Ismaïla Madior Fall révèle les contours du projet de réforme du statut des villes

mardi 29 décembre 2020 • 941 lectures • 1 commentaires

Politique 3 ans Taille

Ismaïla Madior Fall révèle les contours du projet de réforme du statut des villes

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Ancien président du Comité de pilotage de l’Acte III de la décentralisation, Professeur Ismaïla Madior Fall décortique, dans cet entretien avec L’Observateur, les contours de la réforme annoncée sur le statut des villes de Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès. Le Professeur titulaire des Universités souligne, par ailleurs, que le Président Macky Sall n’a jamais parlé de suppression des villes.

Le ministre d’Etat auprès du président de la République est revenu sur la modification de la loi sur l’état d’urgence et l’état de siège soumise à l’Assemblée nationale, sa candidature pour la mairie de Rufisque, etc.

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Monsieur le ministre d’Etat, le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la gestion du Covid-19, de soumettre à l’Assemblée nationale un projet de loi modifiant la loi sur l’état d’urgence et l’état de siège. Pourquoi cette modification de la loi ?

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La problématique est simple : avec l’arrivée d’une seconde vague de la COVID, comment le Gouvernement doit procéder pour faire respecter les mesures édictées par les protocoles sanitaires, sans imposer aux populations le lourd régime des privations et des sujétions de l’état d’urgence ? Autrement dit, quels instruments juridiques le Gouvernement doit mettre en œuvre, de façon proportionnée et graduelle, pour lutter efficacement contre la COVID, sans restreindre, de façon anormale ou exagérée, les libertés publiques et individuelles ? Pour cela, il faut éviter de multiplier le recours à l’état d’urgence et forger des instruments juridiques plus adaptés. Plusieurs formules normatives étaient envisageables, le Président a choisi la plus simple, à savoir la modification de la loi sur l’état d’urgence.


Pourtant, la proclamation de l’état d’urgence avait permis d’assurer une gestion efficace de la pandémie… 


Absolument, l’instauration de l’état d’urgence pendant une période de trois mois a permis à l’Etat de prendre les dispositions appropriées pour restreindre la liberté de circulation des personnes et imposer le respect des mesures barrières prescrites par les protocoles sanitaires. Cependant, la mise en application de l’état d’urgence de façon prolongée ou répétitive, n’est pas toujours adaptée et proportionnée pour combattre la circulation d’un virus. Les moyens juridiques pour faire face à des atteintes à la sécurité intérieure ou à l’ordre public ne sont pas efficaces pour la prise en charge d’un risque ou d’une catastrophe sanitaire. Aussi, l’objectif du projet de loi est de permettre à l’Etat de pouvoir prendre des mesures destinées à prévenir ou à gérer des catastrophes naturelles et/ou sanitaires, sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’état d’urgence, dont la procédure de mise en œuvre est plus lourde et les restrictions sur les libertés publiques et individuelles plus significatives. C’est pour ceci que l’intitulé de la loi 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège est modifié comme suit : «Loi relative à l’état d’urgence, à l’état de siège et à la gestion des catastrophes naturelles et/ou sanitaires.» Désormais, on a trois régimes administratifs dans la loi : l’état d’urgence, l’état de siège et la gestion des catastrophes naturelles et sanitaires qui est une sorte de mini-état d’urgence, d’état d’urgence soft ou l’équivalent de ce que les Français appellent l’état d’urgence sanitaire. On aurait pu avoir une loi autonome, mais pour être cohérent, la proximité des situations envisagées avec l’état d’urgence et la similitude de certains moyens justifient qu’on l’insère dans la loi sur l’état d’urgence.


Certains juristes considèrent que ce projet de loi est inconstitutionnel du fait qu’il s’agit d’un régime qui n’est pas prévu par la Constitution ?


Il est loisible au Constituant de prévoir expressément les régimes de l’état d’urgence, de l’état de siège et de tout autre régime ou de le laisser au Législateur. Il est juridiquement erroné de soutenir que tout régime, non expressément prévu par la Constitution et pris en charge par la loi, est inconstitutionnel. L’inconstitutionnalité n’est pas ce qui est absent de la Constitution ou non prévu par elle et pris en charge par la loi, mais ce qui est (une loi) contraire à la Constitution. Les régimes de l’état d’urgence et d’état de siège visés dans la Constitution ne le sont qu’à titre indicatif, d’autres régimes peuvent être décidés par la loi. On peut bien avoir une législation sur les catastrophes naturelles et sanitaires ou sur la sécurité nationale ou de lutte contre le terrorisme sans que ceci ne soit expressément prévu par la Constitution. La loi peut tout faire sauf ce qui est contraire à la Constitution. La loi est l’expression de la volonté générale dans le respect de la Constitution. Il importe juste de vérifier si la question rentre dans le domaine de la loi (article 67 de la Constitution). A titre d’exemple, en France, la Constitution traite de l’état de siège décrété en Conseil des ministres (article 36), mais ne dit rien sur l’état d’urgence qui est totalement réglementé par la loi.


Il a beaucoup été question, ces jours-ci, de suppression des villes (Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès). On prête ainsi au Président Sall l’intention de procéder à ladite suppression pour contrôler politiquement Dakar, qu’en est-il ?


Il ne faut pas faire dire au Président ce qu’il n’a jamais dit : le Président n’a jamais parlé de suppression des villes, expression malheureuse qui ne renvoie d’ailleurs pas à grand-chose. Dans le même temps, il faut lui faire dire ce qu’il a dit à l’occasion de la journée de la décentralisation et à d’autres occasions de rencontre avec les élus territoriaux. Il s’agit, après la communalisation universelle et l’érection des départements en collectivités territoriales et évaluation de la phase I de l’Acte III, de mettre en œuvre la suite de cette grande réforme pour avoir des territoires viables et porteurs de développement. La réforme envisagée doit être l’occasion, après la phase I de l’Acte III de la décentralisation qui a permis la communalisation universelle et l’érection des départements en collectivités territoriales, de mettre en œuvre les innovations prévues pour la phase II. Il s’agit notamment, du nouveau statut des départements qui seront renforcés, de la réorganisation, dans le sens de leur meilleure viabilité, du statut des villes de la région de Dakar et de Thiès ou de toutes les villes atteignant un certain seuil de population, de l’implémentation des pôles territoires pour les régions qui peuvent aller ensemble et éventuellement, de la correction des incohérences territoriales là où c’est possible.


Que faut-il entendre par réorganisation du statut des villes ?


Il faut dire que sur cette question, comme sur les autres, le Président qui est pour une gouvernance inclusive, privilégiera la concertation avec les acteurs pour arrêter ce qu’il y a de mieux pour le pays. Mais, pour ce qui est précisément du statut des villes, il ne faut pas toutes les mettre dans le même panier parce qu’il s’agit de réalités différentes qu’il faut soigneusement distinguer : D’abord, pour la capitale, il faut tout de suite dire que la réforme du statut de Dakar et des autres villes n’est pas un sujet tabou. Il faut avoir le courage de l’aborder. En tant que capitale, la ville de Dakar a toujours eu un statut spécial qui a connu des évolutions en 1964, 1983, 1996 et 2013. Aujourd’hui, il y a lieu de doter la capitale d’un statut qui permet une gouvernance municipale apaisée, quelle que soit la couleur politique du maire, en veillant à y avoir des communes plus viables. Ensuite, pour les villes comme Pikine et Guédiawaye, dont les territoires municipal et départemental coïncident, il y a lieu ou bien de garder la ville comme collectivité locale (le statu quo) ou de transformer le Conseil de la ville en Conseil départemental. En tous les cas, il n’y a pas de suppression de la ville. Et (ville ou département) peu importent les appellations, le plus important est le contenu en termes de compétences et de moyens. Enfin, pour Rufisque et Thiès qui sont des cas totalement différents, la réflexion doit être l’amélioration du statu quo par une clarification des rapports entre la ville et les communes la composant ou alors une suppression des communes (anciennes communes d’arrondissement) la composant et la conservation d’une seule et unique collectivité locale qui sera la ville, comme c’était le cas jusqu’en 1996 et comme c’est le cas de villes comme Mbour, Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor. Et puis, il y est plus facile de supprimer les communes anciennes, communes d’arrondissement que la ville. Ainsi, pour Rufisque et Thiès, dont les territoires de la ville et du département ne coïncident pas, il est pertinent de permettre la cohabitation de la ville et du département.


Vous semblez faire un plaidoyer pour exclure la ville de Rufisque, votre fief politique, d’une éventuelle suppression…


Non, je le fais aussi pour Thiès, parce que Rufisque et Thiès sont des réalités différentes de Dakar, Pikine et Guédiawaye. Il nous faut en tenir compte.


On parle de retour du poste de Premier ministre, qu’en est-il ?


Bien qu’étant au cœur de la politique normative de l’Etat, je n’ai aucun élément me permettant de le confirmer. Je dois dire que personnellement, j’avais quelques appréhensions au début de la mise en œuvre de la réforme supprimant le poste de Premier ministre, mais je constate, au quotidien, que le Président se débrouille très bien sans Premier ministre. Au surplus, le Président Macky Sall a inventé un régime politique original qui fonctionne bien : un régime présidentiel sans Premier ministre, mais avec un Gouvernement qui est une institution de la République (article 6 de la Constitution) et qui conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Président de la République (article 54 de la Constitution).


On vous prête des ambitions pour la mairie de Rufisque. Êtes-vous candidat aux prochaines élections locales ?


Je suis arrivé aux responsabilités sans faire de la politique et ma présence au côté du Président Macky Sall n’est pas liée à des performances politiques. Il m’a choisi en raison de mon expertise. Pendant la campagne pour la présidentielle et lors de mes déplacements sur le terrain, beaucoup de Rufisquois (jeunes, cadres, femmes) m’ont demandé de me présenter pour insuffler un nouveau souffle à la gouvernance municipale et rajeunir l’équipe municipale. On me dit vous êtes jeune, rufisquois, muni d’une expertise en décentralisation, ayant présidé le comité de pilotage de l’Acte III de la décentralisation, doté d’une expérience gouvernementale, en paix avec tout le monde et pouvant, si vous êtes élu, compter sur votre proximité avec le Président Macky Sall pour transformer qualitativement la ville de Rufisque, soyez candidat. Mais, ma réponse est invariable : ma candidature sera actée si, au terme de mes concertations avec les forces vives rufisquoises, je juge la masse critique de souteneurs à la candidature assez consistante.


Êtes-vous politiquement connu à Rufisque pour aspirer à de telles ambitions ?


Je suis mal placé pour répondre à cette question qui doit être posée aux Rufisquois. Mais, je ne suis pas sûr qu’on puisse aujourd’hui citer trois noms d’acteurs politiques de la ville en oubliant le nôtre.


Quelles sont vos chances d’être choisi par votre coalition face à cette pléthore de responsables de la mouvance présidentielle au niveau de cette ville historique ?


Là aussi, mon aversion pour le narcissisme ne me met pas à l’aise pour répondre. Mais, je compte sur le dialogue dans le respect mutuel pour y parvenir, si je dois être candidat.


Vous êtes ministre d’Etat auprès du président de la République. En quoi consiste réellement votre travail ? C’est quoi votre quotidien ?


J’ai, de par mon rang protocolaire qui me place devant les membres du Gouvernement, des fonctions de représentation consistant à accompagner et parfois représenter le président de la République à l’intérieur et à l’extérieur du Sénégal, de conception sur les dossiers confiés et de participation aux différentes réunions de travail présidées par le président de la République. Le reste de mon temps est réparti entre l’Université et la politique à Rufisque.


SOPHIE BARRO

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Publié par

Namory BARRY

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