs critiques à l’encontre de Idrissa Seck. Ils sont obligés de faire profil bas, en attendant des jours meilleurs. 2024, c’est encore loin, c’est la raison pour laquelle ils se taisent. Mais, il y a une limite à ce silence. Il arrivera un moment où les plus courageux et les plus ambitieux seront obligés de sortir et de se positionner», assure Dr Moussa Diaw. L’analyste estime que même s’il y a un opportunisme politique derrière, les responsables de l’Apr n’oseront pas l’exprimer. «Tout est calcul politique. On est très loin des élections, le Président peut prendre des sanctions, quelle que soit la nature de l’individu, quelles que soient ses responsabilités. Il faut tenir compte du fait que ses relations avec Idrissa Seck ne s’inscrivent pas dans la durée. Il y a énormément de calculs politiques et les ambitions des uns et des autres, Idrissa Seck ne va pas perdre ses ambitions politiques et le pouvoir, il a toujours montré son goût du pouvoir et sa volonté de se hisser au sommet de l’Etat. Idy ne va pas taire ses ambitions politiques et c’est là que c’est gênant pour les gens qui sont dans la majorité et qui connaissent bien la personnalité de Idrissa Seck.» Demain, il fera jour.


CODOU BADIANE

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Publié par

Namory BARRY

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