Les péripéties du revirement de Sonko

Ousmane Sonko, réputé inflexible dans ses idéaux, devrait faire fi de sa décision initiale de ne pas répondre à la justice. Convoqué aujourd’hui par le juge d’instruction du 8e cabinet du tribunal de Dakar pour être entendu sur l’accusation de viols répétés et menaces de mort faite à son encontre, le leader politique de Pastef-Les Patriotes devrait se présenter sans faire trop de difficultés. Son proche entourage, ses avocats et quelques officiels de la société civile y ont veillé.
Lors de son premier refus de déférer à la convocation du 8 février par la brigade de recherches de Dakar, à la suite des accusations de la masseuse Adji Sarr, le député avait invoqué son immunité parlementaire. Le 25 février, alors que l’Assemblée nationale était sur le point de lui retirer ce privilège, le parlementaire avait donné une conférence de presse pour réitérer son refus de se retrouver devant le juge. «Si vous réécoutez ma sortie, j’avais dit : si mon immunité est levée et que les règles prévues pour la levée de cette immunité sont respectées, je répondrai immédiatement. Je connais leur méthode, leur tendance, leur habitude à piétiner, à fouler aux pieds toutes les règles établies par rapport aux procédures (…) La procédure est viciée depuis le début», avait-il déclaré pour marquer son opposition. Avec le retrait de son immunité, Ousmane Sonko sait qu’il n’a plus vraiment les moyens de refuser de répondre à la convocation de la justice, mais l’homme qui n’a pas confiance à ceux qui instruisent son dossier, est réputé jusqu’au-boutiste. Pour lui éviter plus d’ennuis et surtout éviter des conséquences fâcheuses que peut avoir un probable mandat d’amener, des bonnes volontés ont entrepris de le convaincre. D’abord son marabout, Serigne Cheikh Abdou Mbacké, qui, dans un communiqué, a assuré avoir convaincu son protégé de se présenter aujourd’hui pour répondre à la justice. «Au nom de la paix et de la stabilité du pays et après en avoir longuement discuté avec plusieurs personnalités politiques, de la société civile, mais aussi de différentes obédiences religieuses du pays, j’ai demandé à M. Ousmane Sonko de bien vouloir déférer à la convocation du juge qui souhaite l’entendre ce mercredi 3 mars 2021. Une demande qu’il a acceptée au nom de l’immense respect qu’il me voue en tant que son guide et ami, mais aussi au nom de son profond attachement à la paix», a-t-il signé. Au même moment, un membre éminent de la société civile joignait sa voix dans cette entreprise pour permettre d’avoir une porte de sortie dans cette crise. Joint au téléphone, Alioune Tine a déclaré : «J’ai rencontré aussi bien les autorités que Ousmane Sonko. Je voulais le convaincre d’aller vers l’apaisement, d’abord pour sa sécurité et celle de sa famille. C’est un garçon très poli, très lucide, avec beaucoup d’humilité, mais très fort mentalement. Il a été d’accord de répondre à la justice.» Lors de sa visite, le directeur d’Amnesty international pour l’Afrique a rencontré les avocats de l’opposant, venus eux aussi le convaincre. Le collectif des défenseurs a été clair lors de la conférence de presse organisée après cette rencontre avec leur client. «Soucieux d’empêcher que le refus de déférer à la convocation soit le prétexte à des provocations, dont le seul but serait de lui imputer de nouvelles infractions, le collectif a estimé conseiller à Ousmane Sonko de déférer à la convocation», a lu Me Bamba Cissé, sans rassurer sur la décision définitive de son client. Il appartient désormais à l’opposant politique qui a toujours refusé d’être un agneau sacrificiel, de choisir la méthode dont la justice devra s’abattre sur lui. De gré ou de force.
ABLAYE GADIAGA SARR